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dimanche 11 juillet 2021

Retour sur le révisionnisme (2) : pourquoi Robert Faurisson s'est trompé. Exercice de critique historique et de liberté souveraine.



Extraits de Sécession, l'art de désobéir (Fiat Lux, 2018)

 

« L'homme est de glace aux vérités ; il est de feu pour les mensonges »

La Fontaine

 Il est une chose que les partisans de l’ex-dissidence, shootés aux vidéos soraliennes, ignorent au sujet de Faurisson, c’est que le « professeur » n’est nullement considéré comme le pape révisionnisme, comme certains se l’imaginent. Les certitudes qu’il affiche avec aplomb dans les pays francophones ne sont pas partagées par des pointures du révisionnisme anglo-saxon, loin s’en faut.

Depuis de longues années, le Britannique David Irving, révisionniste historique, auteur de La Destruction de Dresde (1963), de La Guerre d’Hitler (1977) ou de Goering, le Maréchal du Reich 1939-1946 (1991), ainsi que l’Américain Mark Weber, directeur de l’Institute for Historical Review - l’Institut pour la révision historique, l’organisation américaine fondée en 1978 qui éditait le célèbre Journal of Historical Review, point de ralliement de la nébuleuse révisionniste internationale -, font part de leur radical désaccord de fond avec des propositions se trouvant au cœur de la doctrine faurissonienne. Quoi que tous deux soient des apologistes du Troisième Reich, ils estiment en effet que les nazis ont bel et bien procédé à des gazages de populations juives et qu’ils ont également entrepris une politique systématique de massacres à leur encontre. Ce n’est pas la moindre des divergences avec l’opinion de l’ermite de Vichy, qui propage son enseignement sur un ton ne supportant pas la contradiction, se gardant bien de répondre à ses deux compères autrement qu’en les qualifiant « d’escrocs » et de « traîtres » – un grand classique -, alors que, contrairement à lui, l’un d’entre eux, Irving, a tâté du cachot durant un an (2005-2006) en Autriche, pour avoir défendu ses idées hétérodoxes.

Weber et Irving possèdent pourtant un avantage considérable sur Faurisson : ce sont deux historiens, l’un diplômé, l’autre de profession, alors que le Vichyssois n’est qu’un professeur de Lettres ayant fait la majorité de sa carrière dans un lycée pour jeunes filles de province.

Voici un extrait d’une déclaration de Mark Weber face à Jim Rizoli, passée sur Rizoli-TV (Youtube) le 10 février 2016 :

« Mon opinion sur les chambres à gaz ou les gazages est la même, en gros, que celle de David Irving. Je pense que des juifs ont été gazés (…) Je n’éprouve pas d’intérêt dogmatique à dire que des gens ont été gazés ou n’ont pas été gazés, mais mes conclusions, ma conviction, fondée sur la meilleure évaluation des preuves que j’ai pu faire, est qu’un grand nombre de juifs ont été tués à Sobibor, à Belzec et à Treblinka, très vraisemblablement par gazages. (…) Mon opinion est la même que celle de David Irving sur cette question. (…) Si j’ai cette opinion ce n’est pas parce que j’essaierais de ‘me faire des amis et influencer des gens’. Si les gens ne sont pas d’accord, tant pis. (…) N’oubliez pas : le révisionnisme, c’est une méthode. Ce n’est pas un dogme. Les gens peuvent changer d’avis. J’ai changé d’avis sur certains points. J’ai témoigné, par exemple dans le procès de 1988 au sujet du Journal de Goebbels. Lors du procès, on m’a interrogé de façon très pointue sur un passage de mars ou avril 1942 dans lequel Goebbels écrit d’une manière qui semble faire référence à des chambres à gaz pour gazer des gens. Vous connaissez peut-être ce passage – il est bien connu et, à l’époque où j’ai témoigné, j’ai dit qu’il y avait de bonnes raisons de douter de cette affirmation et de ce Journal. Or, depuis ce témoignage de 1988, nous avons à présent les plaques du Journal qui nous viennent des archives russes, qui n’étaient pas connues à l’époque, et elles confirment l’authenticité non seulement du Journal mais de ce passage particulier. (…) Le passage le plus, dit-on, incriminant, est celui de mars 1942, dans lequel Goebbels parle de liquider ou tuer les juifs et il est très difficile, si ce passage est exact, de penser que les juifs n’étaient pas tués. Il fait allusion de manière indirecte aux camps de Sobibor, de Belzec et de Treblinka.  »

