Dans ma messagerie Facebook, je reçois régulièrement, à fin de diffusion, des
vidéos se voulant subversives, volontiers moralisantes et dénonçant telle ou telle personnalité
de l'ex-dissidence. J'ai le déplaisir de remarquer qu'elles sont la
plupart du temps réalisées par des anonymes. Non pas par des
pseudonymes, je tiens à le souligner, mais bien par des anonymes. La
différence entre les deux tient en ceci qu'un pseudo est le nom de plume d'un auteur dont on
connaît l'identité tandis qu'un anonyme se planque derrière un prétendu
nom de guerre, au reste souvent ridicule, sans risque d'assumer les conséquences
de ses dires.
Il se trouve que j'abhorre le principe qui érige la
pleutrerie en art de vivre. Les énervés qui veulent se lancer dans des
diatribes enflammées parce qu'ils en ont gros sur la patate ont
parfaitement le droit, voire le devoir, de le faire : leurs coups de gueule peuvent être l'annonce d'une saine révolte, surtout si les arguments qu'ils présentent sont
solides et étayés par des preuves. Mais si leur démarche se résume à cracher dans le
noir sur ceux qui sont dans la lumière, elle me rappelle non pas les
heures les plus sombres de notre histoire, mais les cris inaudibles d'un
cafard qui se débat dans une boîte d'allumettes.
Tant qu'il ne s'agit
pas d'une question de vie ou de mort, et on en est loin, un polémiste du
Net n'a aucune valeur aussi longtemps que l'on ignore qui
s'exprime. On sait tous que la veulerie et la bassesse sans visage ont tendance à
camoufler des intérêts particuliers qui ne veulent pas apparaître au
grand jour pour des raisons inavouables.
Je leur adresse ce message :
critiquez autant que vous le voulez, déversez votre bile, faites des bocaux virtuels avec votre jus de crâne, sortez de vos gonds, vitupérez à loisir, scandalisez-vous si telle est votre nature, indignez-vous si vous êtes gauchiste, mais faites-le
sous votre nom. Vous serez alors dans la position juste et honorable du boxeur qui donne des coups mais n'a pas peur d'en recevoir. Tout le reste
est camelote intellectuelle, grossièreté inutile, bac-à-sablerie et porte la marque de
la lâcheté.
La lâcheté n'est jamais bon signe.
Paul-Éric Blanrue