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dimanche 4 octobre 2015

La fin du soralisme.

 Comment peut-on être soralien ?
Par François-Xavier Rochette 
(Écrits de Paris, n°790, octobre 2015)

La question ne peut manquer d’intérêt aujourd’hui, alors que le personnage médiatique, autoproclamé dissident, punk mondain avoué (l’homme est un féru de mode, de cols roulés et peut-être de mocassins à glands) subit en ce moment-même les féroces critiques d’anciens proches, complices, acolytes (c’est ce qu’a voulu faire comprendre sans grandes ambiguïtés M. Cardet lors d’un entretien avec le très résolu Kabyle Salim Laïbi, maître d’orchestre d’une attaque concertée contre le maître insoupçonné du Logos) et connaissances d’Alain Bonnet de Soral, grand noctambule lié d’une manière inextricable au showbiz par l’entremise de sa sœur Agnès Soral. Comment peut-on être soralien ? Non pas lecteur occasionnel du bonhomme, jovial spectateur de l’une de ses vidéos ou ancien téléspectateur d’une émission trash où il jouait l’avocat du diable dans un état de stress légendaire, non ! Comment être soralien ? Comment être le tenant de la doctrine d’un homme qui n’en a pas ? C’est ainsi qu’il faut poser le problème afin d’éviter les quiproquos.


La mangouste du PAF


Nous nous rappelons très bien des prestations de Soral quand il sévissait à la télévision dans diverses émissions grand public puis dans le néant avec Évelyne Thomas en guise de tutrice. Livide, les yeux verdunisés, il semblait toujours surexcité, défendant ses propos non par conviction, par je ne sais quelle force transcendante mais pour faire le bon élève qu’il n’a jamais été devant ses maîtres, ses patrons ou la gourmande animatrice. Dans ces jeux de rôle où il brillait bien davantage que sa sœur sans talent dans son métier officiel, Soral s’oubliait, concentrait toute son énergie pour accomplir la meilleure prestation, lâchait ses mots à la vitesse de la mangouste prédatrice, saignait les dindes qui lui servaient d’interlocutrices dans une comédie finalement aussi sinistre qu’inutile. Il n’y avait rien face à lui sinon d’obscures crypto-féministes d’une bêtise crasse qui répétaient comme des perroquets déplumés la doxa républicaine sur l’égalité et l’homosexualisme. On le revoit avec son col roulé noir, le front mouvant, bondir sur la dévirilisation de l’homme sorti de la mine pour consommer comme une « bonne femme » des crèmes hydratantes… Pour ce faire, ce fils de notaire s’était inventé un déguisement de bolchévique orthodoxe en convoquant Marx, Lénine puis le philosophe anti-gauchiste et anticonsumériste Michel Clouscard qu’il qualifie aujourd’hui de « vieux puceau », triste aveu de sa tartuferie. Soral cultivait alors ingénieusement cette image de communiste ascète, celle d’un homme qui ne trahissait pas la classe ouvrière et ses valeurs viriles, à tel point qu’il ne nous serait pas venu à l’esprit l’idée d’un Soral frère de Soral. Le Soral de la frangine, ça, c’était pour les copains du Palace et des boîtes à la mode, et un instrument dans ses tentatives de drague tous azimuts. Le Soral frangin, c’était pour ses amis homosexuels, drogués, esthètes dégénérés, décadents de cette autre fin de siècle qui auraient fait frémir Huysmans. Ses amitiés d’alors étaient une boue liée au media, aux producteurs apatrides, aux animateurs à l’haleine pestilentielle. Dans le privé, c’était la fête, mais devant les caméras, Alain Soral, c’était alors l’homme mystérieux, inflexible quant à ses valeurs et dialecticien de première devant la ménagère au stérilet léger. Alain apportait la contradiction dans des réunions sextoys devant les yeux brillants d’une Évelyne Thomas récemment mariannisée, ce qui allait très bien à la république. Que s’est-il passé ensuite ? S’est-il rendu compte que ses interventions faisaient mouche auprès d’un public las des pleurniches féministes et progressistes ? S’est-il décidé à utiliser son pouvoir de séduction et son expérience non plus seulement pour s’assurer la continuité d’une sexualité débridée mais pour attirer vers lui des esprits naïfs croyant découvrir la lune en le lisant ? Ceux-là, au moins, seront les meilleurs vrp de ses bouquins, et les bouquins ça rapporte. Quand un homme vu à la télé dit tout haut ce que tout le monde pense, le succès commercial est, souvent, au rendez-vous. Et qui mieux que Soral pouvait avant l’avènement de la suprématie du net exploiter les frustrations et les attentes symboliques d’une grosse minorité des téléspectateurs qu’il connaissait bien par l’abondant courrier qu’il reçut durant sa période de trash TV ? Il a su brillamment rentabiliser son expérience télévisuelle avec son fameux Jusqu’où va-t-on descendre ? Ouvrage qui n’apportait rien de nouveau au nationaliste et au patriote sinon un courant d’air enfumé des plateaux télé, mais qui aurait pu, croyons-nous alors, ouvrir les yeux de quelques Français intrigués par la hargne de Soral et ses invectives. Il a eu du succès. Il incarnait une nouvelle forme d’insolence, qu’il incarne d’ailleurs toujours aux yeux d’admirateurs qui se veulent fidèles envers l’homme. Mais de l’insolence à la dissidence, il y a un gouffre, une « solution de continuité ». Quand l’insolent ne souhaite qu’infliger une petite fessée au Système pour qu’il se montre enfin plus respectueux envers soi, le dissident combat l’essence même de cette entité et ne saurait ainsi agir à tort et à travers en multipliant les insolences et les fanfaronnades. Or Soral est resté bloqué au stade de l’insolence juvénile, et bien volontairement apparaît-il. C’est à l’aune de cette conjecture que nous nous intéressons, d’une manière inégale, aux récents ouvrages consacrés à une vedette dont l’activité première est de sauvegarder les apparences bec et ongles.


