Varoufakis vient de se coucher comme un chien docile devant les eurocrates qui n'en demandaient pas tant. Pourquoi ? Il nous l'explique : "Une fois que vous avez créé une union monétaire, vous ne pouvez plus revenir en arrière en empruntant le même chemin à l’envers, car ce chemin n’existe plus, le chemin qui nous a menés là a disparu. Retourner en arrière, c’est aller vers la dévaluation compétitive, risquer l’augmentation des tensions nationalistes, une fragmentation encore plus poussée de l’Europe."
Partant, continuons ainsi et construisons - une "autre Europe" ! Laquelle fichtre ? On ne le saura pas. L'on constate toujours cette phobie de la "réaction" et du "retour en arrière" et cette pathologie consistant à désigner le nationalisme comme le pire des maux possibles dans le pire des mondes possibles. Souvenons-nous de François Mitterrand : "Le nationalisme c'est la guerre !" Et ta soeur ? Le sosie de Léonard Nimoy n'a pas saisi que lorsqu'on est gravement malade, mieux vaut retourner en arrière, vers la pleine santé, plutôt que d'avancer à pas de géant vers la mort. C'est peut-être pour cette raison qu'il nous offre sur un plateau sa tête d'extraterrestre cadavérique.
Les gauchistes sont semblables aux adeptes du capitalisme financier : ils ont en partage le dogme immuable du sans-frontièrisme. Le concept de "citoyen du monde" n'est pas né chez les partisans de la patrie traditionnelle, riche de son histoire enracinée, mais à gauche (de la gauche molle à la gauche lourde). Karl Marx lui-même, ce soi-disant dissident, se déclarait avec gourmandise "citoyen du monde" - ce qui ne veut strictement rien dire car pour être citoyen encore faut-il qu'il y ait une cité. Or on le sait, l'Europe actuelle n'est qu'une étape destinée à nous conduire à petits pas vers la cité mondiale rêvée par Attali et consorts, et Marx n'eût rien trouvé d'autre à dire, dans son patois hégélien, que ce que déclare Varoufakis aujourd'hui, car l'auteur du Capital militait pour les grands ensembles de peuples et les immenses concentrations d'usines. La PME fut pour lui l'horreur absolue, le règne de la petite bourgeoisie passive et conservatrice qui gâchait ses nuits. Pour Marx, big is beautiful ! Quand le Grand Soir surviendra, il n'y aura plus qu'à appuyer sur un bouton niché par miracle à l'épicentre de l'entreprise-monde et le paradis des travailleurs sera instauré sur terre par un coup de baguette magique... Abracadabra (terme hébreu) !
Faut-il alors ne jamais construire l'Europe ? Rester à jamais claquemurés derrière nos frontières ? Une chose est sûre : la seule Europe valable et viable fut l'Europe romaine et
celle du Saint-Empire germanique, non pas celle que dirigent les élites mondialistes actuelles. Cette "autre Europe" a existé et elle a
tenu debout, elle a civilisé durant des siècles les "barbares" que nous étions. Pax romana ! Mais pour grandir de la sorte et trouver son point d'équilibre, encore
fallait-il que cette civilisation eût une certaine idée de la transcendance et ne développât point une conception étriquée du phénomène humain,
celle de l'homme coupé de ses racines et chanté par la trop fameuse Déclaration.
Pour ma part, j'ai soutenu et soutiens encore les pays, communistes ou non, qui résistent à l'impérialisme amerloque, mais je me garde bien de défendre leur politique intérieure ou
économique. J'apprécie le Che bien qu'il soit marxiste, et à la vérité,
parce que son comportement ne fut guère celui
d'un authentique marxiste : l'ambition qui tenaillait ce Don Quichotte argentin était de transformer chaque citoyen des pays qu'il traversait en
héros, ce qui, pour le marxiste français Henri Lefebvre, était la caractéristique propre
du fascisme. Quant à la prise du pouvoir par Fidel Castro à Cuba, elle n'a rien à
voir avec la technique de la révolution marxiste. J'aurai
l'occasion de développer tous ces points un jour ou l'autre.
N'importe ; un siècle d'expérience aux quatre coins de la planète a prouvé que les théories de Marx étaient pure et simple foutaise. Son éreintement du capitalisme était en partie justifié par les conditions sociales extrêmes de son temps,
mais bien d'autres intellectuels avaient réagi de la sorte avant lui, qui n'étaient point de gauche et qui étaient même foutrement contre-révolutionnaires. Le pire
n'est pas la diatribe que Marx lance contre un système inhumain mais la construction qu'il suggère, la prophétie qu'il entonne, la voie qu'il trace et qui
commence par bazarder le fait religieux, la notion de patrie charnelle, l'être humain en relation avec sa famille proche et lointaine, ses semblables et partageant avec eux des valeurs et un passé communs.
Cette vieille baderne de Marx était un partisan farouche de la patrie-monde. Le point le plus fallacieux de sa théorie en est le pivot : non pas la lutte des classes (Marx n'est pas
l'inventeur de la typologie des classes ni celui de l'expression "lutte des classes"), mais la lutte des classes comme moteur de l'histoire. Cette fantaisie intellectuelle dénuée d'esprit scientifique fut répétée à l'envi, martelée et martelée encore dans les bréviaires, les meetings
et les faculté de philo et devint avec le temps une vérité factuelle, le fondement de tout raisonnement jugé sain. Une telle vue de l'esprit se situe pourtant en opposition frontale avec la conception de la patrie harmonieuse et traditionnelle, selon laquelle les citoyens participent à l'effort
collectif en s'entraidant, en se soutenant, non en se combattant à la moindre occasion et encore moins en s'étripant.
Rien n'est plus éloigné de la Tradition que cette idée de guerre sociale
au sein d'un même pays, d'une même famille. On peut
constater et accepter que dans une société existent des contradictions (la contradiction, c'est la vie car la vie c'est le mouvement), mais l'homme de Tradition aura à coeur de chercher à les résoudre au sommet au lieu de mettre inutilement de l'huile sur le feu, avec le risque d'entraîner la ruine de son pays et le désenchantement de ses frères.
À la fin, ce
n'est pas en entretenant le fétiche de l'internationalisme et en flétrissant
l'enracinement jugé raciste que le problème européen va se régler. Le marxisme n'a autorisé le
patriotisme qu'à titre exceptionnel, dans des conditions historiques spéciales, quand il s'agissait de lutter
contre l'impérialisme ou dans le cas d'une guerre contre un pays voisin. Les adeptes de cette théorie fumeuse n'ont pas voulu comprendre que l'homme est par nature attaché à ses origines, à ses pères, à sa terre, à ses traditions culturelles et
religieuses, qu'il en éprouve un besoin viscéral pour vivre et s'élever, sans quoi il n'est plus qu'un atome isolé, perdu dans
l'immensité d'un monde sans but ni sens.
La dissidence, ou ce qu'il en reste, ferait bien de jeter Marx aux orties. Lui et ses catastrophiques élucubrations.
La dissidence, ou ce qu'il en reste, ferait bien de jeter Marx aux orties. Lui et ses catastrophiques élucubrations.
Paul-Éric Blanrue