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mercredi 24 mars 2021

Le marxisme : la pseudo-science la plus criminelle de l'Histoire. Par Paul-Eric Blanrue.

Extraits du chapitre "Le ver est dans le fruit", de Paul -Eric Blanrue, Sécession, l'art de désobéir (Fiat Lux, 2018), consacré au marxisme et à ses séides.


« Il faut aider les Français à quitter la vision dominante d’inspiration marxiste selon laquelle les citoyens seraient membres de classes antagonistes qui lutteraient pour le partage des richesses, alors qu’en réalité c’est l’État qui avive ces antagonismes en permettant aux citoyens de s’enrichir non pas par leurs propres efforts de création, mais par leurs efforts pour faire jouer le pouvoir de contrainte de l’État à leur profit. »

Pascal Salin, Français, n’ayez pas peur du libéralisme, Odile Jacob, 2007

 


En sus du rousseauisme et de l’hégélianisme, une idéologie a contribué plus que toute autre à l’ingérence de l’État dans le domaine individuel : le marxisme. Avec la Révolution française, le marxisme est la grande catastrophe des deux derniers siècles. C’est la tyrannie par excellence. Dans Divini redemptoris (1937), le pape Pie XI définit le communisme comme « intrinsèquement pervers ». Difficile de mieux dire. C’est en menant une analyse impitoyable de l’application du marxisme au XXe siècle que le Britannique George Orwell a eu l’idée d’écrire son opus magnum1984. Il est beaucoup cité sans que ce détail soit rappelé. Ce ne serait pas « correct ».

On aurait pu penser qu’il était temps d’en rester là et d’essayer d’autres systèmes, depuis la dissolution de l’Union soviétique en 1991, le témoignage sur les goulags et la répression politique des dissidents dont l’illustre Alexandre Soljenitsyne, et la publication d’un ouvrage universitaire qui fit grand bruit, Le Livre noir du communisme (sous la dir. de Stéphane Courtois, Robert Laffont, 1997), où il est démontré que cette idéologie a entraîné la mort d’environ 100 millions de personnes. Point du tout ! Le marxisme est aujourd’hui en plein revival.

En France, Alain Badiou, Thomas PikettyÉtienne Balibar, Le Monde diplomatique, France Culture, Médiapart, Usul, les « insoumis » Jean-Luc Mélenchon et Alexis Corbière - tous deux anciens trotskistes de tendance lambertiste - n’ont de cesse d’y faire référence comme s’il ne s’était rien passé au XXe siècle. « L’Holodomor », la famine intentionnelle déclenchée en Ukraine par le pouvoir soviétique entre 1932 et 1933, avec ses cinq millions de victimes ? C’est un génocide que ces humanistes-là ne connaissent pas. Et s’ils en ont une vague idée, elle ne les empêche guère de dormir et ils n’en tirent aucune conclusion. Staline ne disait-il pas que « pour ne pas se tromper en politique, il faut regarder en avant et non en arrière » (Staline, Textes, tome 2, Éditions sociales, 1983) ? Avançons, que diable ! La lutte des classes comme moteur de l’histoire demeure un slogan qui permet aux syndicats extrémistes, arc-boutés sur la défense de privilèges indéfendables, de faire pression pour obtenir par la rue des avantages que les urnes leur ont refusés, en défilant entre Bastille et Nation, drapeaux rouges à marteau et faucille au vent.

Marx, le retour ! Dans le New York Times du 30 avril 2018, Jason Baker, professeur de philosophie, donne une tribune : « Bon anniversaire Karl Marx ! Vous aviez raison ! » Vous ne rêvez pas. Deux cents ans après la naissance de Marx, le président de la Commission européenne, le nomenklaturiste Jean-Claude Juncker, soi-disant libéral, n’est pas gêné de fêter ce bicentenaire en inaugurant une statue géante (5,5 m) du doctrinaire offerte par la Chine à Trèves, la ville natale de philosophe. Il y déclare que « la philosophie de Marx a enseigné aux Européens que l'objectif de notre temps était de développer les droits sociaux. » D’après lui, l’auteur du Manifeste du Parti communiste n’est en rien responsable des crimes commis en son nom : « Karl Marx ne devrait pas être jugé pour les crimes que ses soi-disant héritiers ont commis des dizaines d'années après sa mort. »

Lénine, Staline, Mao, Pol Pot, Fidel Castro, Enver Hoxha, Maduro, Kim Jong Un l’auraient mal compris ! Tous les marxistes du monde entier aussi, par la même occasion. Tous des ignares, tous des analphabètes ? Durant plus de soixante-dix ans ? Marx était-il si peu clair, si abscons, obscur et impénétrable que l’on puisse se méprendre à ce point sur ses intentions ? À d’autres.

Il faut avoir un infernal aplomb pour dégoupiller une telle contrevérité, surtout lorsqu’on fait profession d’être un intellectuel. Tout se trouve déjà dans son œuvre. À commencer par le concept de dictature.