Tout et son contraire


Le défaut principal d’un insolent professionnel épris de buzz réside dans la contradiction interne de son discours. C’est ce que met en évidence le livre de Salim Laïbi, Le Mythomane, la face cachée d’Alain Soral (disponible sur www.editionsfiatlux.com), à côté d’une charge violente contre un Soral qui l’a outragé avec une cruauté répugnante (la perte du fils de trois ans de Laïbi a été vue par Soral comme une punition divine exercée contre son nouvel ennemi…). Le procédé médiatique de Soral consiste en fait à capter toutes les opinions minoritaires ou de séduire toutes les tendances marginales dans un patchwork qu’il essaya de raccommoder avant de noyer le tout au travers d’un e-commerce à la vitrine luxuriante et aux marchandises hétéroclites. Les jeunots sionistes de StreetPress (dans le bouquin très commenté Le Système Soral) se sont également penchés sur la question mais que valent les attaques même argumentés, démontrés, d’un ennemi aussi grossier, aussi détestable, diront certains ? Quand ces gens-là ne font que décrire une activité sans inventer je ne sais quelle fadaise, ils procurent aux lecteurs, devons-nous répondre, un document objectif. RIVAROL a été attaqué une vingtaine de fois par ces cosmopolites en nous qualifiant avec les plus effarants adjectifs, mais ils nous citaient dans le texte et scannaient carrément nos papiers. Ils pouvaient bien les trouver épouvantables et indicibles, qu’est-ce que cela pouvait-il nous faire ? Soit, ces gens-là mentent et le public s’en rend compte rapidement à l’heure d’internet (et Soral sait excellemment s’en servir), et pour l’instant il semblerait qu’il n’y ait pas de mensonges essentiels. Soit ils disent vrai et alors Soral doit accepter le reflet du miroir, puisse-t-il être tenu par des mains juives. Il faut appliquer nécessairement la même logique avec l’anti-maçon kabyle Salim Laïbi que Soral appela soudainement après avoir « collaboré » avec lui « Evola couscous »… Tant qu’il profitait à ses affaires, le côté semoule et raisins secs de cet antimaçonnique ne le dérangeait pas, bien au contraire. Il fut ainsi copain comme Cauchon avec Mathias Cardet (l’auteur noir de L’Effroyable imposture du Rap) jusqu’à une embrouille ou un différend commercial. Aujourd’hui Bonnet Soral l’injurie au fusil à canons sciés, en sortant la grosse artillerie ! Salim Laïbi a donc tort de considérer Soral comme un individu raciste. Il ne l’est pas dans la mesure où il n’est fidèle à aucune grille de lecture, à aucune vérité. Si la femme noire à la drôle de tête, Binti je crois, avait accepté par exemple ses avances classieuses, il ne l’aurait pas insultée, c’est certain. Du reste, on ne l’a jamais entendu railler la couleur de peau de Dieudonné qu’il inonderait selon certaines rumeurs de coups de téléphone et au bras duquel il s’accroche comme le ferait un naufragé sur son radeau de fortune… D’ailleurs il ne peut être non plus « homophobe » malgré un discours anti-homosexualiste pas toujours très clair. Sa vie mondaine, effroyable si l’on en croit ses récits, contredisant à angle droit ses positions sur sofa rouge. Si une idée a l’odeur et le goût du bon miel qui attire la mouche, il l’agite en fait tout en vendant des vidéos indigentes à deux euros qui renvoient par un biais ou par un autre à des publicités pour des livres ou des produits. La ligne directrice, la seule qui perdure, est cette volonté de tirer profit des modes en cours. Pensons en particulier à la supercherie du survivalisme tel qu’il a été vendu en tout cas par Soral et son ami de chéquier Piero San Giorgio qui se vante sur diverses vidéos de passer ses vacances en Israël en matant les fessiers de juives sur ses plages puantes. Et voilà nos deux compères vendre à d’innombrables naïfs des lampes à pétrole au prix trois fois plus élevé que celles que l’on trouve dans n’importe quel Nature et Découverte. Autant donner directement son argent à l’État d’Israël ou au CRIF. Plus grotesque, plus léger quoique un peu lourdingue, cette vidéo de Soral sortie en DVD sur le thème de l’apprentissage de la boxe, indice s’il en est de l’exploitation éhontée et mercantile d’une idolâtrie travaillée. Que ne vendrait-il pas ?



