Qui a dit qu'il fallait être un satané positiviste ou un athée naïf pour
faire profession de démystifier ? Tout au contraire ! Voyez entre
autres René Guénon, Le Théosophisme, histoire d'une pseudo-religion (1921) et L'Erreur spirite (1923), ainsi que Julius Evola, Masques et visages
du spiritualisme contemporain (1932). Sur la fable des
"Illuminatis", légende urbaine cachant un problème bien plus grave et profond que les délires et pouvoirs secrets supposés d'une secte de mabouls, lire ici les réflexions du maître de la Tradition mises en
forme dans un article, tiré d'un excellent site, que nous reproduisons ci-dessous. "Conspiracy watch" peut aller se rhabiller
!
L'origine du mythe des illuminati
est une société secrète réelle appelé Illuminés de Bavière, créée par
Adam Weishaupt. Ce mouvement a été découvert, à cause d'un éclair
providentiel qui s'est abattu sur un des membres de la secte, ce qui a
permis de découvrir sur lui les documents décrivant ses plans et son
organisation en détail. Ce mouvement a ainsi été tué pratiquement dans
l'œuf, et il n'y en a plus aucune trace aujourd'hui.
Exemple d'intox pour faire croire aux illuminati: on se sert de la réputation très exagérée de Pike pour donner de l'importance à une soi-disant lettre envoyée à Giuseppe Mazzini, "découverte" dans les années 50 par un agent des services de renseignements canadiens nommé William Guy Carr.
Cette lettre emploie des mots de vocabulaire anachroniques pour la
date (1871) où elle était censée avoir été écrite, comme les
appellations politiques de "sionistes" ou "fascistes".
Le terme « sionisme » lui-même a été créé par Nathan Birnbaum en 1886.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_du_sionisme
Le fascisme (en italien fascismo) est un mouvement politique italien apparu en 1919.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Fascisme Elle prévoit des conflits entre sionistes et musulmans, ce qui aurait pu être prophétique en 1871, mais ne l'était pas tellement en 1950, date à laquelle avait déjà été créé l'état juif depuis 3 ans. A part ça elle ne prévoit absolument rien d'extraordinaire.
William Guy Carr est un des auteurs les plus en vogue concernant le mythe des illuminati. Il a grandement contribué à leur propagation, avec force malhonnêteté.
Carr tient à défendre diverses affirmations infondées, comme celle selon laquelle illuminati viendrait de porteur de lumière :
Dans Des pions sur l'echiquier :
p. 66
Le mot « Illuminati » provient du mot Lucifer qui signifie « Porteur de la Lumière » ou « Être d’un extraordinaire éclat ».
p. 154
Le mot Illuminati a pour signification « porteur de lumière » !
C'est complètement faux. Illuminati est semblable à illuminé, tout simplement. Où est le "fero" de lucifer, qui lui veut bien dire porter ? A ce compte là, le Fiat lux de la Bible est luciférien lui aussi, puisqu'il y a lumière dedans.
Lucifer signifie porteur de lumière.
Illuminati signifie illuminés.
Illuminati ne signifie pas porteur de lumière.
Se rabaisser à tenter d'associer illuminati à Lucifer par une argumentation étymologique si maladroite, pour donner de la force à ce terme, c'est tout simplement ridicule.
Aussi maladroit que d'essayer de glisser ce concept dans des évocations historiques :
La conspiration mondiale :
p.13
Voltaire écrivait qu’afin de
mener les masses dans un nouvel assujettissement, les Illuminati
devaient leur mentir comme le Diable lui-même, non pas timidement ou
pour un temps seulement mais avec effronterie et en permanence. Il
racontait à ses compagnons Illuministes : ‘‘Nous devons leur faire des
promesses inconsidérées et employer des phrases extravagantes... le
contraire de ce que nous promettions, nous pouvons le faire par la
suite... cela demeure sans conséquence’’.
