C. S. Lewis (1898-1963) fut un géant intellectuel du vingtième siècle, l'auteur génial du Monde de Narnia et probablement l'écrivain chrétien le plus influent de son époque.
Ce volume est composé de dix pièces, arrangées chronologiquement. J'en choisis les principales, celles qui m'ont le plus parlé.
I. The Weight of Glory (Le poids de la gloire)
Lewis soutient que les chrétiens ne devraient pas être troublés par l'idée que la promesse de récompense rendrait pour certains la vie chrétienne "vénale." Il distingue la récompense mercenaire (sans lien naturel avec l'activité) de la récompense tout à fait appropriée (l'activité elle-même en consommation). Il affirme que, si la plupart des hommes modernes considèrent l'abnégation comme la vertu suprême, les grands chrétiens d'autrefois mentionnaient l'Amour.
Lewis estime que le Seigneur trouve nos désirs non pas trop forts, mais trop faibles. Nous sommes des créatures à moitié engagées, jouant avec des bagatelles alors qu'une joie infinie nous est offerte. Le chrétien est comme un écolier apprenant le grec : il ne peut pas encore désirer la récompense ultime (la vision de Dieu) pour elle-même, mais il y parvient progressivement par l'obéissance. Le pouvoir de désirer cette récompense pour elle-même est en soi une récompense préliminaire.
Lewis parle d'un « secret inconsolable » qui nous fait rechercher notre « pays lointain », un désir que nous appelons parfois nostalgie. Ce désir est constant, mais nous ne pouvons pas le satisfaire car il vise quelque chose qui n'est jamais apparu dans notre expérience. Les choses que nous considérons comme la beauté (livres, musique) ne sont que le « parfum d'une fleur que nous n'avons pas trouvée, l'écho d'un air que nous n'avons pas entendu, des nouvelles d'un pays que nous n'avons jamais visité ».
Si la faim (physique) prouve l'existence de la nourriture, notre désir du Paradis est une bonne indication que cette chose existe et que certains hommes en jouiront.
Lewis examine la promesse de la gloire, qui, dans l'Écriture, est associée aux couronnes, aux robes blanches, aux trônes et à la splendeur. Il découvre que la gloire signifie la renommée auprès de Dieu, l'approbation, l'« appréciation » de Dieu. Ce n'est pas la célébrité conférée par nos semblables, mais le plaisir le plus humble et le plus enfantin : le plaisir de la créature devant son Créateur. Le salut est la possibilité pour nous de survivre à l'examen divin, de trouver l'approbation, de plaire à Dieu. C'est un fardeau de gloire que nos pensées peuvent difficilement soutenir.
La gloire, au sens d'être « remarqué » par Dieu, répond au désir que nous avons d'être accueillis, reconnus, d'être du « bon côté » de la porte que nous avons toujours vue de l'extérieur. La nostalgie de toute notre vie est l'indice le plus vrai de notre situation réelle.
En tant que luminosité, la gloire signifie que nous serons unis à la beauté que nous voyons, en y passant, la recevant en nous-mêmes. Si nous croyons que Dieu nous donnera un jour l'Étoile du Matin et nous fera revêtir la splendeur du soleil, alors les mythes et la poésie modernes, faux comme histoire, pourraient être très proches de la vérité comme prophétie.
L'application pratique de cette spéculation est de penser profondément au poids, ou fardeau, de la gloire de notre voisin. C'est une chose sérieuse de vivre dans une société de dieux et de déesses possibles. Il n'y a pas de personnes ordinaires. Notre voisin est l'objet le plus saint présenté à nos sens, car en lui aussi le Christ est vraiment caché.
II. Transposition
Lewis explore la Transposition pour comprendre la continuité entre les phénomènes naturels et les phénomènes spirituels. La glossolalie (parler en langues), par exemple, peut être miraculeuse ou hystérique.
La Transposition survient lorsqu'un système plus riche (comme l'émotion) se manifeste dans un système plus pauvre (comme la sensation physique). Étant donné les ressources limitées des sens, le même élément sensoriel doit être utilisé pour exprimer des émotions diverses, voire opposées. Par exemple, la même sensation physique peut accompagner une intense extase esthétique ou une grande angoisse.
