Comment peut-on être soralien ?
Par François-Xavier Rochette
(Écrits de Paris, n°790, octobre 2015)
La question ne peut manquer d’intérêt aujourd’hui,
alors que le personnage médiatique, autoproclamé dissident, punk mondain
avoué (l’homme est un féru de mode, de cols roulés et peut-être de
mocassins à glands) subit en ce moment-même les féroces critiques
d’anciens proches, complices, acolytes (c’est ce qu’a voulu faire
comprendre sans grandes ambiguïtés M. Cardet lors d’un entretien avec le
très résolu Kabyle Salim Laïbi, maître d’orchestre d’une attaque
concertée contre le maître insoupçonné du Logos) et connaissances
d’Alain Bonnet de Soral, grand noctambule lié d’une manière inextricable
au showbiz par l’entremise de sa sœur Agnès Soral. Comment peut-on être
soralien ? Non pas lecteur occasionnel du bonhomme, jovial spectateur
de l’une de ses vidéos ou ancien téléspectateur d’une émission trash où
il jouait l’avocat du diable dans un état de stress légendaire, non !
Comment être soralien ? Comment être le tenant de la doctrine d’un homme
qui n’en a pas ? C’est ainsi qu’il faut poser le problème afin d’éviter
les quiproquos.
La mangouste du PAF
Nous nous rappelons très bien des prestations de
Soral quand il sévissait à la télévision dans diverses émissions grand
public puis dans le néant avec Évelyne Thomas en guise de tutrice.
Livide, les yeux verdunisés, il semblait toujours surexcité, défendant
ses propos non par conviction, par je ne sais quelle force transcendante
mais pour faire le bon élève qu’il n’a jamais été devant ses maîtres,
ses patrons ou la gourmande animatrice. Dans ces jeux de rôle où il
brillait bien davantage que sa sœur sans talent dans son métier
officiel, Soral s’oubliait, concentrait toute son énergie pour accomplir
la meilleure prestation, lâchait ses mots à la vitesse de la mangouste
prédatrice, saignait les dindes qui lui servaient d’interlocutrices dans
une comédie finalement aussi sinistre qu’inutile. Il n’y avait rien
face à lui sinon d’obscures crypto-féministes d’une bêtise crasse qui
répétaient comme des perroquets déplumés la doxa républicaine sur
l’égalité et l’homosexualisme. On le revoit avec son col roulé noir, le
front mouvant, bondir sur la dévirilisation de l’homme sorti de la mine
pour consommer comme une « bonne femme » des crèmes hydratantes… Pour ce
faire, ce fils de notaire s’était inventé un déguisement de bolchévique
orthodoxe en convoquant Marx, Lénine puis le philosophe anti-gauchiste
et anticonsumériste Michel Clouscard qu’il qualifie aujourd’hui de
« vieux puceau », triste aveu de sa tartuferie. Soral cultivait alors
ingénieusement cette image de communiste ascète, celle d’un homme qui ne
trahissait pas la classe ouvrière et ses valeurs viriles, à tel point
qu’il ne nous serait pas venu à l’esprit l’idée d’un Soral frère de
Soral. Le Soral de la frangine, ça, c’était pour les copains du Palace
et des boîtes à la mode, et un instrument dans ses tentatives de drague
tous azimuts. Le Soral frangin, c’était pour ses amis homosexuels,
drogués, esthètes dégénérés, décadents de cette autre fin de siècle qui
auraient fait frémir Huysmans. Ses amitiés d’alors étaient une boue liée
au media, aux producteurs apatrides, aux animateurs à l’haleine
pestilentielle. Dans le privé, c’était la fête, mais devant les caméras,
Alain Soral, c’était alors l’homme mystérieux, inflexible quant à ses
valeurs et dialecticien de première devant la ménagère au stérilet
léger. Alain apportait la contradiction dans des réunions sextoys devant
les yeux brillants d’une Évelyne Thomas récemment mariannisée, ce qui
allait très bien à la république. Que s’est-il passé ensuite ? S’est-il
rendu compte que ses interventions faisaient mouche auprès d’un public
las des pleurniches féministes et progressistes ? S’est-il décidé à
utiliser son pouvoir de séduction et son expérience non plus seulement
pour s’assurer la continuité d’une sexualité débridée mais pour attirer
vers lui des esprits naïfs croyant découvrir la lune en le lisant ?
Ceux-là, au moins, seront les meilleurs vrp de ses bouquins, et les
bouquins ça rapporte. Quand un homme vu à la télé dit tout haut ce que
tout le monde pense, le succès commercial est, souvent, au rendez-vous.
Et qui mieux que Soral pouvait avant l’avènement de la suprématie du net
exploiter les frustrations et les attentes symboliques d’une grosse
minorité des téléspectateurs qu’il connaissait bien par l’abondant
courrier qu’il reçut durant sa période de trash TV ? Il a su brillamment
rentabiliser son expérience télévisuelle avec son fameux Jusqu’où va-t-on descendre ?