Des pions sur l'echiquier :
p. 47
Les Rois de l’Argent, les
Rabbins et les Anciens (les Sages) faisaient partie des Illuminati :
cela fut définitivement établi lors de l’enquête ordonnée le Roi Henry
III après le Crime Rituel de St Hugh de Lincoln, en 1255.
p. 48
Après les grandes expulsions,
les Juifs furent de nouveau confinés dans des Ghettos ou Kahals. Isolés
ainsi des populations, les Juifs étaient contrôlés et dirigés par
leurs Rabbins et leurs Anciens (Sages) dont nombre d’entre eux étaient
sous l’influence des Illuminati et des riches prêteurs d’argent Juifs,
tapis dans leurs divers sanctuaires. Dans les Ghettos, les agents des
Illuminati enracinèrent un sentiment de haine et de vengeance dans les
coeurs du peuple Juif vis-à-vis de ceux qui les avaient éjectés. Les
Rabbins leur rappelèrent qu’en tant que peuple choisi par Dieu, le jour
viendrait où ils auraient leur vengeance et hériteraient de la terre.
p. 70
Aux
affirmations de sa soeur lui expliquant que l’on avait des preuves que
les Illuminati, agissant sous le couvert d’une Franc-Maçonnerie
Philanthropique, avaient l’intention de détruire l’Église et l’État en
France, Marie-Antoinette répondit : « Je crois qu’en ce qui concerne la
France, vous vous inquiétez beaucoup trop de la Franc-Maçonnerie. Elle
est loin d’avoir l’importance qu’elle peut avoir partout ailleurs en
Europe ».
Tout cela bien sûr balancé sans aucune source. On pourrait objecter qu'il y a des limites au point de vue des simples considérations historiques, ce qui est bien vrai, mais il y a une différence entre parler de ce qui n'est pas accessible par les recherches historiques, et l'invention pure et simple de fausse preuves comme Carr le fait. Où peut-on consulter cette citation de Voltaire ? Où est la trace du compte rendu de l'enquête du roi Henry III après le crime rituel de St Hugh de Lincoln, datant de 1255, qui accuserait nommément les illuminati ? Qu'est ce qui atteste de la manipulation des juifs par les illuminati ? Où est la lettre où la sœur de Marie Antoinette l'avertit des dangers des illuminati ? Une première étape serait au moins d'indiquer dans quel livre ou recueil ces preuves existent; si Carr l'affirme, ces preuves historiques sont disponibles quelque part.
On a beau chercher une trace tangible des illuminati ailleurs que dans le groupuscule de Weishaupt, c'est peine perdue, y compris dans les ouvrages des plus fervents défenseurs de ce paradigme. Et ce n'est pas en collant le mot illuminati à n'importe quel complot, inventé ou réel, de l'histoire, qu'on leur donnera du crédit. Au contraire, c'est le meilleur moyen de tout embrouiller et de faire perdre toute leur crédibilité aux vrais complots.
Ces problèmes de rigueur sont évidents a posteriori, mais c'est toute la force de persuasion de la propagande d'arriver à faire manger de telles énormités.
Sur la nature réelle des Illuminés de Bavière :
Quand on se trouve en présence d’un groupement constitué pour des fins
quelconques et dont l’origine est entièrement connue, dont on sait
qu’il a été créé de toutes pièces par des individualités dont on peut
citer les noms, et qu’il ne possède par conséquent aucun rattachement
traditionnel, on peut être dès lors assuré que ce groupement, quelles
que soient d’ailleurs ses prétentions, n’a absolument rien
d’initiatique. L’existence de formes rituéliques dans certains de ces
groupements n’y change rien, car de telles formes, empruntées ou
imitées des organisations initiatiques, ne sont alors qu’une simple
parodie dépourvue de toute valeur réelle ; et d’autre part, ceci ne
s’applique pas seulement à des organisations dont les fins sont
uniquement politiques ou plus généralement « sociales », dans l’un
quelconque des sens que l’on peut attribuer à ce mot, mais aussi à
toutes ces formations modernes que nous avons appelées
pseudo-initiatiques, y compris celles qui invoquent un vague
rattachement « idéal » à une tradition quelconque.