C’est annoncé dès le Manifeste du Parti communiste de Marx et Engels en 1848 : « Le prolétariat utilisera sa domination politique pour arracher peu à peu tout le capital à la bourgeoisie, pour centraliser tous les instruments de production entre les mains de l’État ». Ailleurs, dans ce même opuscule : les mesures préconisées demanderont « une violation despotique des droits de propriété et des rapports de production bourgeoise ». Vous avez dit « despotique » ? (v. André Senik, Le Manifeste du parti communiste aux yeux de l’histoire. Première édition résolument critique du Manifeste du parti communiste, Pierre-Guillaume de Roux, 2015).

Collectivistes immodérés, antilibéraux forcenés, Marx et Engels consacrent plusieurs chapitres de L’Idéologie allemande, rédigés vers 1845-1846, à attaquer le « petit bourgeois » Max Stirner, l’un des plus brillants représentants du courant individualiste de leur époque. Oh, certes, Marx assigne à la révolution prolétarienne « la tâche de briser la machine de l’État ». Seulement, comme « période de transition pour arriver à l’abolition des différences de classe en général », il faut instaurer « une dictature de classe » ! Voilà tout.

Son mécène Friedrich Engels développe sa pensée en s’en prenant avec sa virulence coutumière aux anti-autoritaires, meilleurs alliés, selon lui, des réactionnaires : « Ces messieurs ont-ils jamais vu une révolution ? Une révolution est à coup sûr la chose la plus autoritaire qui soit. C’est un acte par lequel une partie de la population impose à l’autre partie sa volonté à coups de fusils, de baïonnettes et de canons, moyens autoritaires s’il en fût. Force est au parti vainqueur de maintenir sa domination par la crainte que les armes inspirent aux réactionnaires » (Neue Zeit, « A propos de l’autorité », 1873).

Lénine s’en tint à cette conception du pouvoir : « Il est nécessaire d’utiliser provisoirement les instruments et les procédés du pouvoir d’État contre les exploiteurs, de même que, pour supprimer les classes, il est indispensable d’établir la dictature provisoire de la classe opprimée (…) Le prolétariat doit démolir le vieil appareil d’État et le remplacer par un nouveau » (L’État et la Révolution, 1917).

Marx reléguait la destruction de l’État dans un futur indiscernable. Lénine et Staline firent de même. Dans l’immédiat, Marx prônait la fondation d’un État populaire, expression de l’érection des prolétaires en classe dominante. Bienvenue dans la dictature du prolétariat ! Cet État, prétendument temporaire, aurait pour mission d’éduquer le peuple et le conduire à un niveau de conscience politique qui ferait qu’un beau jour, comme par magie - l’État aurait disparu ! Comment ? Le foisonnant barbu ne l’a jamais précisé. Malin !

Le libertaire russe Mikhaïl Bakounine lui rétorqua que si l’État, après la révolution socialiste, était réellement aussi populaire qu’il le disait, quel besoin y aurait-il de le supprimer ? « Ainsi donc, ajoutait-il, pour affranchir les masses populaires, on devrait commencer par les asservir (…) Nous répondrons qu’aucune dictature  ne peut avoir d’autre fin que de durer le plus longtemps possible (…) La liberté ne peut être créée que par la liberté » (Étatisme et anarchie, 1873). C’était bien réfléchi. Il est bon de se méfier de ceux qui promettent de raser gratis – demain.

Dans le même ouvrage, écrit dix ans avant la mort de Marx, le théoricien anarchiste précisait : « Je déteste le communisme, parce qu'il est la négation de la liberté et que je ne puis concevoir rien d'humain sans liberté. Je ne suis point communiste parce que le communisme concentre et fait absorber toutes les puissances de la société dans l'État, parce qu'il aboutit nécessairement à la centralisation de la propriété entre les mains de l'État, tandis que moi je veux l'abolition de l'État ».

On ne peut pas alléguer que les premiers marxistes n’étaient pas au courant des « petits défauts » de leur système qu’Engels avait pompeusement baptisé du nom de « socialisme scientifique » !

Comme l’histoire l’a démontré, Bakounine avait visé juste. Le marxisme est à la science ce que l’astrologie est à l’astronomie. Le théoricien marxiste Georges Politzer est bouffon lorsqu’il soutient l’idée que « quand on affirme qu’une société socialiste ou communiste n’est pas viable parce que l’homme est égoïste, on oublie que si la société change, l’homme changera aussi » (Principes élémentaires de philosophie, Éditions sociales, 1970). L’homme changera sans doute, mais comment, dans quel sens ? Il s’ouvrira aux autres en repeignant les murs de sa maison en rose et les volets en vert pâle, ou il résistera à l’emprise totalitaire en faisant des bras d’honneur dans le dos de la police étatique ? L’expérience a été réalisée grandeur nature, on a vu comment « l’homme changeant » s’est comporté.

L’un des considérables problèmes du marxisme c’est qu’il a mis en branle, dès ses débuts, une énorme machinerie destinée à tout broyer sur son passage, au profit d’un devenir utopique dont nul ne savait rien, ni comment il devait advenir, ni quand, ni quel aspect il prendrait. C’était un messianisme pur, une eschatologie camouflant sa théologie dévastatrice, un mouvement égalitaire fanatique sacrifiant le présent au fantasme du lendemain. On n’était sûr que d’une chose : la dictature était indispensable à l’éclosion du communisme du futur !

