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samedi 23 avril 2022

Seule la Sécession sauve. Par Paul-Eric Blanrue.


"J’évoque un choc pour extraire de nos cerveaux décaféinés les pensées qui font prendre une fausse route aux derniers Français de qualité, ceux que nous aimons et qui le méritent. Ce traitement doit nous faire adopter l’idée de sécession (individuelle et collective), la seule sortie de crise qu’il soit possible d’envisager selon les forces en présence et la réalité du terrain. Pensons comme Carl von Clausewitz, soyons rusés et fins stratèges : « Quand la supériorité absolue n’est pas possible, vous devez rassembler vos ressources pour obtenir la supériorité relative sur un point décisif » !
Le « point décisif » c’est nous, c’est l’individu. Un être social, certes, cet individu, mais qui, pour partager son eau, doit déjà en avoir dans son verre. « Donnez-moi un point d’appui et un levier, et je soulèverai la Terre. », disait Archimède. Sécession individuelle ! C’est l’avenir, le seul envisageable si l’on veut redevenir des êtres libres, pouvant exercer librement la raison dont ils sont pourvus. Il s’agit de comprendre, comme Julius Evola, que « l’homme qui, dans une époque de dissolution, est laissé à lui-même doit faire la preuve de sa force. Il faut, en contrepartie, être à soi-même son centre ou faire en sorte de le devenir. »
Des esprits de bonne volonté voient une lueur d’espoir dans la famille en postulant qu’elle pourrait être une cellule propice au redressement de la civilisation du futur. Belle amorce. C’est par la constitution de familles solides que l’entreprise de rééducation peut commencer. Familles d’abord ! Charles Ingalls forever ! Le père de famille est l’aventurier des temps modernes, comme le disait Charles Péguy. Seulement, il importe que ces saintes familles s’isolent de la société sclérosée pour bâtir une contre-société absolue, qui reforme tout ce qui a été déformé. Ces familles doivent s’associer entre elles et se regrouper à l’écart des miasmes de la France présente, sinon le pari est perdu d’avance, aussi nombreuses et vertueuses soient-elles. Les familles doivent elles aussi faire sécession.
Si nous voulons conserver une occasion de nous échapper de ce monde devenu hystérique, de nous sauver de cet asile à ciel ouvert où nous pataugeons comme les internés que veut réveiller McMurphy dans le film Vol au-dessus d’un nid de coucous, la soucoupe volante de Bugarach, c’est nous qui allons devoir la fabriquer avec de la tôle de récupération et des boulons trouvés dans des déchetteries : par la sécession collective et, en premier lieu, par la sécession individuelle. C’est notre ultime atout pour persister et nous perpétuer.
S’escrimer à vouloir passer par en-haut, en tentant de nous emparer des rênes du pouvoir, en jouant la carte des élections, en fantasmant sur le résultat des urnes, en briguant le sommet de l’État comme Napoléon III ou François Mitterrand, ces ambitieux inutiles et fatals, pour le détourner comme on détourne un avion de ligne, c’est peine perdue, vu la déliquescence générale des esprits.
On connaît tous la plainte d’Étienne de la Boétie dans son Discours de la servitude volontaire (1576) : « Mais, ô grand Dieu, qu’est donc cela ? Comment appellerons-nous ce malheur ? Quel est ce vice, ce vice horrible, de voir un nombre infini d’hommes, non seulement obéir, mais servir, non pas être gouvernés, mais être tyrannisés, n’ayant ni biens, ni parents, ni enfants, ni leur vie même qui soient à eux ? » Le phénomène n’a fait que s’accentuer au fur et à mesure que l’État s’est emparé des esprits et des corps.
Comme le remarquait Julius Evola en 1961, dans Chevaucher le tigre : « La situation générale est telle, désormais, qu’alors même qu’il existerait des partis ou des mouvements d’une autre sorte, ils n’auraient presque aucune audience dans les masses déracinées, ces masses ne réagissant positivement qu’en faveur de qui leur promet des avantages matériels et des quêtes sociales. Si ce ne sont pas là les seules cordes qui vibrent, l’unique prise que les masses offrent encore aujourd’hui - et même aujourd’hui plus que jamais - se situe sur le plan des forces passionnelles et sub-intellectuelles, forces qui, par leur nature même, sont dépourvues de toute stabilité. Ce sont sur ces forces que comptent les démagogues, les meneurs de peuple, les manipulateurs de mythes, les fabricants d’opinion publique. »
Quand bien même certains arriveraient au pouvoir, par miracle ou révolution soudaine, le peuple castré par ses maîtres, les privilégiés catégoriels, les bénéficiaires du capitalisme de connivence (le crony capitalism, les relations perverses entre l’État et les entreprises, une corruption que l’économiste Charles Gave nomme le « social-clientélisme »), les millions de fonctionnaires coalisés, les associations vivant à coups de subventions, la camarilla des médias jouissant de nos subsides, l’armée aux ordres de généraux incapables et de colonels ne pensant qu’à leur retraite (une tradition française depuis celle de Russie en 1812), les cartels bancaires - toute cette armée de collabos nous empêcherait de mener à bien n’importe quelle entreprise de sauvetage d’envergure en créant des situations de blocage rendant toute opération de nettoyage national impossible. Sans compter que la France serait aussitôt placée sous embargo par ses voisins - et puis l’Empire, et ses affidés !
Le triomphe actuel de divers partis conservateurs est réjouissant, mais qui peut croire avec sérieux que les États-Unis vont redevenir, grâce à Donald Trump, une puissance pacifique et se payer une bonne tranche d’économie saine, débarrassée de la FED que le titan de la poésie Ezra Pound a tant
démystifiée, ou que l’Italie de Matteo Salvini, vaillant ministre de l’Intérieur au demeurant, va faire remigrer tous les immigrés légaux et illégaux incrustés dans la Péninsule depuis des décennies et résoudre son irréductible problème de dette publique ? Des partis, des factions, peuvent provisoirement limiter la casse, ralentir la chute, cacher la misère et tapisser la débâcle, mais la démocratie reste fondée sur le principe du turn over. Ce qu’un bon parti de droite peut faire, s’il en a les épaules, s’il ose braver la rue, un mauvais parti de gauche le défera cinq ans plus tard. C’est un constat banal, mais nul ne pense jamais aux conséquences de cet infini backlash démocratique, ce balancier constant qui est celui de la corde du pendu. Et c’est ainsi que meurent les nations."

Paul-Eric Blanrue, Sécession (2018).