Par contre, il peut y avoir doute dès qu’on a affaire à une organisation dont l’origine présente quelque chose d’énigmatique et ne saurait être rapportée à des individualités définies ; en effet, même si ses manifestations connues n’ont évidemment aucun caractère initiatique, il se peut néanmoins qu’elle représente une déviation ou une dégénérescence de quelque chose qui était primitivement tel. Cette déviation, qui peut se produire surtout sous l’influence de préoccupations d’ordre social, suppose que l’incompréhension du but premier et essentiel est devenue générale chez les membres de cette organisation ; elle peut d’ailleurs être plus ou moins complète, et ce qui subsiste encore d’organisations initiatiques en. Occident représente en quelque sorte, dans son état actuel, un stade intermédiaire à cet égard. Le cas extrême sera celui où, les formes rituéliques et symboliques étant cependant conservées, personne n’aura plus la moindre conscience de leur véritable caractère initiatique, si bien qu’on ne les interprétera plus qu’en fonction d’une application contingente quelconque ; que celle-ci soit d’ailleurs légitime ou non, là n’est pas la question, la dégénérescence consistant proprement dans le fait qu’on n’envisage rien au delà de cette application et du domaine plus ou moins extérieur auquel elle se rapporte spécialement. Il est bien clair que, en pareil cas, ceux qui ne voient les choses que « du dehors » seront incapables de discerner ce dont il s’agit en réalité et de faire la distinction entre de telles organisations et celles dont nous parlions en premier lieu, d’autant plus que, lorsque celles-là en sont arrivées à n’avoir plus, consciemment du moins, qu’un but similaire à celui pour lequel celles-ci ont été créées artificiellement, il en résulte une sorte d’« affinité » de fait en vertu de laquelle les unes et les autres peuvent se trouver en contact plus ou moins direct, et même finir parfois par s’entremêler de façon plus ou moins inextricable.
Pour mieux faire comprendre ce que nous venons de dire, il convient de s’appuyer sur des cas précis ; aussi citerons-nous l’exemple de deux organisations qui, extérieurement, peuvent paraître assez comparables entre elles, et qui cependant diffèrent nettement par leurs origines, de telle sorte qu’elles rentrent respectivement dans l’une et l’autre des deux catégories que nous venons de distinguer : les Illuminés de Bavière et les Carbonari. En ce qui concerne les premiers, les fondateurs sont connus, et l’on sait de quelle façon ils ont élaboré le « système » de leur propre initiative, en dehors de tout rattachement à quoi que ce soit de préexistant ; on sait aussi par quels états successifs sont passés les grades et les rituels, dont certains ne furent d’ailleurs jamais pratiqués et n’existèrent que sur le papier ; car tout fut mis par écrit dès le début et à mesure que se développaient et se précisaient les idées des fondateurs, et c’est même là ce qui fit échouer leurs plans, lesquels, bien entendu, se rapportaient exclusivement au domaine social et ne le dépassaient sous aucun rapport. Il n’est donc pas douteux qu’il ne s’agit là que de l’œuvre artificielle de quelques individus, et que les formes qu’ils avaient adoptées ne pouvaient constituer qu’un simulacre ou une parodie d’initiation, le rattachement traditionnel faisant défaut tout autant que le but réellement initiatique était étranger à leurs préoccupations. Si l’on considère au contraire le Carbonarisme, on constate, d’une part, qu’il est impossible de lui assigner une origine « historique » de ce genre, et, d’autre part, que ses rituels présentent nettement le caractère d’une « initiation de métier », apparentée comme telle à la Maçonnerie et au Compagnonnage ; mais, tandis que ceux-ci ont toujours gardé une certaine conscience de leur caractère initiatique, si amoindrie soit-elle par l’intrusion de préoccupations d’ordre contingent, et la part de plus en plus