De quel passage du Journal de Goebbels s’agit-il ? Rien n’est plus aisé à retrouver. Il s’agit de celui datant du 27 mars 1942 (c’est moi qui souligne ici et dans les documents suivants) :

« En commençant par Lublin, les juifs du Gouvernement général sont à présent évacués vers l’Est. La procédure est assez barbare et ne saurait être décrite ici de façon plus précise. Il ne restera pas grand-chose des juifs. Globalement, on peut dire qu’environ 60 % d’entre eux devront être liquidés alors que 40 % peuvent être utilisés pour le travail forcé. L’ancien Gauleiter de Vienne et chef de la police du district de Lublin qui mène à bien cette opération le fait en toute discrétion et selon une méthode qui n’attire pas l’attention. Les juifs sont en train d’être punis d’une façon barbare, certes, mais ils l’ont amplement mérité. La prophétie que le Führer leur a faite dans l’éventualité où ils déclencheraient une nouvelle guerre mondiale, est en train de se réaliser de la plus terrible manière. On ne doit se permettre aucun sentiment pour traiter cette question. Si nous ne nous défendions pas nous-mêmes contre eux, les juifs nous anéantiraient. (…) C’est un combat de vie et de mort entre la race aryenne et le bacille juif. Aucun autre gouvernement et autre régime n’aurait la force de résoudre cette question de manière générale. Ici aussi le Führer est le champion inébranlable et le porte-parole d’une solution radicale (…) Grâce à Dieu nous avons maintenant pendant la guerre toute une série de possibilités qui en temps de paix nous seraient interdites. »

La « prophétie d’Hitler » à laquelle se référait Goebbels est un discours prononcé le 30 janvier 1939 devant le Reichtag. Le Führer y avait lancé : « Aujourd’hui, je serai encore un prophète : si la finance juive internationale en Europe et hors d’Europe devait parvenir encore une fois à précipiter les peuples dans une guerre mondiale, alors le résultat ne serait pas la bolchévisation du monde, donc la victoire de la juiverie, au contraire, ce serait l’anéantissement de la race juive en Europe ! »

L’annonce était catégorique. Loin d’être anecdotique, la « prophétie » fut beaucoup commentée par les dignitaires nazis, qui la prirent très au sérieux.

Dans un discours radiodiffusé, prononcé à Innsbruck le 10 mai suivant, le directeur du Front allemand du Travail, Robert Ley, enfonça le clou : « Le juif ne saurait être anéanti seulement dans notre peuple, au contraire, nous ne trouverons aucun repos avant que le juif ait été anéanti dans le monde entier. »

Hans Frank, gouverneur général en Pologne occupée, déclara, le 16 décembre 1941 :  « Avec les juifs - je tiens à vous le dire très ouvertement - il faut en finir d’une manière ou d’une autre. Le Führer l’a déjà dit : ‘si la juiverie rassemblée devait encore réussir à provoquer une guerre mondiale, le sacrifice du sang ne sera pas alors fait seulement par les peuples plongés dans la guerre, mais le juif connaîtra sa fin en Europe.’ (…) Mais que faire des juifs ? Croyez-vous qu’on les enverra dans les territoires de l’Est ? Voilà ce qu’on nous a dit à Berlin : ‘Pourquoi toutes ces complications ? Nous non plus, nous ne pouvons rien en faire ni dans les territoires de l’Est ni le Commissariat du Reich, liquidez-les vous-mêmes’. Je dois vous demander de vous débarrasser de tout sentiment de pitiéNous devons exterminer les juifs, partout où nous les trouverons, et partout où il y en aura la possibilité. »  

La confirmation des gazages est donnée par une lettre datée du 25 octobre 1941 émanant d’Erhard Wetzel, expert du Ministère du Reich aux territoires occupés de l’Est pour la Question juive, à Hinrich Lohse, Commissaire du Reich pour les territoires de l’Est : « L’Oberdienstleiter Brack (NdA : Viktor Brack était le responsable de l’Aktion T4 visant, de janvier 1940 à août 1941, à liquider, notamment par le gaz, les handicapés mentaux, une décision retrouvée et signée par le Führer) de la chancellerie du Führer, est disposé à prêter son assistance à la construction du local et des équipements de gazage nécessaires. (…) Je me permets d’ajouter que le Sturmbannführer Eichmann, le responsable des questions juives à l’Office Central de Sécurité du Reich, est absolument d’accord avec cette procédure. (…) Les choses étant ce qu’elles sont, il ne saurait y avoir de scrupules concernant le fait que les juifs qui sont inaptes au travail doivent être supprimés en utilisant la méthode de Brack. (…) De cette façon, des incidents tels qu’ils se sont produits lors des fusillades de juifs à Vilnius d’après un rapport que j’ai sous les yeux, rapport selon lequel ces fusillades eurent lieu en public, de tels incidents, qui peuvent difficilement être tolérés, ne seront plus possibles. »

