"Il faut avant tout que l'historien soit d'esprit indépendant, qu'il ne craigne personne et n'espère rien ; sinon il ressemblera à ces mauvais juges qui pour un salaire prononcent des arrêts dictés par la faveur ou par la haine... La tâche unique de l'historien est de raconter les faits comme ils se sont passés... Quand on se mêle d'écrire l'histoire, on ne doit sacrifier qu'à la vérité, sans se préoccuper du reste ; en un mot, la seule règle, l'exacte mesure, c'est d'avoir devant les yeux, non pas ceux qui l'entendent actuellement, mais ceux qui, par la suite, liront ses écrits... Que l'historien soit sans crainte, libre, ami de la franchise et de la vérité, et, comme dit le poète comique, qu'il appelle figue une figue, barque une barque, qu'il ne donne rien à la haine, ni à l'amitié, qu'il n'épargne personne par pitié, par respect ou par honte. Juge impartial, bienveillant pour tous, qu'il n'accorde à personne plus qu'il ne lui est dû, qu'il soit étranger dans ses livres et sans patrie, indépendant, sans roi ; qu'il n'ait nul souci de ce que pensera tel ou tel, mais raconte ce qui s'est fait... C'est ainsi qu'il faut écrire l'histoire. Il faut s'attacher à la vérité et placer son espérance dans l'avenir plutôt que de se livrer à la flatterie pour plaire à ses contemporains. Telle est la règle de la véritable histoire."
Lucien de Samosate