grande qui leur a été faite, il semble bien (quoiqu’on ne puisse jamais être absolument affirmatif à cet égard, un petit nombre de membres, et qui ne sont pas forcément les chefs apparents, pouvant toujours faire exception à l’incompréhension générale sans en rien laisser paraître) (1) que le Carbonarisme ait poussé finalement la dégénérescence à l’extrême, au point de n’être plus rien d’autre en fait que cette simple association de conspirateurs politiques dont on connaît l’action dans l’histoire du XIXe siècle. Les Carbonari se mêlèrent alors à d’autres associations de fondation toute récente et qui n’avaient jamais eu rien d’initiatique, tandis que, d’un autre côté, beaucoup d’entre eux appartenaient en même temps à la Maçonnerie, ce qui peut s’expliquer à la fois par l’affinité des deux organisations et par une certaine dégénérescence de la Maçonnerie elle-même, allant dans le même sens, quoique moins loin, que celle du Carbonarisme. Quant aux Illuminés, leurs rapports avec la Maçonnerie eurent un tout autre caractère : ceux qui y entrèrent ne le firent qu’avec l’intention bien arrêtée d’y acquérir une influence prépondérante et de s’en servir comme d’un instrument pour la réalisation de leurs desseins particuliers, ce qui échoua d’ailleurs comme tout le reste ; et, pour le dire en passant, on voit assez par là combien ceux qui prétendent faire des Illuminés eux-mêmes une organisation « maçonnique » sont loin de la vérité. Ajoutons encore que l’ambiguïté de cette appellation d’« Illuminés » ne doit aucunement faire illusion : elle n’était prise là que dans une acception strictement « rationaliste », et il ne faut pas oublier que, au XVIIIème siècle, les « lumières » avaient en Allemagne une signification à peu près équivalente à celle de la « philosophie » en France ; c’est dire qu’on ne saurait rien concevoir de plus profane et même de plus formellement contraire à tout esprit initiatique ou seulement traditionnel.
Par contre, il peut y avoir doute dès qu’on a affaire à une organisation dont l’origine présente quelque chose d’énigmatique et ne saurait être rapportée à des individualités définies ; en effet, même si ses manifestations connues n’ont évidemment aucun caractère initiatique, il se peut néanmoins qu’elle représente une déviation ou une dégénérescence de quelque chose qui était primitivement tel. Cette déviation, qui peut se produire surtout sous l’influence de préoccupations d’ordre social, suppose que l’incompréhension du but premier et essentiel est devenue générale chez les membres de cette organisation ; elle peut d’ailleurs être plus ou moins complète, et ce qui subsiste encore d’organisations initiatiques en. Occident représente en quelque sorte, dans son état actuel, un stade intermédiaire à cet égard. Le cas extrême sera celui où, les formes rituéliques et symboliques étant cependant conservées, personne n’aura plus la moindre conscience de leur véritable caractère initiatique, si bien qu’on ne les interprétera plus qu’en fonction d’une application contingente quelconque ; que celle-ci soit d’ailleurs légitime ou non, là n’est pas la question, la dégénérescence consistant proprement dans le fait qu’on n’envisage rien au delà de cette application et du domaine plus ou moins extérieur auquel elle se rapporte spécialement. Il est bien clair que, en pareil cas, ceux qui ne voient les choses que « du dehors » seront incapables de discerner ce dont il s’agit en réalité et de faire la distinction entre de telles organisations et celles dont nous parlions en premier lieu, d’autant plus que, lorsque celles-là en sont arrivées à n’avoir plus, consciemment du moins, qu’un but similaire à celui pour lequel celles-ci ont été créées artificiellement, il en résulte une sorte d’« affinité » de fait en vertu de laquelle les unes et les autres peuvent se trouver en contact plus ou moins direct, et même finir parfois par s’entremêler de façon plus ou moins inextricable.
