BLOG DES AMIS DE PAUL-ÉRIC BLANRUE --- ARCHIVES, ACTUALITÉS, PROSPECTIVES --- DÉMYSTIFICATION ET CONTRE-HISTOIRE

mercredi 8 avril 2015

Nouvelle affaire Le Pen : position du problème (extrait de "Jean-Marie, Marine et les juifs", Oser dire, 2014)



 "Les plus gros scandales ayant éclaboussé Jean-Marie Le Pen, les affaires qui le marquent comme un galérien et le tiennent à l’écart de la respectabilité républicaine, lui interdisant de facto toute possibilité d’alliance avec les autres partis, ne sont pas celles nées de ses plaisanteries acerbes sur les Arabes ou les Roms, mais celles concernant d’abord et avant tout ses déclarations plus ou moins bienséantes sur les juifs. De ce côté-là, rien ne lui est pardonné. Dès qu’il commet un faux pas, on sonne le shofar. Au moindre esclandre avec la communauté organisée, le malaise devient universel et les punitions réclamées ne sont pas loin d’être dignes d’un régicide. Dès que le FN approche des 20% d’intention de vote, une affaire de ce genre est jetée dans les jambes de Le Pen. Alors on le tance, fustige, condamne avec une rigueur particulière, l’excluant avec une férocité sans nom, mais au nom, tout de même, des Six Millions basse continue jouée par la nouvelle cléricature composées de tyranneaux inaccessibles à l’objection, en proie à une compulsion de répétition qui confine à la pulsion de mort.

Comme pour Dieudonné, le droit au rire a trouvé sa limite d’expression infranchissable. Son mur du son. Tolérance zéro. Ni oubli ni pardon ; contre leurs supposées dérives, on largue en représailles un bon paquet de bombes au phosphore blanc médiatiques ! La guerre sale est menée dans toute sa quotidienne désinvolture. Dans une vidéo sortie en juillet 2014 et réalisée par une Franco-israélienne surnommée Esti, le député replet Meyer Habib (UDI), lui-même binational, faible penseur mais ancien gros bras de l’Organisation juive de combat, fait l’apologie des « valeurs de vengeance qui appartiennent au peuple juif ». Les initiés auront compris.

Le « détail », Carpentras, « Durafour-crématoire » : ces tâches indélébiles mettent un terme immédiat à toute discussion portant sur l’intégration du FN dans la vie politique commune. Inutile d’essayer de poursuivre la conversation, c’est peine perdue. Les citoyens qui se tiennent les côtes quand « le Vieux » raconte avoir acquis une maison à la campagne pour que ses enfants puissent voir « des vaches au lieu de voir des Arabes », ceux-là qui partagent son avis quand il carillonne que « 90% des faits divers sont le fait d’immigrés ou de descendants d’immigrés », sont alors frappés de stupeur, comme victimes d’une commotion cérébrale ou d’un rituel vaudou. Pourquoi ? Parce que les dérapages sur les Arabes sont admis, tandis que ceux sur les juifs sont interdits. Manuel Valls, entre autres, l’a déclaré sur un ton ne souffrant pas de réplique : « La Shoah, l'extermination des juifs, le génocide, doivent être sacralisées, sacrées » ; « Les juifs sont l’avant-garde de la République ». C’est ainsi. Quelle autre communauté peut en France se targuer de ce statut hiératique ? Y aurait-il des nobles et des ignobles ? Étudiez l’héliotropisme, cela peut servir.

Pourtant, si le FN annonce sur toutes les ondes vouloir renvoyer les immigrés « chez eux » pendant qu’il réservera l’emploi aux « Français d’abord », il n’a oncques fait figurer dans son programme la plus moléculaire discrimination à l’égard des Français juifs comme ce fut le cas jadis du statut des juifs du maréchal Pétain, qui leur interdisait en principe d’exercer dans la fonction publique, le commerce ou l’industrie. Dans le programme du FN d’hier et d’aujourd’hui on chercherait en vain une ligne sur ceux qu’on appelait jadis « les israélites ». Pas une fois le Menhir n’a appelé à des actes criminels ou délictueux à leur encontre, à je ne sais quel autodafé ni à quelque pogrom que ce soit. Il ne lui est pas arrivé, après boire, de demander à ses compatriotes juifs mécontents de la politique menée par le Quai d’Orsay d’aller voir ailleurs si l’herbe est verte et les plaines fertiles, autrement dit d’accomplir leur alyah (« montée ») en Terre promise. Évidemment, faut-il le préciser, il a moins encore évoqué leur déportation, pour ne pas parler de leur extermination ! Ce sont les Nord-Africains et les immigrés délinquants profitant au petit bonheur de la CAF et des avantages de la CMU qu’il fustige comme « Français de papier », non pas les sionistes, les marchands de jeans du Sentier, les fourreurs du faubourg Poissonnière (désormais remplacés par les Chinois, pour autant que je sache) ou les chanteurs à pseudonyme ayant tendance à passer par pertes et profits les frappes chirurgicales de l’armée la plus morale du monde, celle qui envoie des SMS avant de bombarder les écoles. Si Le Pen s’est écarté de la politique israélienne, qu’il s’est permis de gourmander, ce n’est pas davantage, sinon moins, que le Nouveau parti anticapitaliste, Lutte ouvrière, le PCF ou le Front de gauche, qui ne s’en privent guère au grand bonheur de ses troupes et supplétifs, « antifas » en tête. Quant à ses tentatives de rapprochement avec l’État dit hébreu et de réconciliation avec les Français juifs, elles ont rarement, pour ainsi dire jamais, été relayées par les médias dominants ni commentées en public, y compris au sein de son propre parti et de la presse acquise à sa cause.