Cette dictature, on la voit à l’œuvre aujourd’hui, en Chine, en Corée du Nord, au Venezuela, à Cuba, ailleurs encore. Chez nous, elle est plus feutrée depuis les désastres de la politique menée en 1981, que l’économiste Pascal Salin qualifie de « grande et terrible cassure » (Pascal Salin, Français, n’ayez pas peur du libéralisme, Odile Jacob, 2007). Le socialisme mitterrandien a réussi, en faisant décoller les impôts, en procédant à des nationalisations, en accroissant les réglementations, à créer un million de chômeurs supplémentaires en cinq ans ! Mais nos élites actuelles vomies par l’ENA et Polytechnique s’en réclament encore peu ou prou. Avec des dépenses publiques à 57 % du PIB, des prélèvements obligatoires à 45 % et cinq millions de fonctionnaires qui gagnent en moyenne 10% de plus que les salariés du privé, la France est près d’être le dernier pays communiste au monde. À la présidentielle française de 2017, sur onze candidats, au moins dix étaient étatistes et quatre marxistes !

Cette attraction de Marx pour l’État était somme toute bien naturelle, car, comme le formulait le philosophe marxien Henri Lefebvre : « Hegel, pour Marx, c’est le Père immortel. C’est le Patron qui détient le capital intellectuel » (La Fin de l’histoire, Anthropos, 2001). Tout s’explique.

Le même Lefebvre écrivit dans ses mémoires, La Somme et le reste (tome II, La Nef de Paris, 1959) : « J’en viens à me demander s’il ne faut pas simplement affirmer que le dogmatisme marxiste ne mérite pas une ombre de discussion, de considération et de respect ; il ne s’effondre même pas, parce qu’il n’existe pas, philosophiquement parlant, et que ses représentants ne sont pas des penseurs mais de simples spécialistes des ‘opérations’ sur le plan idéologique qui supposent derrière elles le pouvoir ».

Il savait de quoi il parlait. Pour se moquer du jdanovisme qui avait défini un art soviétique politiquement correct, Lefebvre avait inventé de toutes pièces une citation de Marx sur l’art qu’il avait placée en épigraphe de l’un de ses livres (« L’art est la plus haute joie que l’homme se donne à lui-même »), et, jusqu’à son aveu tardif, nul « spécialiste de la spécialité » ne s’aperçut de la supercherie !

La démarche de Louis Althusser fut quelque peu semblable à la sienne, en moins honnête toutefois, puisqu’après avoir étranglé son épouse Hélène et avant son suicide, dans son ultime livre, L’Avenir dure longtemps (Stock/Imec, 1992), il  confessa n’avoir guère lu Marx avant d’écrire sur lui et en avoir livré par la suite une interprétation libre, consistant à supprimer des pans entiers de sa doctrine les éléments qui lui déplaisaient, comme la dialectique et le matérialisme. Misère de la charlatanerie d’un cuistre…

*

Marx s'est trompé sur toute la ligne et a fait un maximum de dégâts dans d'excellentes cervelles. L’une de ses innombrables erreurs a été de régler les paramètres de sa boule de cristal sur la seule et unique Révolution française, promue étalon de l’histoire, alors que le processus qui l’a caractérisée (émergence de la bourgeoisie prenant la place de la noblesse) n’a pas eu lieu ailleurs, comme en Angleterre avec la « Glorieuse Révolution » (1688-1689) ou lors de la Révolution américaine (1765-1783), où c’est la liberté individuelle qui triompha, ainsi que le respect de la propriété privée. Il n’y a oncques eu de nécessité historique déterminant le prolétariat à s’emparer du pouvoir à la suite de la bourgeoisie, pas davantage que n’a été découverte une loi scientifique démontrant que la propriété collective des moyens de production devait succéder à la propriété privée. Le sens de l’histoire selon Marx c’est la méthode Coué.

Il est vrai que Marx croyait que, grâce un saut qualitatif, la société allait revenir, à une situation comparable - bien qu’à un degré supérieur en raison du niveau technologique atteint - à ce que cet inventif penseur obtus avait imaginé être les débuts de l’humanité, à savoir le communisme primitif. Retour à la case départ ! Nul préhistorien, bien sûr, ne croit plus aujourd’hui en cette fadaise ancestrale. La propriété existait au néolithique. De saut dialectique, il n’y eut point non plus. Il n’y eut ni communisme primitif, ni communisme supérieur, donc, mais un siècle de malheurs pour une grande partie du monde empuanti par les remugles du marxisme.

La prédiction pacorabanesque de l’extralucide de Trèves concernant le lieu où la fabuleuse révolution socialiste, première étape vers le communisme et la fin de l’histoire, devait avoir lieu s’est révélée fausse. Elle ne s’est pas déroulée en Angleterre, ainsi qu’il l'avait pronostiqué en observant les astres ou en fumant sa boîte de cigares quotidienne, mais dans les pays en voie de développement et, d’abord, chez ceux qui entamaient avec retard leur révolution industrielle, comme la Russie, en 1917.