Pour mieux faire comprendre ce que nous venons de dire, il convient de s’appuyer sur des cas précis ; aussi citerons-nous l’exemple de deux organisations qui, extérieurement, peuvent paraître assez comparables entre elles, et qui cependant diffèrent nettement par leurs origines, de telle sorte qu’elles rentrent respectivement dans l’une et l’autre des deux catégories que nous venons de distinguer : les Illuminés de Bavière et les Carbonari. En ce qui concerne les premiers, les fondateurs sont connus, et l’on sait de quelle façon ils ont élaboré le « système » de leur propre initiative, en dehors de tout rattachement à quoi que ce soit de préexistant ; on sait aussi par quels états successifs sont passés les grades et les rituels, dont certains ne furent d’ailleurs jamais pratiqués et n’existèrent que sur le papier ; car tout fut mis par écrit dès le début et à mesure que se développaient et se précisaient les idées des fondateurs, et c’est même là ce qui fit échouer leurs plans, lesquels, bien entendu, se rapportaient exclusivement au domaine social et ne le dépassaient sous aucun rapport. Il n’est donc pas douteux qu’il ne s’agit là que de l’œuvre artificielle de quelques individus, et que les formes qu’ils avaient adoptées ne pouvaient constituer qu’un simulacre ou une parodie d’initiation, le rattachement traditionnel faisant défaut tout autant que le but réellement initiatique était étranger à leurs préoccupations. Si l’on considère au contraire le Carbonarisme, on constate, d’une part, qu’il est impossible de lui assigner une origine « historique » de ce genre, et, d’autre part, que ses rituels présentent nettement le caractère d’une « initiation de métier », apparentée comme telle à la Maçonnerie et au Compagnonnage ; mais, tandis que ceux-ci ont toujours gardé une certaine conscience de leur caractère initiatique, si amoindrie soit-elle par l’intrusion de préoccupations d’ordre contingent, et la part de plus en plus grande qui leur a été faite, il semble bien (quoiqu’on ne puisse jamais être absolument affirmatif à cet égard, un petit nombre de membres, et qui ne sont pas forcément les chefs apparents, pouvant toujours faire exception à l’incompréhension générale sans en rien laisser paraître) (1) que le Carbonarisme ait poussé finalement la dégénérescence à l’extrême, au point de n’être plus rien d’autre en fait que cette simple association de conspirateurs politiques dont on connaît l’action dans l’histoire du XIXe siècle. Les Carbonari se mêlèrent alors à d’autres associations de fondation toute récente et qui n’avaient jamais eu rien d’initiatique, tandis que, d’un autre côté, beaucoup d’entre eux appartenaient en même temps à la Maçonnerie, ce qui peut s’expliquer à la fois par l’affinité des deux organisations et par une certaine dégénérescence de la Maçonnerie elle-même, allant dans le même sens, quoique moins loin, que celle du Carbonarisme. Quant aux Illuminés, leurs rapports avec la Maçonnerie eurent un tout autre caractère : ceux qui y entrèrent ne le firent qu’avec l’intention bien arrêtée d’y acquérir une influence prépondérante et de s’en servir comme d’un instrument pour la réalisation de leurs desseins particuliers, ce qui échoua d’ailleurs comme tout le reste ; et, pour le dire en passant, on voit assez par là combien ceux qui prétendent faire des Illuminés eux-mêmes une organisation « maçonnique » sont loin de la vérité. Ajoutons encore que l’ambiguïté de cette appellation d’« Illuminés » ne doit aucunement faire illusion : elle n’était prise là que dans une acception strictement « rationaliste », et il ne faut pas oublier que, au XVIIIème siècle, les « lumières » avaient en Allemagne une signification à peu près équivalente à celle de la « philosophie » en France ; c’est dire qu’on ne saurait rien concevoir de plus profane et même de plus formellement contraire à tout esprit initiatique ou seulement traditionnel.
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1 - On ne pourrait
d’ailleurs pas leur reprocher une telle attitude si l’incompréhension
est devenue telle qu’il soit pratiquement impossible de réagir contre
elle.
René Guénon, Aperçus sur l'initiation, chapitre XII - Organisations initiatiques et sociétés secrètes
Il y a actuellement une volonté qui confine à l'hystérie, pas toujours exempte de malhonnêteté,
à vouloir prolonger la vie des Illuminés de Bavière, dans le passé,
pour les identifier avec la contre-tradition, et dans le futur, jusqu'à
nos jours, malgré leur absence invincible. Tout ce que l'on présente
comme présence des illuminati n'est en effet qu'une sous-culture stupide
qui surfe justement sur cette mode, comme un clown sous amphétamines
qui hurlerait devant un miroir lui renvoyant son propre visage
peinturluré. Cet engouement est dû à la fascination exercée par certains
symboles qui seraient satanistes, alors qu'aucun symbole ne l'est en
essence. C'est l'intention dans laquelle on les aborde qui est
déterminante :
Du double sens des symboles
Études Traditionnelles, juillet 1937.