Comme le dit Paul-Éric Blanrue dans la préface du Mythomane, « Soral a raison, mais à quelle heure ? » Comment peut-on, par exemple, louer le cauchemar robespierriste d’un côté et les principes catholiques de l’autre, comme il le fait ?




Divertissement et diversion


Entre téléachats et sketch, Soral divertit un public jeune appréciant son caractère punk revendiqué mais totalement inventé, assez facilement cependant grâce à ses insultes éparpillées au travers des réseaux sociaux à l’encontre des esprits libres ne souffrant ses errances, ses contradictions et ses trahisons. Soral n’argumente pas, l’agression verbale est moins coûteuse en réflexion et en temps… Cet homme est devenu une idole ne défendant plus des idées nettes, un programme, une doctrine ou simplement une vision du monde ; il est le colonel Kurtz du concept, celui qui a perdu le fil de la raison. Comme le dit Paul-Éric Blanrue dans la préface du Mythomane, « Soral a raison, mais à quelle heure ? » Comment peut-on, par exemple, louer le cauchemar robespierriste d’un côté et les principes catholiques de l’autre, comme il le fait ? Comment concilier république et monarchie ? Surtout, comment peut-on se réclamer d’une quelconque dissidence et persister dans une logique de défense du néo-Front national de Marine Le Pen et Florian Philippot ? Comment faire son beurre avec un discours antisioniste et soutenir un mouvement républicain ultrasioniste (proche de Wilders) comme celui de Madame Le Pen ? Cela n’a pas de sens, à moins que Soral ne serve de rabatteur, ou de tampon entre le public antisioniste et judéosceptique et le FN maçonnique et sioniste. Soral a-t-il mis en place, ces dernières années, les conditions d’un échec ? L’échec du développement d’un fort courant antisioniste radical, actif, prosélyte, militant et organique ? La question mérite d’être posée et ce ne serait que lâcheté de l’éluder.




2009 ou le début de l’usurpation assumée


Alain Soral a eu un dernier accès de sincérité le 1er février 2009 quand, terriblement déçu par son éviction aux élections européennes sous l’étiquette frontiste, il décida de lâcher les chevaux, de vider son sac, dans un texte qui aurait pu faire date, Marine m’a tuer. Tout y passe : l’autorité de Marine ignare et faible, coupeuse de tête pour ne s’entourer que de médiocres, de courtisans et d’imbéciles. Son sionisme. L’immonde cage aux folles qui l’entoure. Les Maçons. Un texte en définitive d’une grande sincérité qui annonçait, croyait-on avec beaucoup d’autres, un mouvement antipoliticien, une tentative patriotique, une entreprise dénonciatrice, au moins, qui aurait été jusqu’au bout de sa logique. Mais, et ce fut une surprise énorme, le 9 février suivant, dans l’émission des Grandes Gueules où il sera l’invité surprise (une double surprise pour le prix d’une), Alain Soral balance au téléphone un discours tout différent d’une obséquiosité incroyable sur Marine Le Pen alors présente dans les locaux de RMC. Subitement, il déclare sa flamme, déclare que cette copie de Wilders qu’est Madame Le Pen fait du bon travail et qu’il la soutient sans condition ! Il achève son intervention pitoyable et véritable acte d’agression contre le nationalisme par cet extraordinaire « Je t’embrasse Marine ! ». Nulle ironie, nul délire punk, nul sous-entendu scatologique à l’adresse de la gonzesse du Sépharade. Non, seulement et simplement un petit message pour dire que le Soral rentrait à la niche, la queue basse. Que s’est-il passé ? Comment peut-on expliquer une telle reptation ? Soral est-il la victime d’un terrible chantage ? Ou a-t-il bénéficié « entre les deux tours » des conseils appuyés du sherpa sioniste de Marine Le Pen, Philippe Péninque, le copain de Cahuzac et de plein d’hommes du Système avec lesquels il joue au golf pour parler placements et pognons ? C’est l’hypothèse la plus plausible et celle qui expliquerait le marinisme mécanique de Soral. Finalement le même marinisme que celui de Jean-Claude Nataf, patron de la Ligue de Défense juive et grand ami et camarade… de Philippe Péninque.


François-Xavier Rochette,
Journaliste à Rivarol et aux Écrits de Paris.