Un autre pilier de sa doctrine était la théorie de la « valeur travail », empruntée à Adam Smith et David Ricardo. Hélas pour lui, ces deux économistes libéraux avaient commis une grosse bourde. Dès 1803, dans son Traité d’économie politique, Jean-Baptiste Say signala l’erreur. N’importe, Marx les copia-colla et selon sa doctrine, la valeur (d'échange) d’une marchandise est la quantité de travail qui s’y trouve incorporée. Comment le capitaliste fait-il son profit ? Enfantin. En faisant travailler l'ouvrier le plus possible et en le payant le moins possible, juste ce qu’il lui faut pour subsister. La durée du travail de l'ouvrier doit par conséquent être supérieure à la quantité de travail nécessaire à la reproduction de sa force de travail. Le reste constitue la « plus-value », fruit du travail du salarié, récupéré par l’employeur. Ce processus fournit la preuve de « l'exploitation de l'homme par l'homme », puisque le capitaliste est supposé voler aux travailleurs une partie de la valeur de leur travail. « La plus-value, c’est-à-dire cette partie de la valeur totale de la marchandise où est incorporé le surtravail, le travail impayé de l’ouvrier, voilà ce que j’appelle le Profit » (Karl Marx,  Salaires, prix et profits, 1865).

Le raisonnement est fruste, mais l’idée se comprend dare-dare. Pour qu’elle prenne place dans un coin du cerveau, il n’est pas requis de faire fonctionner à plein régime ses petites cellules grises.

Seulement cette théorie est controuvée de bout en bout. De nombreux économistes ont démontré, par des exemples simples, à quel point Marx s’était égaré. De la sorte, si je barbouille durant dix ans une croûte infâme, elle ne vaudra pas le prix du pinceau ni de la gouache qu’il m’a fallu pour la réaliser, mais si un nouveau Titien peint un chef-d’œuvre en une demi-heure chrono, son tableau vaudra cent mille fois plus cher que mon répugnant gribouillage. Ce ne sont pas ma dose ou mon temps de travail intégrés dans mon barbouillis qui feront la valeur de ma marchandise. Dans ses Harmonies économiques (1850) Frédéric Bastiat remet l’église au milieu du village : « La prétendue Valeur des choses n’est que la valeur des services, réels ou imaginaires, reçus et rendus à leur occasion ; (…) elle n’est pas dans les choses mêmes, pas plus dans le pain que dans le diamant, ou dans l’eau ou dans l’air ; (…) aucune part de leur rémunération ne va à la nature ». La valeur c'est l’utilité, le désir qu’une chose suscite, sa rareté, le coût de production, bien sûr -  et surtout la valeur du service subjectif rendu, de quelque nature soit-il, aussi immatériel soit-il, entre les contractants, au terme d’un libre débat. Cette valeur ne se connaît qu'au moment de l'échange, et non dans les bureaux des technocrates planificateurs malgré tous les ordinateurs du monde.  C’est le rapport de deux services échangés et leur appréciation.

Toutes les autres pseudo-lois de l'imposteur Marx se sont révélées inexactes. La « baisse tendancielle du taux de profit » devait condamner le capitalisme à une mort imminente. Le capitaliste tirerait en effet son profit du travail du prolétaire puisque le salaire qu’il lui verse serait, disait-il, plus faible que la valeur résultant de son travail. Du fait de la concurrence, les bourgeois allaient tendre à faire baisser la part du travail salarié par rapport aux machines, d’où une baisse des profits, car lesdites machines ne produisent pas de valeur. Las, les travaux de l’économiste Nicholas Kaldor ont démontré que le taux de profit est demeuré stable aux XIXe et XXe siècles. Quant aux gains de productivité dus au progrès technique, ils n'ont pas bénéficié qu'aux patrons mais aussi et surtout aux salariés !

Il en va de même de « la loi de paupérisation générale ». Marx pariait sur un appauvrissement constant du prolétariat. On a tout au contraire assisté à la formation d'une immense classe moyenne. Rien que du vivant de Marx, le salaire des ouvriers avait doublé, mais il ne s’en était pas aperçu !

Inutile de développer ses autres lois fumeuses, comme celle des « crises de surproduction » (notre monde se trouve au contraire dans le besoin permanent) ou la « loi de concentration » : tout est de la même eau.

Le côté le plus exécrable de l’édifice branlant de Marx est sa théorie de la connaissance. Il estimait, sans la moindre preuve scientifique à l’appui, que « la conscience est un produit social », que « ce n’est pas la conscience qui détermine la vie mais la vie qui détermine la conscience » et que « l'essence de l'homme est l'ensemble des rapports sociaux » (v. L’Idéologie allemande et Thèses sur Feuerbach). C’est bien ce que Martin Heidegger lui reprochait : disposer l’économie avant l’homme, faire dépendre la superstructure (les idées, les opinions) de l’infrastructure (le mode de production), comme si l’économie ne nécessitait pas d’abord l’existence d’un homme pour fonctionner.