On s’étonne parfois qu’un même symbole puisse être pris en deux sens
qui, apparemment tout au moins, sont directement opposés l’un à l’autre ;
il ne s’agit pas en cela, bien entendu, de la multiplicité des sens
que, d’une façon générale, peut présenter tout symbole suivant le point
de vue ou le niveau auquel on l’envisage, mais, plus spécialement, de
deux aspects qui sont liés entre eux par un certain rapport de
corrélation, prenant la forme d’une opposition, de telle sorte que l’un
d’eux soit pour ainsi dire l’inverse ou le « négatif » de l’autre. Pour
le comprendre, il faut partir de la considération de la dualité comme
présupposée par toute manifestation, et, par suite, comme la
conditionnant dans tous ses modes, où elle doit toujours se retrouver
sous une forme ou sous une autre ; il est vrai que cette dualité est
proprement un complémentarisme, et non pas une opposition ; mais deux
termes qui sont en réalité complémentaires peuvent aussi, à un point de
vue plus extérieur et plus contingent, apparaître comme opposés. Toute
opposition n’existe comme telle qu’à un certain niveau, car il n’en peut
être aucune qui soit irréductible ; à un niveau plus élevé, elle se
résout en un complémentarisme, dans lequel ses deux termes se trouvent
déjà conciliés et harmonisés, avant de rentrer finalement dans l’unité
du principe commun dont ils procèdent l’un et l’autre. On pourrait donc
dire que le point de vue du complémentarisme est, en un certain sens,
intermédiaire entre celui de l’opposition et celui de l’unification ; et
chacun de ces points de vue a sa raison d’être et sa valeur propre dans
l’ordre auquel il s’applique, bien que, évidemment, ils ne se situe pas
au même degré de réalité ; ce qui importe est donc de savoir mettre
chaque aspect à sa place hiérarchique, et de ne pas prétendre le
transporter dans un domaine où il n’aurait plus aucune signification
acceptable.
Dans ces conditions, on peut comprendre que le fait d’envisager dans un
symbole deux aspects contraires n’a, en lui-même, rien que de
parfaitement légitime, et que d’ailleurs la considération d’un de ces
aspects n’exclut nullement celle de l’autre, puisque chacun d’eux est
également vrai sous un certain rapport, et que même leur existence est
en quelque sorte solidaire. C’est donc une erreur, assez fréquente du
reste, de penser que la considération respective de l’un et l’autre de
ces aspects doit être rapportée à des doctrines ou à des écoles se
trouvant elles-mêmes en opposition ; ici, tout dépend seulement de la
prédominance qui peut être attribuée l’un par rapport à l’autre, ou
parfois aussi de l’intention suivant laquelle le symbole peut être
employé, par exemple, comme élément intervenant dans certains rites, ou
encore comme moyen de reconnaissance ; mais c’est là un point sur lequel
nous allons avoir à revenir. Ce qui montre bien que les deux aspects ne
s’excluent point et son susceptibles d’être envisagés simultanément,
c’est qu’ils peuvent se trouver réunis dans une même figuration
symbolique complexe ; à cet égard, il convient de remarquer, bien que
nous ne puisions pour le moment développer ceci complètement, qu’une
dualité, qui pourra être opposition ou complémentarisme suivant le point
de vue auquel on se placera, peut, quant à la situation de ses termes
