"Il prend un véritable bain d'Italie... Rien ne l'arrête, ni la
langue dont il ne parle pas un mot, ni l'Histoire de Venise importante
et fastueuse dont il ignore absolument la majesté compliquée... Jamais
Venise aux cent merveilles ne connut d'amoureux plus hâtif que lui. Et
cependant, parmi tous ceux qui aimèrent cette cité du mirage, en fut-il
un plus splendidement reconnaissant que lui ?
... "J'étais encore sous l'influence des beautés de Venise et tout vibrant des émotions
artistiques que j'avais ressenties, quand on m'apprit la mort de ce
malheureux Kolletchka. J'y fus de ce fait sensible à l'extrême, et quand
je connus tous les détails de la maladie qui l'avait tué, la notion
d'identité de ce mal avec l'infection puerpérale dont mouraient les
accouchées s'imposa si brusquement à mon esprit, avec une clarté si
éblouissante, que je cessais de chercher ailleurs depuis lors".
... Puisque, pensa-t-il, Kolletchka est mort des suites d'une piqûre
cadavérique, ce sont donc les exsudats prélevés sur des cadavres qu'on
doit incriminer dans le phénomène de contagion.
... "Ce sont les
doigts des étudiants, souillés au cours de récentes dissections, qui
vont porter les fatales particules cadavériques dans les organes
génitaux des femmes enceintes et surtout au niveau du col utérin".
... Il allait toucher les microbes sans les voir.
Restait encore à les détruire. Jamais on ne fit mieux.
... Le dernier voile tombe. La lumière est faite. "Les mains, par leur
simple contact, peuvent être infectantes", écrit-il. Chacun désormais,
ayant disséqué ou non dans les jours qui précédèrent, doit se soumettre à
une désinfection soigneuse des mains par la solution de chlorure de chaux.
Le résultat ne se fait pas attendre, il est magnifique. Dans
le mois suivant, la mortalité par puerpérale devient presque nulle."