L’excellent Al-Baghdadi, le fou furieux qui règne sur l’État
Islamique, ne doit plus n’y rien comprendre, voilà qu’à l’ouest de son
« Califat » on lui laisse libre champ pout avancer vers Damas et prendre
la Syrie, alors qu’à l’est, à Ramadi, en Irak, on le combat. Comme si
du côté syrien Daech était l’avenir du Moyen Orient, mais sur les rives
irakiennes, la peste et le choléra. Les vaillants soldats d’E.I. se sont
donc installés dans Palmyre sans que du ciel ne leur tombe dessus la
moindre « frappe » issue de Rafales, de F16 ou autres appareils de la
Coalition occidentale. Bizarre.
C’est vrai que sur la supposée efficacité d’une guerre faite rien que
du ciel, nos lecteurs sont déjà avertis : le plus souvent les couteux
missiles à un million de dollar ne tuent que des ânes, des bergers, des
enfants ou une noce en fête. Mais quand même, alors que Da’esh en
colonne blindée par deux, avançait en terrain totalement découvert, il
ne s’est pas trouvé un politicien pour commander quelques tirs de baroud
contre ceux que nos journaux qualifient pourtant de « barbares ». Il
faut croire que, cette fois, puisqu’ils annoncent que la fin de Bachar
est programmée, les jihadistes de Baghadi sont devenus de braves
garçons.
Vous objecterez que les Américains ne se sont pas montrés timorés
quand ils sont allés, à pied, flinguer le ministre des finances de
Da’ech et son secrétariat. Bien sûr, voilà un beau courage. Mais
pourquoi ? Parce qu’en tuant cet homme clé, Washington tente de
reprendre le contrôle du pétrole. Depuis des mois, Abou Sayyaf, le
susdit grand argentier des « barbares », était devenu un roi du
pétrole, un roi de trop. Puisque les troupes du Califat contrôlent
pratiquement les puits de Syrie, et une partie de ceux d’Irak, Abou
Sayyaf devenait un acteur important sur le marché international du
« brut », lui qui l’était lui-même. Il fallait donc que ce nouveau riche
disparaisse du club des pétroliers, et la force Delta l’a
exécuté. Constatez que personne, pas un témoin mal élevé, pas un
journaliste du genre Langlet, l’économiste en chef de France 2, n’a posé
la question qui brûle les dents : « mais qui donc, au bout du tuyau, a
bien pu acheter ce pétrole à couleur de sang ? ». En fouillant dans les
relevés bancaires de quelques magnats turcs et d’autres de Wall Street,
on doit pouvoir facilement en savoir plus. La mort d’Abou Sayyef est
donc un message à caractère politico-économique : « Faites la guerre
comme vous le voulez mais pour le pétrole, c’est nous les chefs ». Cette
propriété putative de l’or noir celui de toute la planète, est une
constante de la politique américaine et anglo-saxonne. Par exemple, en
1916 lors des accords Sykes-Picot, qui dépeçaient l’empire ottoman, la
France a été « convaincue » de céder le riche sous-sol du Kurdistan à
ses amis parlant la langue de Shakespeare. Contre le paiement d’une
rente issue du pétrole exploité… rente qui n’a jamais été correctement
versée puis oubliée.
Il y a un demi-siècle, sur l’antenne de Radio Luxembourg, une étrange
dame à chapeau et voilette, régnait sur la rubrique de politique
internationale, Geneviève Tabouis. Son slogan était simple, elle
claironnait « Attendez-vous à savoir… ». Aujourd’hui j’ai envie de
reprendre la voilette de Geneviève. Attendez-vous à savoir que, dans
quelques mois, si rien n’y fait, Da-ech aura réunifié le vieux royaume
hachémite, réunissant Syrie et Irak sous le même Califat. Et Al-Baghadi
pourra se prendre pour le nouveau prince des Omeyades.
Faute de faire la guerre, que prépare donc l’Occident pour la suite
de ce Lawrence d’Arabie en 4 D ? Le plan secret de Washington, approuvé
par Paris, est un escabeau à plusieurs marches. Première hypothèse.
Finalement après une étape d’apaisement, The Washington Post et Le Monde
décideront demain que Da’ech est devenu fréquentable. Hollande n’a t-il
pas rendu cinq visites à l’Arabie Saoudite qui, en ce moment, cherche à
embaucher une équipe de coupeurs de têtes, de bourreaux.
Si Da’ech est ingérable, on va demander au nouveaux démocrates
d’Al-Qaïda de lui faire la peau. Laurent Fabius estime déjà « qu’Al
Nostra fait du bon boulot », il parle là d’une branche de fidèles de Ben
Laden. Et le ministre des Affaires étrangères du Qatar, dans un
entretien avec Le Monde, vient de demander à ce que nous collaborions
avec ces démocrates, façon 11 septembre.
Bush et son gang ont brisé l’Irak, pour « redistribuer les cartes du
Moyen Orient », ce qui veut dire prendre en main ses ressources. Le
même chantier continue avec la Syrie. Un moyen Orient qui ne serait plus
constitué d’États mais de califats, d’émirats est une aubaine pour les
affaires, donc pour Washington. Plus simple de dicter les consignes à un
équivalent Tamim, le gentil garçon qui règne sur le Qatar, qu’à un
Bachar, un Saddam, un Nasser ou un Mossadegh bref un « nationaliste ».
En plus on trouvera bien, entre ses nouveaux califes, des dirigeants
assez raisonnables pour entériner la politique d’Israël.
Attendez-vous à savoir… que le pire est à venir.
Jacques-Marie Bourget