l’un par rapport à l’autre, se disposer dan un sens vertical ou dans un
sens horizontal ; ceci résulte immédiatement du schéma crucial du
quaternaire, qui peut se décomposer en deux dualités, l’une verticale et
l’autre horizontale. La dualité verticale peut être rapportée aux deux
extrémités d’un axe, ou aux deux directions contraires suivant
lesquelles cet axe peut être parcouru ; la dualité horizontale est celle
de deux éléments qui se situent symétriquement de part et d’autre de ce
même axe ; on peut donner comme exemple du premier cas les deux
triangles du sceau de Salomon, et comme exemple du second les deux
serpents du caducée ; et l’on remarquera que c’est seulement dans la
dualité verticale que les deux termes se distinguent nettement l’un de
l’autre par leur position inverse, tandis que, dans la dualité
horizontale, ils peuvent paraître tout à fait semblables ou équivalents
quand on les envisage séparément, alors que pourtant leur signification
n’est pas moins réellement contraire dans ce cas que dans l’autre. On
peut dire encore que, dans l’ordre spatial, la dualité verticale est
celle du haut et du bas, et la dualité horizontale celle de la droite et
de la gauche ; cette observation semblera peut-être trop évidente, mais
elle n’en a pas moins son importance, parce que, symboliquement, ces
deux couples de termes, sont eux-mêmes susceptibles d’applications
multiples, sur lesquelles il n’y a d’ailleurs pas lieu d’insister
présentement, mais dont il ne serait pas très difficile de découvrir des
traces jusque dans le langage courant, ce qui indique bien qu’il s’agit
là de chose d’une portée très générale.
Tout cela étant posé en principe, on pourra sans peine en déduire
certaines conséquences concernant ce qu’on pourrait appeler l’usage
pratique des symboles ; mais, à cet égard, il faut faire intervenir tout
d’abord une considération d’un caractère plus particulier, celle du cas
où les deux aspects contraires sont pris respectivement comme «
bénéfique » et comme « maléfique ». Nous employons ces deux expressions
faute de mieux, car elles ont l’inconvénient de pouvoir faire supposer
qu’il y a là quelque interprétation plus ou moins « morale », alors
qu’en réalité il n’en est rien, et qu’elles doivent être entendues ici
en un sens purement « technique ». De plus, il doit être bien compris
aussi que la qualité « bénéfique » ou « maléfique » ne s’attache pas
d’une façon absolue à l’un des deux aspects, puisqu’elle ne convient
proprement qu’à une application spéciale, à laquelle il serait
impossible de réduire indistinctement toute opposition quelle qu’elle
soit, et qu’en tout cas elle disparaît nécessairement quand on passe du
point de vue de l’opposition à celui du complémentarisme, auquel une
telle considération est totalement étrangère. Dans ces limites et en
tenant compte de ces réserves, c’est là un point de vue qui a
normalement sa place parmi les autres ; mais c’est aussi de ce point de
vue même que peut résulter, dans l’interprétation et l’usage du
symbolisme, une sorte de « subversion » qui constitue souvent une des «
marques » caractéristiques de ce qui, consciemment ou non, relève du
domaine de la « contre-initiation » ou se trouve plus ou moins
directement soumis à son influence.
