Il existe des idées qui, en vertu de leur racine métaphysique, défient
le temps : elles ne sont ni d'hier, ni d'aujourd'hui, ni de demain, mais
possèdent une actualité éternelle. En fonction des circonstances, de
telles idées peuvent ou non devenir réalité, sous une forme ici plus
pure, là plus conditionnée, mais sans que cela ne porte en aucune façon
préjudice à leur valeur intrinsèque, à leur dignité, à leur caractère
rigoureusement normatif. C'est à cet ordre d'idées, héritage
de ce que nous appelons le monde de la Tradition, qu'appartient la
Monarchie. Un point important découle de ceci. En toute époque et
quelles que soient les circonstances, il faut qu'il y ait des hommes qui
témoignent de telles idées, sans se préoccuper de ceux qui, dans leur
myopie et leur infatuation ne savent parler que d'anachronismes et
"combat sur des positions perdues". Cette espèce de dépôt sacré doit
être gardé dans toute sa pureté, dans l'attente du moment où il sera
donné au principe de se réaffirmer. Ceux qui se sentent appelés à une
telle tâche doivent cependant avoir parfaitement à l'esprit l'objectif :
il ne s'agit pas de défendre telle ou telle monarchie mais, avant tout
et par-dessus tout, l'idée monarchique elle-même, la Monarchie entendue
comme quelque chose de supérieur et d'antérieur à n'importe quel
monarque en tant que personne à et à n'importe quel règne empirique et
conditionné. S'il le faut même (et aujourd'hui, malheureusement, il
semble que cela soit très souvent le cas), la Monarchie doit être
défendue malgré, ou contre, tel ou tel monarque, au cas où ceux-ci ne
seraient pas à la hauteur du symbole ou bien seraient enclins à des
accommodements et à des concessions.
Julius Evola, "La Monarchie comme
principe et comme idée-force", Totalité, n°26, p. 13.