"Les principes ne sont pas innés, mais ils sont connus dans la lumière naturelle de l'intellect en liaison avec la connaissance sensible. Ce que les principes énoncent est dans les objets matériels qui sont la substance de la réalité, et pourtant les principes eux-mêmes sont immatériels et n'existent comme tels que dans les intellects connaissants. Je vois et touche des êtres, non l'être. J'observe des agents et des patients, j'appelle les premiers causes, les autres effets, mais je n'observe pas la causalité elle-même. Quand je dis qu'il n'y a pas d'effets sans causes, j'explicite simplement la définition de toute cause ou d'effet. C'est, disait Hume, comme dire qu'il n'y a pas de mari sans femme. Si vous pressez un métaphysicien, il vous concèdera qu'il y a quelque chose de mystérieux dans notre connaissance de tout principe. Et ce n'est pas surprenant, puisqu'il est premier par définition. Il n'y a rien d'antérieur au principe par quoi on puisse en rendre raison.
La raison ne s'accommode pas volontiers de cette limite. Aristote l'a pourtant marquée, avec sa sobriété ordinaire, dans ce que je suis tenté de tenir pour le passage le plus important de tout son Organon :
"Puisque, sauf l'intuition, aucun genre de connaissance n'est plus exact que la science, ce doit être nécessairement une intuition qui saisit les principes. Ceci résulte, non seulement des considérations précédentes mais aussi du fait que le principe de la démonstration n'est pas lui-même une démonstration. Il ne peut donc pas y avoir une science de la science. Si donc nous possédons un genre de connaissance vraie autre que la science, c'est l'intuition seule qui est le principe du principe, et la science est à l'ensemble de la réalité comme l'intuition au principe". "