Ouvrage qui n’apportait rien de nouveau au nationaliste et au patriote
sinon un courant d’air enfumé des plateaux télé, mais qui aurait pu,
croyons-nous alors, ouvrir les yeux de quelques Français intrigués par
la hargne de Soral et ses invectives. Il a eu du succès. Il incarnait
une nouvelle forme d’insolence, qu’il incarne d’ailleurs toujours aux
yeux d’admirateurs qui se veulent fidèles envers l’homme. Mais de
l’insolence à la dissidence, il y a un gouffre, une « solution de
continuité ». Quand l’insolent ne souhaite qu’infliger une petite fessée
au Système pour qu’il se montre enfin plus respectueux envers soi, le
dissident combat l’essence même de cette entité et ne saurait ainsi agir
à tort et à travers en multipliant les insolences et les fanfaronnades.
Or Soral est resté bloqué au stade de l’insolence juvénile, et bien
volontairement apparaît-il. C’est à l’aune de cette conjecture que nous
nous intéressons, d’une manière inégale, aux récents ouvrages consacrés à
une vedette dont l’activité première est de sauvegarder les apparences
bec et ongles.
Tout et son contraire
Le défaut principal d’un insolent professionnel épris
de buzz réside dans la contradiction interne de son discours. C’est ce
que met en évidence le livre de Salim Laïbi, Le Mythomane, la face cachée d’Alain Soral (disponible sur www.editionsfiatlux.com),
à côté d’une charge violente contre un Soral qui l’a outragé avec une
cruauté répugnante (la perte du fils de trois ans de Laïbi a été vue par
Soral comme une punition divine exercée contre son nouvel ennemi…). Le
procédé médiatique de Soral consiste en fait à capter toutes les
opinions minoritaires ou de séduire toutes les tendances marginales dans
un patchwork qu’il essaya de raccommoder avant de noyer le tout au
travers d’un e-commerce à la vitrine luxuriante et aux marchandises
hétéroclites. Les jeunots sionistes de StreetPress (dans le bouquin très
commenté Le Système Soral) se sont également penchés sur la
question mais que valent les attaques même argumentés, démontrés, d’un
ennemi aussi grossier, aussi détestable, diront certains ? Quand ces
gens-là ne font que décrire une activité sans inventer je ne sais quelle
fadaise, ils procurent aux lecteurs, devons-nous répondre, un document
objectif. RIVAROL a été attaqué une vingtaine de fois par ces
cosmopolites en nous qualifiant avec les plus effarants adjectifs, mais
ils nous citaient dans le texte et scannaient carrément nos papiers. Ils
pouvaient bien les trouver épouvantables et indicibles, qu’est-ce que
cela pouvait-il nous faire ? Soit, ces gens-là mentent et le public s’en
rend compte rapidement à l’heure d’internet (et Soral sait excellemment
s’en servir), et pour l’instant il semblerait qu’il n’y ait pas de
mensonges essentiels. Soit ils disent vrai et alors Soral doit accepter
le reflet du miroir, puisse-t-il être tenu par des mains juives. Il faut
appliquer nécessairement la même logique avec l’anti-maçon kabyle Salim
Laïbi que Soral appela soudainement après avoir « collaboré » avec lui
« Evola couscous »… Tant qu’il profitait à ses affaires, le côté semoule
et raisins secs de cet antimaçonnique ne le dérangeait pas, bien au
contraire. Il fut ainsi copain comme Cauchon avec Mathias Cardet
(l’auteur noir de L’Effroyable imposture du Rap) jusqu’à une
embrouille ou un différend commercial. Aujourd’hui Bonnet Soral
l’injurie au fusil à canons sciés, en sortant la grosse artillerie !
Salim Laïbi a donc tort de considérer Soral comme un individu raciste.
Il ne l’est pas dans la mesure où il n’est fidèle à aucune grille de
lecture, à aucune vérité. Si la femme noire à la drôle de tête, Binti je
crois, avait accepté par exemple ses avances classieuses, il ne
l’aurait pas insultée, c’est certain. Du reste, on ne l’a jamais entendu
railler la couleur de peau de Dieudonné qu’il inonderait selon
certaines rumeurs de coups de téléphone et au bras duquel il s’accroche
comme le ferait un naufragé sur son radeau de fortune… D’ailleurs il ne
peut être non plus « homophobe » malgré un discours anti-homosexualiste
pas toujours très clair. Sa vie mondaine, effroyable si l’on en croit
ses récits, contredisant à angle droit ses positions sur sofa rouge. Si
une idée a l’odeur et le goût du bon miel qui attire la mouche, il
l’agite en fait tout en vendant des vidéos indigentes à deux euros qui
renvoient par un biais ou par un autre à des publicités pour des livres
ou des produits. La ligne directrice, la seule qui perdure, est cette
volonté de tirer profit des modes en cours. Pensons en particulier à la
supercherie du survivalisme tel qu’il a été vendu en tout cas par Soral
et son ami de chéquier Piero San Giorgio qui se vante sur diverses
vidéos de passer ses vacances en Israël en matant les fessiers de juives
sur ses plages puantes. Et voilà nos deux compères vendre à
d’innombrables naïfs des lampes à pétrole au prix trois fois plus élevé
que celles que l’on trouve dans n’importe quel Nature et Découverte.
