Éric Zemmour vient de déclarer : "Je vous rassure, je ne suis pas devenu anarchiste dans la nuit, et ce n'est pas moi qui vais devenir un beau matin, un libertarien forcené."
On s'en doutait. Il y a peu de rothbardiens chez les admirateurs de Robespierre et les nostalgiques du Premier Empire.
On me dit qu'être rothbardien n'apporte pas de voix. Aux États-Unis, Ron Paul se réclame de Rothbard, entre autres, dont il a été un proche, et de nombreux Américains (jusqu'à 40% en Virginie, 35 % dans le Maine, 25 % dans l'État de Washington et dans le Vermont...) ont voté pour lui lors de la présidentielle de 2012. Certes, il n'a pas été élu, ce qui était prévisible alors que s'il existe bien un pays au monde où le libertarianisme dispose d'une longue tradition populaire et intellectuelle et a des chances de succès aux élections, ce sont bien les États-Unis.
La plupart des gens qui réfléchissent et ont lu Rothbard la plume à la main savent qu'au fond, se lancer dans du libertarianisme politique, électoral, ne sert de rien, pour changer directement le système de l'intérieur, car le système ne changera pas de l'intérieur. Tout au plus des candidats, dans l'une ou l'autre élection, peuvent porter, au lieu d'un programme bidon et démagogique, un projet nouveau, explosif, radical, sécessionniste, et faire avancer des idées.
L'objectif serait ainsi d'aider le système à imploser - si toutefois l'on tient à faire de la politique et non à voter avec ses pieds, comme beaucoup de libertariens le font.
Zemmour dit parfois des choses intéressantes, il brise des tabous (je lui fais notamment crédit d'être opposé aux lois scélérates Pleven et Gayssot), mais comme il ne sera pas élu de toute façon (prenez bonne note de ce que je dis), il eût été intéressant qu'il occupât une place vacante en France, celle de l'anarchiste de droite qui rue dans les brancards en dénonçant la tyrannie étatique, et pas seulement le port de bouts de tissu dans l'espace public ou le choix du prénom d'immigrés ne voulant pas s'assimiler. Zemmour se contente de faire du bonapartisme de vague à l'âme et pleurer la France de papa, morte et enterrée, qui ne reviendra pas. Il veut jouer le rôle d'un Trump cocardier ? Grand bien lui fasse. Mais aujourd'hui, c'est Biden le boss en Amérique. Malgré le passage de Trump à Washington.
La démocratie c'est le turn-over permanent. C'est la majorité qui impose sa loi aux minorités, et aussi les lobbies des minorités agissantes qui imposent leurs exigences à la majorité. C'est la dictature du collectif devant quoi tout individu doit baisser pavillon, la singularité s'effacer, l'expression se censurer, la pensée se castrer. Tout Français bien né doit savoir depuis Benjamin Constant que la liberté des Modernes n'est plus celle des Anciens : Rousseau a cru défendre la liberté, alors qu'il a sacrifié l'individu sur l'autel du collectif et de son inexistant intérêt général.
Nos constitutions sont toutes fondées sur les erreurs fatales de Jean-Jacques.
C'est cette conception qu'il faut dynamiter ! Il faut se débarrasser de l'État !
Paul-Éric Blanrue