Pour Marx, il n’existe pas de nature humaine. Les droits naturels sont une invention bourgeoise créée au bénéfice exclusif des bourgeois. Pour cet aruspice, les hommes ne sont que le produit de la société. Quand ils s’y intègrent, ils perdent leurs spécificités. Il suffit que la société se transforme pour que les hommes se transforment. Les êtres humains sont en pâtes à sel. On en voit aujourd’hui le résultat avec l’idéologie du gender, qui carillonne que les hommes et les femmes ne sont que des constructions sociales ; avec l’organisation du métissage forcé sous le fallacieux prétexte que les races n’existent pas ; avec l’idéologie égalitariste de la tabula rasa, qui nie, par exemple, l’existence des enfants « surdoués » (un philosophe marxiste français, Lucien Sève, a passé sa vie à réfuter leur existence, alors que le fait est bel et bien établi et analysé par les scientifiques contemporains).

*

Ce qui est excessivement ennuyeux c’est qu’un grand nombre de personnalités « anti-système » se réclament de ce zozo. Beaucoup sont de bonne foi. Pour me faire une idée de leur façon de penser, je n’ai pas hésité à m’inscrire un an au Parti communiste (PCF) de la section de Levallois-Perret, la commune des Hauts-de-Seine où je résidais alors. Ma carte porte le n°92 02964 1 6704 0 et a été éditée en janvier 2006. Je ne nierai pas avoir assisté dans ce cadre à un déploiement de bonnes volontés. La plupart des militants ont le cœur sur la main et ne comptent pas leur temps ni leur énergie. J’ai participé à quelques Fêtes de L’Huma, où je me suis fait de bons amis. Je pouvais exhiber avec fierté à mes camarades les quarante-sept volumes des œuvres complètes de Lénine, index compris, qui trônaient dans mon salon, dans l’édition traduite par Roger Garaudy. J’ai étudié ces textes en profondeur, avec un intérêt particulier pour la dialectique. Le lecteur intéressé pourra chercher dans le roman de Yann Moix, Naissance, prix Renaudot 2013, une anecdote exacte relative à cette drôlatique époque.

Il m’est vite apparu que la plupart des militants concentraient leurs efforts sur l’impérialisme américain et tentaient (à tort) de se raccrocher tant bien que mal à un système anti-système qui leur paraissait supérieur à celui qu’ils combattaient, alors qu’il était tout aussi pernicieux et sectaire.

Le Belge Michel Collon est de ceux-là. J’ai participé à l’un de ses livres, Israël, parlons-en ! (Investig’action, 2010), en compagnie de vingt personnalités, dont Noam Chomsky, Jean Bricmont et Alain Gresh, qui ne sont pas de ma famille politique. Proche du Parti du travail de Belgique (PTB), une organisation marxiste-léniniste ultra-militante, Collon est capable de développer un grand sens critique quand il s’agit de dénoncer les méfaits de la politique extérieure américaine, mais, pour des raisons idéologiques, il n’a pas le même recul lorsqu’il est question de faire le bilan objectif du communisme. Ne dites pas de mal du « petit père des peuples » devant lui ! Il s’en tient à la version donnée par Ludo Martens, ex-président du PTB, qui a signé un livre digne de la Légende dorée de Jacques de Voragine, Staline, un autre regard (EPO, 1995).

J’ai rencontré le même genre de problème avec mon défunt ami Jean-Guy Allard (1948-2016). Ancien directeur de l’information au Journal de Montréal et au Journal de Québec, Jean-Guy avait un jour décidé de partir soutenir à Cuba les forces révolutionnaires qui résistaient, sur place, à l’impérialisme américain et à son blocus inhumain. Belle épopée personnelle ! Devenu résident, ayant épousé une délicieuse Cubaine, il loua un appartement à La Havane et se spécialisa dans la lutte contre les terroristes états-uniens, qui faisaient sauter des bombes dans l’île, à l’intérieur les hôtels notamment, ainsi qu’en Amérique latine, sans que jamais le monde occidental ne fût tenu informé par les médias officiels de ses investigations (on se souvient pourtant que la CIA a élaboré pas moins de 368 façons de tuer Castro). Son livre Posada Carriles, 40 ans de terreur (2006) reste la référence sur le terroriste le plus dangereux d’Amérique latine, stipendié par la CIA et surprotégé par les autorités US. Allard devint leur bête noire.

Tenant bon, têtu, toujours très informé, en contact étroit avec les plus secrets des services de l’île, il offrait régulièrement le fruit de ses nombreuses enquêtes dans les colonnes du quotidien Granma, l’organe du Parti communiste cubain où le compañero Fidel livrait lui aussi ses chroniques après avoir pris sa retraite. Jean-Guy était heureux d’avoir été cité dans l’un de ses discours. Il passait souvent à la télévision officielle comme expert des menées terroristes des milieux de Miami qui se tiennent à 150 km des côtes. Sa facilité d’élocution et son lumineux sens de l’humour faisaient de lui un excellent pédagogue.

En dix ans, je me suis rendu à quatre reprises à Cuba, durant un mois à chaque fois, et Jean-Guy m’a fait visiter l'île avec une extrême cordialité, contribuant à me défaire de certaines caricatures que la propagande occidentale m’avait mises en tête. Qui sait, par exemple, que jamais Fidel Castro ne se fit appeler lider maximo ? C'est un mensonge propagé avec « la tranquille assurance qui est le privilège des imbéciles », selon la drôlatique expression d’Arthur Schopenhauer. Cette inexacte appellation est le schibboleth des anti-Cubains de Miami, autrement dit de la CIA. Les Cubains, tout simplement, l’appellent par son petit nom : Fidel.