La « subversion » dont nous parlons peut consister, soit à attribuer à
l’aspect « maléfique », tout en le reconnaissant cependant comme tel, la
place qui doit normalement revenir à l’aspect « bénéfique », voire même
lue sorte de suprématie sur celui-ci, soit à interpréter les symboles
au rebours de leur sens légitime, en considérant comme « bénéfique »
l’aspect qui est en réalité « maléfique » et inversement. Il faut
d’ailleurs remarquer que, d’après ce que nous avons dit précédemment,
une telle « subversion » peut ne pas apparaître visiblement dans la
représentation des symboles, puisqu’il en est pour lesquels les deux
aspects opposés ne sont pas marqués par une différence extérieure,
reconnaissable à première vue : ainsi, dans les figurations qui se
rapportent à ce qu’on a coutume d’appeler, assez improprement
d’ailleurs, le « culte du serpent », il serait souvent impossible, du
moins à ne considérer que le serpent lui-même, de dire a priori s’il s’agit de l’Agathodaimôn ou du Kakodaimôn ;
de là de nombreuses méprises, surtout de la part de ceux qui, ignorant
cette double signification du serpent, sont tentés de n’y voir partout
et toujours qu’un symbole « maléfique », ce qui est le cas de la
généralité des Occidentaux modernes ; et ce que nous disons ici du
serpent pourrait s’appliquer pareillement à beaucoup d’autres animaux
symboliques, pour lesquels on a pris communément l’habitude, quelles
qu’en soient d’ailleurs les raisons, de ne plus envisager qu’un seul des
deux aspects opposés qu’ils possèdent en réalité. Pour les symboles qui
sont susceptibles de prendre deux positions inverses, et spécialement
pour ceux qui se réduisent à des formes géométriques, il peut sembler
que la différence doive apparaître beaucoup plus nettement ; et
pourtant, en fait, il n’en est pas toujours ainsi, puisque les deux
positions du même symbole sont susceptibles d’avoir l’une et l’autre une
signification légitime, et que d’ailleurs leur relation n’est pas
forcément celle du « bénéfique » et du « maléfique », qui n’est,
redisons-le encore, qu’une simple application particulière parmi toutes
les autres. Ce qu’il importe de savoir en pareil cas, c’est s’il y a
réellement une volonté de « retournement », pourrait-on dire, en
contradiction formelle avec la valeur légitime et normale du symbole ;
c’est pourquoi, comme nous le faisions remarquer à propos d’un livre
dont nous avons rendu compte récemment, l’emploi du triangle inversé,
par exemple, est bien loin d’être toujours un signe de « magie noire »,
quoiqu’il le soit effectivement dans certains cas, ceux où il s’y
attache une intention de prendre le contrepied de ce que représente le
triangle dont le sommet est tourné vers le haut ; et, notons-le
incidemment, un pareil « retournement » intentionnel s’exerce aussi sur
des mots ou des formules, comme on peut le constater dans certaines
pratiques de sorcellerie.
On voit donc que la question est plus complexe que certains ne se
l’imaginent, et nous dirions volontiers plus subtile, car ce qu’il faut
examiner pour savoir à quoi on a véritablement affaire dans tel ou tel
cas, ce sont moins les figurations, prises dans leur « matérialité »,
que les interprétations dont elles s’accompagnent et par lesquelles
s’explique l’intention qui a présidé à leur adoption. Bien
plus, la « subversion » la plus habile et la plus dangereuse est
certainement celle qui ne se trahit pas par des singularités trop
manifestes et que n’importe qui peut facilement apercevoir, mais qui
déforme le sens des symboles ou renverse leur valeur sans rien changer à
leurs apparences extérieures. Mais la ruse la plus diabolique de toutes
est peut-être celle qui consiste à faire attribuer au symbolisme
orthodoxe lui-même, tel qu’il existe dans les organisations
véritablement traditionnelles, et plus particulièrement dans les
organisations initiatiques, qui sont surtout visées en pareil cas,
l’interprétation à rebours qui est proprement le fait de la «
contre-initiation » ; et celle-ci, comme nous l’avons signalé
dernièrement, ne se prive pas d’user de ce moyen pour provoquer les
confusions et les équivoques dont elle a quelque profit à tirer. C’est
là, au fond, tout le secret de certaines campagnes menées, soit contre
l’ésotérisme en général, soit contre telle ou telle forme initiatique en
particulier, avec l’aide inconsciente de gens dont la plupart seraient
fort étonnés, et même épouvantés, s’ils pouvaient se rendre compte de ce
pour quoi on les utilise ; il arrive malheureusement parfois que ceux
qui croient combattre le diable se trouvent ainsi tout simplement, sans
s’en douter le moins du monde, transformés en ses meilleurs serviteurs !
Ça fera donc sûrement plaisir aux conspirationnistes débiles (désignant non le fait honorable de s'intéresser à des informations refusées par le dogme officiel, mais bien cette pathologie de croire aveuglément à des croyances de type conspirationniste, par besoin de croire confortablement en quelque chose) de leur concéder qu'en effet, ils sont peut-être bien sous l'emprise de forces occultes. Le petit détail ennuyeux est que ce n'est pas vraiment de la manière qu'ils le croient.