Autant donner directement son argent à l’État d’Israël ou au CRIF. Plus
grotesque, plus léger quoique un peu lourdingue, cette vidéo de Soral
sortie en DVD sur le thème de l’apprentissage de la boxe, indice s’il en
est de l’exploitation éhontée et mercantile d’une idolâtrie travaillée.
Que ne vendrait-il pas ?
Comme le dit Paul-Éric Blanrue dans la préface du Mythomane, « Soral a raison, mais à quelle heure ? » Comment peut-on, par exemple, louer le cauchemar robespierriste d’un côté et les principes catholiques de l’autre, comme il le fait ?
Divertissement et diversion
Entre téléachats et sketch, Soral divertit un public
jeune appréciant son caractère punk revendiqué mais totalement inventé,
assez facilement cependant grâce à ses insultes éparpillées au travers
des réseaux sociaux à l’encontre des esprits libres ne souffrant ses
errances, ses contradictions et ses trahisons. Soral n’argumente pas,
l’agression verbale est moins coûteuse en réflexion et en temps… Cet
homme est devenu une idole ne défendant plus des idées nettes, un
programme, une doctrine ou simplement une vision du monde ; il est le
colonel Kurtz du concept, celui qui a perdu le fil de la raison. Comme
le dit Paul-Éric Blanrue dans la préface du Mythomane, « Soral a
raison, mais à quelle heure ? » Comment peut-on, par exemple, louer le
cauchemar robespierriste d’un côté et les principes catholiques de
l’autre, comme il le fait ? Comment concilier république et monarchie ?
Surtout, comment peut-on se réclamer d’une quelconque dissidence et
persister dans une logique de défense du néo-Front national de Marine Le
Pen et Florian Philippot ? Comment faire son beurre avec un discours
antisioniste et soutenir un mouvement républicain ultrasioniste (proche
de Wilders) comme celui de Madame Le Pen ? Cela n’a pas de sens, à moins
que Soral ne serve de rabatteur, ou de tampon entre le public
antisioniste et judéosceptique et le FN maçonnique et sioniste. Soral
a-t-il mis en place, ces dernières années, les conditions d’un échec ?
L’échec du développement d’un fort courant antisioniste radical, actif,
prosélyte, militant et organique ? La question mérite d’être posée et ce
ne serait que lâcheté de l’éluder.
2009 ou le début de l’usurpation assumée
Alain Soral a eu un dernier accès de sincérité le 1er
février 2009 quand, terriblement déçu par son éviction aux élections
européennes sous l’étiquette frontiste, il décida de lâcher les chevaux,
de vider son sac, dans un texte qui aurait pu faire date, Marine m’a tuer.
Tout y passe : l’autorité de Marine ignare et faible, coupeuse de tête
pour ne s’entourer que de médiocres, de courtisans et d’imbéciles. Son
sionisme. L’immonde cage aux folles qui l’entoure. Les Maçons. Un texte
en définitive d’une grande sincérité qui annonçait, croyait-on avec
beaucoup d’autres, un mouvement antipoliticien, une tentative
patriotique, une entreprise dénonciatrice, au moins, qui aurait été
jusqu’au bout de sa logique. Mais, et ce fut une surprise énorme, le 9
février suivant, dans l’émission des Grandes Gueules où il sera l’invité
surprise (une double surprise pour le prix d’une), Alain Soral balance
au téléphone un discours tout différent d’une obséquiosité incroyable
sur Marine Le Pen alors présente dans les locaux de RMC. Subitement, il
déclare sa flamme, déclare que cette copie de Wilders qu’est Madame Le
Pen fait du bon travail et qu’il la soutient sans condition ! Il achève
son intervention pitoyable et véritable acte d’agression contre le
nationalisme par cet extraordinaire « Je t’embrasse Marine ! ». Nulle
ironie, nul délire punk, nul sous-entendu scatologique à l’adresse de la
gonzesse du Sépharade. Non, seulement et simplement un petit message
pour dire que le Soral rentrait à la niche, la queue basse. Que s’est-il
passé ? Comment peut-on expliquer une telle reptation ? Soral est-il la
victime d’un terrible chantage ? Ou a-t-il bénéficié « entre les deux
tours » des conseils appuyés du sherpa sioniste de Marine Le Pen,
Philippe Péninque, le copain de Cahuzac et de plein d’hommes du Système
avec lesquels il joue au golf pour parler placements et pognons ? C’est
l’hypothèse la plus plausible et celle qui expliquerait le marinisme
mécanique de Soral. Finalement le même marinisme que celui de
Jean-Claude Nataf, patron de la Ligue de Défense juive et grand ami et
camarade… de Philippe Péninque.
François-Xavier Rochette,
Journaliste à Rivarol et aux Écrits de Paris.