Lewis compare cela à la représentation d'un monde tridimensionnel (riche) sur une feuille de papier (pauvre). La critique qui approche la Transposition « par le bas » (par exemple, le brutal qui ne voit que la luxure dans l'amour) ne voit que les faits sans le sens, et sera toujours conduit à conclure que le supérieur est dérivé de l'inférieur.
Concernant l'espoir du Ciel, la Transposition nous aide à imaginer que les négations de nos désirs naturels (pas de nourriture, de sexe) sont le revers d'un accomplissement. Notre humanité sera le véhicule de la béatitude. Si la chair et le sang ne peuvent hériter du Royaume, ce n'est pas parce qu'ils sont trop solides, mais parce qu'ils sont trop minces, trop transitoires, trop fantomatiques.
III. Is Theology Poetry? (La théologie est-elle poésie ?)
Lewis pose la question de savoir si la théologie est seulement de la poésie, c'est-à-dire si les croyants confondent le plaisir esthétique et l'assentiment intellectuel.
Lewis ne trouve pas la théologie chrétienne esthétiquement supérieure à ses rivales (il préfère la mythologie nordique, par exemple). Il soutient que la croyance a tendance à nuire au plaisir imaginatif parfait. Toute vision du monde acceptée (y compris l'« Scientific Outlook » des wellsiens) produit sa propre poésie, mais cette poésie est le résultat, non la cause, de la croyance.
Lewis examine les ressemblances entre le Christ et les figures païennes (Balder, Osiris). Ces ressemblances sont ce à quoi nous devons nous attendre, car il y a une illumination divine accordée à tous les hommes. L'histoire chrétienne est la condensation du mythe en fait historique : ce qui, dans le mythe, était partout et toujours, imagé et ineffable, devient petit, solide – « pas plus grand qu'un homme qui peut dormir dans un canot ».
Lewis critique le cosmologie scientifique populaire pour son inconsistance radicale. Elle demande d'accepter la Raison (pour valider les inférences scientifiques) tout en affirmant que la Raison est un sous-produit imprévu et non intentionnel de la matière sans esprit. Si l'esprit dépend de la biochimie et celle-ci du flux atomique, nos pensées n'ont pas plus de signification que le bruit du vent dans les arbres.
Lewis croit au Christianisme parce qu'il lui permet d'intégrer la science, l'art et la moralité, alors que le point de vue scientifique ne peut intégrer aucune de ces choses, ni même la science elle-même.
IV. Membership (L'appartenance)
Le christianisme n'est pas une religion solitaire. Lewis note que notre âge est paradoxal, car il exalte l'individu en religion tout en imposant le collectivisme dans tous les autres domaines.
Le collectivisme séculier est inférieur à la vie personnelle et privée. Le but suprême de la communauté séculière est de faciliter et de sauvegarder la famille, l'amitié et la solitude. Les activités collectives sont nécessaires, mais elles sont des moyens, pas des fins.
La société chrétienne n'est pas un collectif (des unités interchangeables), mais un Corps. Les membres d'un Corps (comme dans une famille) sont des organes, essentiellement différents et complémentaires, chacun étant presque une espèce en soi. L'unité de l'Église est une unité de dissemblables.
Lewis soutient que l'égalité est un résultat de la Chute et un remède à celle-ci, car nous ne pouvons pas nous faire confiance les uns aux autres avec un pouvoir irresponsable. Mais dans l'Église, nous retrouvons nos réelles inégalités, où l'autorité exercée avec humilité et l'obéissance acceptée avec plaisir sont les lignes de vie de nos esprits.
La valeur de l'âme humaine, considérée en soi, est zéro ; si Dieu nous a aimés, c'est parce qu'Il est Amour, non parce que nous étions aimables. La personnalité véritable et éternelle n'est pas un point de départ, mais un objectif. Nous atteindrons la personnalité lorsque nous occuperons la place dans la structure du cosmos éternel pour laquelle nous avons été conçus. L'individu reçoit sa valeur par l'union avec le Christ.
V. On Forgiveness (Sur le pardon)
Lewis rappelle que nous devons pardonner les péchés des autres si nous voulons que Dieu nous pardonne les nôtres, sans exceptions. Le pardon de Dieu n'est pas une excuse : si l'on a une excuse parfaite, il n'y a rien à pardonner. Le vrai pardon signifie regarder le péché dans toute son horreur, et néanmoins être entièrement réconcilié avec la personne qui l'a commis. Le chrétien doit pardonner l'inexcusable, parce que Dieu lui a pardonné l'inexcusable.