Jean-Guy fut l’un des signataires surprise de la pétition contre la loi Gayssot que j’ai initiée en 2011, et dont il sera question dans un chapitre prochain. Vu sa position, c’était un notable acte de courage. De là à lui faire entendre raison sur les délires marxistes-léninistes ? J’eus beau lui raconter que, depuis un voyage agité dans la fuligineuse Pologne de Jaruzelski en 1986, j’étais tout sauf communiste, que je ne croyais pas une seconde au mythique Grand Soir, que j’estimais que la CGT vendait de faux rêves aux ouvriers pour assurer sa propre rente de situation - c’était peine perdue. Cuba, c’est vrai, s’était libérée de la sinistre dictature de Fulgencio Batista et avait lutté de toutes ses forces pour devenir un pays indépendant, mais l'information y restait sous le contrôle total de l'État ; l’économie était dans le giron étatique comme au bon vieux temps de l’URSS ; le salaire moyen était largement insatisfaisant (que faire de sa vie avec en poche l’équivalent de 20 euros par mois ?) ; le marxisme-léninisme était une idéologie trop fausse, datée, déficiente et mille fois trop intolérante pour demeurer l'horizon intellectuel d'un être humain normalement constitué ; la vision de l'histoire cubaine était strictement soviétique, chantant sans le moindre esprit critique la gloire de l'Armée rouge. 

Ce qu’il manquait et manque encore à Cuba ? La liberté individuelle bien sûr ! La liberté politique, la liberté de parole, la liberté d'entreprendre ! Mais Jean-Guy était avant tout un militant et il mourut convaincu d’avoir soutenu un régime juste.

Lorsqu’il était venu voir le spectacle de Dieudonné à la Main d’Or, je lui avais fait lire une citation de Fidel, tirée du livre de conversations qu'il avait eues avec Ignacio Ramonet (Fidel Castro, biographie à deux voix, Fayard, 2007). Nous en avions ri de bon coeur cœur. On y sent Fidel avoir conscience de la faiblesse du dogmatisme qui s’est infiltré depuis longtemps dans son camp : « Georges Marchais, déclare-t-il, venait fréquemment à Cuba. Presque tous les ans, il passait ses vacances ici avec sa femme, Liliane, et ses enfants... Un jour, j'ai demandé à Marchais : "Que pensez-vous faire quand vous accéderez au pouvoir ? " Il m'a répondu ; "Nous allons nationaliser toute une série de banques et de grandes entreprises." "Attention !, l'ai-je averti. N'allez surtout pas nationaliser l'agriculture. Laissez les petits producteurs en paix. N'y touchez surtout pas. Sinon vous pourrez dire adieu au bon vin, aux délicieux fromages et à votre excellent foie gras". »

*

Un cas à part doit être réservé à celui que les internautes nomment désormais, pour s’en moquer, « le maître du Logos ». Pauvre Alain Bonnet, devenu un meme malgré lui ! Il voulait rester dans l’histoire comme le successeur de Robespierre, il n’y sera répertorié que comme le conseiller politique d’un humoriste franco-camerounais.

Mais Bonnet, dit Soral, est marxiste ! Et rousseauiste (merci, Michel Clouscard) ! Et nationaliste ! Nationaliste français ou suisse, au fait, car il bénéficie de la double nationalité ? Tout en un, car il veut ratisser large. « Droite des valeurs » : pile, je gagne ; « Gauche du travail » : face, tu perds. Hélas pour lui, du point de vue de la logique interne du marxisme, ce grand écart est impossible. Un marxiste, au mieux, peut devenir patriote quand son pays est en danger (cas de Staline durant la Seconde Guerre mondiale), mais surtout quand les forces révolutionnaires ont pris le pouvoir et désarmé la bourgeoisie. La nation n’est qu’un « bastion » provisoire, selon la terminologie de Fidel, un pôle de résistance parmi d’autres, non une réalité charnelle comme l’entendent les nationalistes ou le « plébiscite de tous les jours » évoqué par Ernest Renan. C’est ainsi que Lénine put déclarer : « Nous sommes partisans de la défense de la patrie depuis le 25 octobre 1917 (prise du pouvoir par les bolcheviks en Russie). C’est précisément pour renforcer la liaison avec le socialisme international, qu’il est de notre devoir de défendre la patrie socialiste. »

L’horizon marxiste est international. Il n’est jamais question d’enracinement, de tradition et de langues locales, de coutumes respectables. Tout doit sauter. On commencera, tiens, par exterminer la famille du tsar. C’est du turbo-jacobinisme. On est loin de Maurice Barrès et de Charles Maurras. Pour ne rien dire de Julius Evola que Soral emmène dans sa barque jusqu’au Brésil sans l’avoir lu, en vertu du principe bien connu du siphonnage : plus on est de fous, plus on rit, et plus ça rapporte d’espèces sonnantes et trébuchantes allouées par l’activiste abusé.