C’est un fait solidement établi en revanche que le Trinitain s’est sans cesse – et rudement confronté aux organisations supposées représentatives de la communauté juive (qui dans les faits ne représentent qu’un sixième des Français juifs voir mon Sarkozy, Israël et les juifs, Oser dire, 2009) et à leurs relais associatifs et médiatiques, toujours prompts à lui faire payer, au propre et au figuré, le prix fort de ses écarts de langage. Tête de bois, le Breton Le Pen n’a pas daigné passer sous leurs fourches caudines, pas plus qu’il ne s’est résolu à révérer les tabous qu’elles imposent au pays avec un aplomb qu’il n’est pas le seul à estimer lassant. En conséquence de quoi, elles le traînent devant les tribunaux à la moindre occasion, au plus modique dérapage, ce sport médiatique que Le Pen affectionne et désigne crânement comme « du hors-piste ».

Avec ces syndicats israéliens autoproclamés gardiens de la Mémoire, c’est la guerre de tranchée. Les médias en font grand cas, comme si un jeu de mots moqueur valait un génocide dans la nuit et le brouillard, et ils perpétuent in omnia saecula saeculorum le souvenir des célèbres « propos nauséabonds », selon l’expression stéréotypée de ces journalistes incultes qui, pour George Bernard Shaw, sont « incapables de faire la différence entre un accident de bicyclette et l’effondrement d’une civilisation ».

C’est saisissant : quand cette nouvelle forme de Terreur morale s’abat comme la masse de Capitaine Caverne sur le FN, il n’est jamais loin d’une douloureuse crise interne, avec départs en catastrophe, branle-bas de combat et communiqués affolés, signe que le blocage des mentalités s’est impatronisé jusquau plus profond des esprits. Depuis longtemps, Marine Le Pen, élue présidente du Front au congrès de Tours en 2011, tente par tous les moyens de se débarrasser de l’image infamante d’antisémitisme qui colle à la peau du FN comme le morceau de sparadrap au capitaine Haddock dans Vol 714 pour Sidney. L’affaire risible de la fournée, en juin 2014, lui a donné une énième occasion de prendre ses distances avec un cliché qui manifeste toutes les apparences d’une névrose de destin. Enclins à pratiquer la psychanalyse de bistrot quand ils ne désirent pas aller au fond des événements qu’ils décrivent, les médias ont évoqué un « parricide », alors qu’il était surtout question pour Marine de tenter de dédiaboliser son parti, afin de le rendre acceptable aux yeux du grand nombre en commençant, noblesse oblige, par les faiseurs d’opinion au premier chef desquels on compte l’« insupportable police juive de la pensée », selon l’inégalable expression d’Annie Kriegel (Le Figaro, 3 avril 1990).

Nul Einstein ne peut établir selon des critères scientifiques si Le Pen nourrit au fond de lui une répulsion irrépressible pour la communauté juive. Les secrets de l’esprit sont à triple, quadruple fond. Lui garantit qu’il ne l’est pas. Quand bien même certains seraient assurés en leur for intérieur de l’antisémitisme de Le Pen père, encore faudrait-il être capable d’en estimer le degré et de démontrer que ses remarques provocatrices ne sont pas seulement une réaction d’humeur intempestive face aux attaques paroxystiques dont il est l’objet de la part du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA) et des autres associations sionistes faisant régner la loi et l’ordre en France. L’antisémitisme est devenu l’arme ultime pour mettre hors-jeu un adversaire encombrant. À tous les coups l’on gagne ; c’est le fer à cheval dans le gant de boxe. L’insulte est utilisée à tout propos, rendant suspects de mauvaise foi ceux qui s’emparent d’un qualificatif « trop facile, injuste, pas très intelligent, sournoisement démagogique en nous faisant passer pour raciste ; et, en fin de compte et là est le pire totalitaire, en ce que cette attitude exclut tout dialogue » (Georges, Haldas, Pâques à Jérusalem, LAge dHomme, 1995) . Il s’agira, un jour, de commencer par ne plus jamais en tenir compte."

Paul-Éric Blanrue