300 pages, 9 chapitres, 23 euros |
"Vivons-nous dans un monde trop égoïste ? On le prétend avec
frénésie, que ce soit l’omniprésent Matthieu Ricard ou Jacques Attali, banquier
autopromu apôtre de la fraternité universelle, un comble pour ce conseiller de
l’ombre du lascar François Mitterrand et soutien du rothschildien président Macron
! Pas une heure ne passe sans qu’un média mainstream ne nous jette à la figure une hideuse
description de l'individu moderne. Nous sommes tous un tas d’immondes égoïstes,
repus et heureux de vivre comme des porcs dans leur bauge. De mauvais citoyens
qui votent peu et mal. De misérables marauds qui ne pensent qu’à leur petit
confort et se désintéressent outrément du malheur du monde, de l’égalité
salariale des femmes et du mansplaining,
de la souffrance animale, des immigrés, des SDF, des mal-logés, de « Dame nature »,
de la couche d’ozone, du réchauffement climatique (sic). Les prédicateurs bien en cour n’ont que le mot
« inégalités » à la bouche – inégalités contre lesquelles la morale
civique nous commande de combattre sous peine d’être qualifiés de bourgeois ou
de fascistes. Si l’on est un mâle blanc hétérosexuel, les péchés que nous avons
à expier sont pis encore ! Nous voici coupables d’à peu près tout ce que
le monde a produit depuis des millénaires en matière de massacres abjects,
d’esclavages répugnants, de misères atroces et de génocides infernaux.
Je crois au contraire que la plupart de nos contemporains sont
soumis à des exigences extérieures qu’ils ne contrôlent pas et que le véritable
mal vient de là. L’individualisme présent n’est qu’un mot creux. Nous sommes
plongés dans une société où il est devenu interdit
de penser par nos propres facultés. Nous sommes imbibés de valeurs choisies
pour nous, par d’autres que nous. Lorsque clamer ce que l’on a sur le cœur
devient un crime de la pensée, quand l’État, omniprésent dans nos vies, se dote
d’un pouvoir discrétionnaire sur nos esprits, nous impose des normes de
comportement au point que sa police traque les réfractaires et que la justice
les punit à de lourdes peines, on ne peut, quand on a un soupçon de dignité, se
permettre le luxe de se laisser aller à abandonner le « soi », entité
réelle ou illusoire, pour faire plaisir à ses contempteurs - sauf à se retirer
pour le reste de nos jours chez les Chartreux ou dans un ashram (ce qui n’est pas donné à tout le monde), en priant pour que
l’État et sa bureaucratie tatillonne n’y mettent pas les pieds (chose à peu
près impossible).
*
Voulons-nous être dominés par des idées qui ne sont que
l’expression théorique des intérêts d’autrui ? Notre vie n’appartient qu’à
nous. Nous sommes les intendants de notre corps et de notre esprit. C’est à ce
prix que nous en sommes responsables. C’est en raison de la liberté que nous
avons su conquérir sur nous que nous sommes légitimes à parler et à défendre,
le cas échéant, certains principes supérieurs. Sinon, nous ne sommes que les
« hommes-machines » qui faisaient horreur à Georges Gurdjieff, des
robots, des automates, des perroquets, des aveugles, des atomes tournoyant tout
abrutis dans la grande cage à hamsters du « On », l’univers gris,
sans forme ni visage décrit dans Être et
Temps (1927) de Martin Heidegger.
L’urgence est de devenir un « homme différencié », selon
l’heureuse formule de Julius Evola. Nous devons trouver en nous-mêmes les
principes qui régissent notre vie. Imiter les autres dans nos jeunes années,
nous inspirer de certains types de héros populaires est certainement un bon
début, une formation nécessaire du moment que l’on n’est pas un enfant surdoué
comme Mozart, à la seule condition de nous construire nous-mêmes ensuite, en
sélectionnant le bon grain et l’ivraie dans les modèles que l’on a choisi de
suivre. On doit un jour savoir se séparer de nos inspirateurs, trouver la voie
qui nous convient et s’adapter à nos aptitudes. Le bon maître spirituel, qu’on
appelle guru dans la tradition hindoue (un mot signifiant simplement
« enseignant »), n’est pas un chefaillon irrité désireux de conserver
auprès de lui ses disciples jusqu’à ce que mort s’ensuive. Il doit être un
libérateur, apprenant à ses élèves à le quitter le moment venu, afin de vivre
de manière autonome, une fois formés, de leur plein gré, à une discipline qui
les aidera à se guider en toute conscience - et non par la force de l’habitude,
en raison d’une abdication devant le consensus imposé ou d’un manque abyssal de
tonus psychique."
Paul-Éric Blanrue
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