J’ai naguère rédigé un pastiche, dans un style inspiré de celui de Marx, qui consistait, en m’appropriant les principaux concepts marxistes, à aboutir à des conclusions diamétralement opposées à celles du vaticinateur de Trèves. C’était un divertissement intellectuel que je me suis beaucoup amusé à produire et que je situe dans le lignage du canular d’Henri Lefebvre – c’est ce que je nomme mon « écriture vénitienne ». Soral, au contraire, se présente comme un intellectuel marxiste dont la pensée se veut blindée et la cohérence imparable. Au lieu de s’amuser de ses contradictions, il les prend au sérieux. Tout est forcément coordonné et puissamment médité puisqu’un gourou ne se trompe jamais. Interdit de rire du « Président » ! Dieudonné lui-même ne s’y est jamais risqué. (N’est-ce que par trouille et intérêt, ou parce qu’ils ont jadis mené de conserve une opération clandestine avec des individus en cagoule noire ?)

Soral cache ainsi que Marx a reconnu les mérites du capitalisme. Mieux, depuis le Manifeste du Parti communiste, Marx espérait que l’économie de marché allait se diffuser sur toute la planète. Selon celui qui se vantait d'être un « citoyen du monde » (allô, Soral ?), ce mode de production détruirait les frontières, les coutumes, les religions, toutes choses qu'il abominait. Il misait simplement, en bon hégélien inversé, au nom de la dialectique, sur le fait que les contradictions capitalistes feraient s'écrouler le système de l’intérieur et que le prolétariat prendrait les rênes du pouvoir pour imposer ses valeurs, comme la bourgeoisie avait pris la suite de la noblesse en 1793.

Mais de défense de la nation, point ! Marx et Engels haïssaient plus que tout les petits États, indignes selon eux d’exister. Les barrières nationales devaient tomber les unes après les autres. Lénine ne jurait que par la République universelle des Soviets qui devait succéder, espérait-il, à notre monde atomisé en nations souveraines. Il était en faveur d’un gouvernement mondial, du moment qu’il fût soviétique.

L’ennui, avec Soral, c’est que chez lui tout est aussi biaisé, contrefait, absurde, captieux que chez Marx, ce défenseur des prolétaires qui a épousé la fille du baron von Westphalen et n’a jamais voulu travailler de sa vie, préférant se faire entretenir par le fils d’un riche fabricant de coton de Manchester. Marx, ce juif antisémite. Ce grand moraliste qui, comme n’importe quel bourgeois, a fait un enfant à sa servante pour ensuite le faire adopter par Engels, lequel pratiquait volontiers la chasse à courre et se permettait des raccourcis racistes à ses heures - et dont il avait fait la rencontre un soir de beuverie dans une brasserie bavaroise. En ceci, je ne mégoterai pas à Soral son statut d’épigone du cartomancien allemand.

Résumons ? Soral, philosophe sans bac, artiste sans œuvre, passé par les Beaux-Arts sans décrocher de diplôme ; sociologue sans études de sociologie ; instructeur de boxe sans palmarès ni licence ; incapable de travailler ; pilier durant sa jeunesse folle du club gay friendly Le Palace de Fabrice Emaer où il était connu comme pique-assiette ; ayant vécu les premières années de sa vie à Paris au domicile et au crochet d’un écrivain juif homosexuel avant de devenir antisémite et homophobe ; ancien chroniqueur télé de seconde zone chez Patrick Devret, d’où il s’est fait jeter pour incompétence ; reporter de guerre au magazine pour minettes 20 ans sous le pseudonyme hilarant (sic) de Robert Gros et pigiste à la petite semaine pour Entrevue à la rubrique Rumeurs ; cinéaste d’un seul film raté et déprogrammé au bout d’une semaine, inspiré des méthodes de drague de l’un de ses amis pigistes surnommé Brutus ; autoproclamé spécialiste de la mode masculine sur laquelle il prétend avoir rédigé un best-seller, en réalité coécrit par trois personnes ; auteur de pamphlets décousus aux phrases inspirées de l’esprit des Guignols de l’info et de livres à prétention idéologique, saturés d’erreurs et dont il a trouvé les informations principales dans des vidéos glanées sur le Net ; don Juan piteux inapte à la discussion correcte avec une fille sans la harceler et condamné par la justice pour ce fait ; mythomane prétendant avoir été en mesure de répondre aux poings du journaliste belge Olivier Mukuna alors qu’il a pleuré comme une fillette lorsque celui-ci a voulu l’entraîner dans un combat à la loyale, comme il avait refusé le duel à l’épée que je lui ai proposé à l’automne 2009 à Nice (méthode Mensur) par l’entremise de mon témoin, Maître John Bastardi Daumont ; « Français sans peur » qui a ordonné à son second, Marc George, de me dénoncer à la police parce que j’entretenais des relations avec le professeur Faurisson sur lequel il n’avait pas encore mis la main ; « chrétien sans reproche » qui a demandé à Xavier X. de me casser les genoux sous le prétexte que j’étais en désaccord avec lui, un ordre que ce dernier, qui venait d’offrir mon livre sur Sarkozy à sa femme, s’est bien gardé de suivre - et qui, dégoûté par le personnage, m’a raconté comment Soral, aux débuts d’Égalité & Réconciliation (E&R), recevait des enveloppes, ni vu ni connu, à la brasserie Le Suffren, près de l’École militaire ; pétochard réputé dans tout Paris pour avoir fui lors des combats de rue d’E&R, et qui, après avoir pris des cours de boxe au Temple du Noble Art de Paris pour assurer son leadership déclinant, frappe un jeune identitaire lors d’un traquenard arrangé par Dieudonné, avec quatre gardes du corps pour le protéger et empêcher son adversaire de répliquer - sans être toutefois capable de le mettre au tapis ; co-fondateur d’E&R dont l’unique motivation politique repose sur le deal passé avec Philippe Péninque, intime de l’escroc Jérôme Cahuzac, qui consiste à appeler les musulmans à voter pour le FN ; fin stratège « qui a toujours raison » mais dont la présence-éclair au FN a été la cause du score le plus pitoyable du parti au cours des vingt dernières années ; analyste politique « visionnaire » qui prophétisait « DSK contre Marine » au second tour de la présidentielle de 2012 et Alain Juppé comme « candidat du système » en 2017 ; manipulateur faisant accroire qu’il croule sous les procès pour cause de résistance idéologique alors qu’il les provoque par des insultes à répétition, afin de récolter des dons ; prolétaire des beaux quartiers, résidant à Saint-Germain-des-Prés ; faux dur faisant endosser à ses proches la plupart de ses ignominies, ce qui lui permet de les tenir en laisse pour qu’ils taisent les turpitudes de l’association qu’il dirige ; antiraciste feint qui insulte les Noir(e)s ; défenseur fourbe des musulmans, qui vomit l’arabité ; antisémite rabique comme en rêvent les plus ultra des sionistes ; « chevalier Bayard » qui dort le jour et vit la nuit sur Skype, et ne se déplace jamais sans garde du corps.