Le rapport d’Heinrich Kinna sur le transport de Polonais au camp d’Auschwitz, en date du 16 décembre 1942, est tout aussi explicite. Le bureaucrate SS de Lodz note : « Les imbéciles, les idiots, les handicapés et les malades doivent être éliminés du camp par liquidation aussi vite que possible, afin de soulager la pression sur le camp. Cependant cette mesure est rendue plus difficile dans la mesure où, selon les instructions du RSHA, les Polonais doivent mourir naturellement, contrairement aux mesures appliquées aux juifs. »

Les camions à gaz eux-mêmes furent employés, comme le prouve cette lettre du SS-Obersturmbannführer Walter Rauff à l’Institut de technique criminelle du 26 mars 1942 : « Je serai prêt à mettre un de ces camions spéciaux à la disposition du camp de concentration de Mauthausen pour un temps déterminé. (…) Mais, comme je suppose que le camp ne peut pas attendre indéfiniment la livraison, je demande qu’on fasse livrer des bouteilles d’acier de monoxyde de carbone ou d’autres moyens auxiliaires nécessaires à la mise en œuvre. »

Le même Rauff reçoit une note secrète adressée par Willy Just, le 25 décembre 1942, qui lui expose les faits suivants : « Depuis décembre 1941, par exemple, on en a traités 97 000 avec trois voitures dont le fonctionnement n'a révélé aucun défaut. L'explosion qui, comme on sait, a eu lieu à Kulmhof doit être considérée comme un cas isolé. C'est à une erreur de manipulation qu'il faut en attribuer la cause. Des instructions spéciales ont été adressées aux services intéressés pour éviter de tels accidents. Les instructions données ont augmenté considérablement le degré de sécurité. »

Tout ceci n’empêche pas le distingué Faurisson de soutenir tranquillement, dans son texte-testament intitulé Les Victoires du Révisionnisme que que « jamais Hitler n’a ordonné ou permis qu’on tue une personne en raison de sa race ou de sa religion »  ! Peut-on proférer une contre-vérité plus effarante ? 

Rappelons qu’Hitler ne s’est pas contenté d’appeler à la liquidation des juifs dans son discours de janvier 1939. Le 30 janvier 1942, il proclamait au Palais des Sports de Berlin : « Le  résultat de cette guerre sera l’anéantissement des juifs. » Son discours du 24 février suivant fut de la même veine : « Ma prophétie s’accomplira, ce n’est pas l’humanité aryenne qui sera anéantie par cette guerre, mais bien le juif qui sera exterminé. »

Puisque j’ai sorti les cartes d’Hitler et Goebbels, il me reste à mettre sur la table le joker, Heinrich Himmler, maître de la SS. Devant un parterre d’officiers supérieurs de la SS à Poznan, il déclara, le 4 octobre 1943 : « Je me réfère à présent à l'évacuation des juifs, à l'extermination du peuple juif. C'est une des choses qu'il est aisé d'exprimer : "Le peuple juif est en train d'être exterminé," déclare chaque membre du Parti, "Effectivement, c'est une partie de nos plans, l'élimination des juifs, l'exterminationnous l'accomplissons... peuh ! Une bricole ! Et puis ils viennent, 80 millions de braves Allemands, et chacun a son ‘bon’ Juif. Evidemment, les autres, ce sont des porcs, mais celui-là, c'est un Juif de première qualité. Pas un d'eux n'a vu [les cadavres], pas un n'était sur place. La plupart d'entre vous savent ce que c'est que de voir un monceau de cent cadavres, ou de cinq cents, ou de mille. Etre passés par là, et en même temps, sous réserve des exceptions dues à la faiblesse humaine, être restés corrects, voilà ce qui nous a endurcis. C'est là une page de gloire de notre histoire, une page non écrite et qui ne sera jamais écrite. » 