Soral a voulu se forger une réputation d’intellectuel en guerre contre l’Establishment, alors que son histoire est celle de la dérive d’un noctambule narcissique éjecté du milieu de parasites qu’il fréquentait et qui a décidé de gagner sa vie en exploitant le talent d’autrui sans jamais avoir à travailler lui-même.

En se réclamant des valeurs sur lesquelles le système reposait, il ne pouvait nullement en être l’opposant efficace. Avec Rousseau et Marx comme dopants, toute tentative de construction politique eût systématiquement débouché sur les impasses que l’on connaît. Mieux valait, à l’image de Jean-Marie Le Pen, fonder une PME aux accents tribuniciens que de se confronter à la réalité du pouvoir. C’est plus calme et lucratif. Pour un marxiste, il n’a pas été un mauvais chef d’entreprise. Mais ce n’était pas l’objectif avoué au départ.

Les calomnies incessantes lancées sur la vie privée de ses adversaires, alors que la sienne est calamiteuse, le flot d’imprécations déversées à la façon d’un psychotique sur tout individu ne partageant pas sa lubie du moment, sa satisfaction impardonnable affichée lors du décès du fils de trois ans de Salim Laïbi, son égotisme morbide, les récents combats que ce balèze aux jambes de poulet a refusé à deux jeunes contestataires, tous ces égarements, ces erreurs, ces fautes ont nui à sa cause et ont achevé de décrédibiliser ce rodomont aux yeux du dernier carré de partisans qui le soutenaient.

Par goût personnel et en vertu de névroses non traitées, il eût aimé être dictateur. Adolf, Benito, Joseph, Fidel, qu’importe le flacon pourvu qu’il ait l’ivresse ! Le succès cinématographique de sa sœur Agnès lui est monté à la tête. Il avait soif de notoriété. Ayant vu, en son jeune âge, son père flanqué au violon pour escroquerie, il a voulu compenser l’affront en étant vénéré, adulé, suivi à la baguette par des adorateurs dénués de personnalité, à la recherche, comme lui, d’un père de substitution. Il n’a été qu’un « Mussolini de carnaval », selon l’expression du capitaine Haddock dans Tintin et les Picaros. Un tabarin parfois drôle malgré lui. Aujourd’hui, Soral est déchu sans être jamais monté sur le trône dont il rêvait lorsqu’il se trouvait sous substances.

Au bilan, se déclarant par fanfaronnade ennemi n°1 du système, Tartarin Soral en a été le partenaire accompli puisqu’il est devenu le repoussoir idéal que le système brandit lorsqu’il est mis en accusation. Ses théories confuses et incohérentes, dès qu’elles ont été confrontées au réel, se sont effondrées sur leurs arcs-boutants. Il a conduit ceux qui l’ont approché à être qualifiés de damnés complices d’un gourou complotiste et malfaisant. Il a raté sa vie et a gâché celle de beaucoup de ses sectateurs. Il est temps que cet esbroufeur désolant finisse aux oubliettes et qu’on tourne une bonne fois pour toutes le dos aux mauvaises blagues de Rousseau et de Marx par la même occasion.

Paul-Eric Blanrue