Le 6 octobre, le Reichsführer-SS poursuivait devant le même auditoire : « Je vous demande avec insistance d'écouter simplement ce que je dis ici en petit comité et de ne jamais en parler. La question suivante nous a été posée: ‘Que fait-on des femmes et des enfants?’ - Je me suis décidé et j'ai là aussi trouvé une solution évidente. Je ne me sentais en effet pas le droit d'exterminer les hommes - dites, si vous voulez, de les tuer ou de les faire tuer - et de laisser grandir les enfants qui se vengeraient sur nos enfants et nos descendants. Il a fallu prendre la grave décision de faire disparaître ce peuple de la terre. » 

Himmler déclara également le 5 mai 1944 devant des généraux de la Wehrmacht : « Le Führer l’avait annoncé aux juifs, au début de la guerre ou avant la guerre. "Si vous poussez encore à la guerre les peuples d’Europe, cela ne signifiera pas l’extermination du peuple allemand, mais l’extermination des juifs’ (…) Vous pouvez comprendre combien il m'a été difficile d'exécuter cet ordre ».

Le 21 juin 1944, il avoua, dans le centre de formation politique de Sonthofen, les difficultés qu’il avait rencontrées en accomplissant cet ordre : « Ce fut la tâche la plus affreuse et la mission la plus terrible qui furent jamais assignées à une organisation : la mission de résoudre la question juive. J’ai également quelques paroles à adresser en toute franchise à ce cercle. Il est bon que nous ayons eu la force d’exterminer les juifs sur notre territoire. Ne vous demandez pas à quel point cela fut pénible, même si en tant que soldats, je dois dire que vous êtes capable de comprendre à quel point il est difficile d’exécuter un tel ordre. » 

S’il n’existe aucun document appelant au génocide des juifs portant la signature d’Hitler, ni un décret édictant leur anéantissement, les sources sont nombreuses qui prouvent, sans l’ombre d’un doute, que les autorités allemandes voulurent massacrer massivement les juifs européens par tous les moyens, y compris par le gaz, et que ces massacres furent décidés par la Chancellerie du Reich. Faurisson s’est copieusement trompé sur les intentions d’Hitler ainsi que sur la réalité des massacres systématiques et des gazages.

Depuis des années, le « professeur » avait commis bien d’autres sortes d’erreurs, d’interprétations tendancieuses et de contre-sens grossiers dans ses articles. Lisons ce qu'il écrivit en 1998 à propos du siège de Massada qui se déroula en l’an 73 dans le désert de Judée : « Je citais l'exemple de Massada, écrit-il. Selon une légende juive, les juifs qui avaient trouvé refuge dans cette forteresse de la mer Morte, opposèrent une farouche résistance armée aux Romains qui venaient, en 70 de notre ère, de détruire Jérusalem. Au XXe siècle, des fouilles archéologiques entreprises sur place prouvèrent que ni le siège ni la bataille n'avaient eu lieu. Que croyez-vous qu'il arriva alors ? Le mythe de ‘Massada’, ce sanctuaire de la résistance du peuple juif et de ses martyrs, n'en devint que plus vivace. Il en va de même pour Auschwitz. »

Oh ! La belle galéjade énoncée effrontément sur le ton assuré de l’universitaire sûr de son fait ! En réalité, les fouilles archéologiques menées en Israël ont prouvé que  le siège et la bataille de Massada ont eu lieu.  S'il existe une légende concernant Massada, c'est celle prétendant que les juifs de la forteresse se seraient suicidés face aux armées romaines commandées par le légat Lucius Flavius Silva. Sur ce point, il y a débat, de même que sur la qualité morale des combattants. Mais nul historien ou archéologue n'a remis en question le siège ni la bataille de Massada ! Toutes les fouilles auxquelles les professionnels ont procédé depuis les années soixante attestent que ce siège et cette bataille se sont déroulés, ainsi que l’historien antique Flavius Josèphe l’avait rapporté. On observe encore aujourd’hui, sur place, le camp de la Légion X Fretensis et les vestiges de la rampe d'accès de cent mètres de haut, construite par les Romains pour accéder à la forteresse défendue par les Sicaires rebelles !

C’est cependant une autre affaire qui allait sceller la rupture entre « le professeur » et moi.

*

En attendant que se tienne le procès que la LICRA et le Parquet nous avaient intentés pour Un Homme, j’avais convenu avec Faurisson d’écrire un livre sur le révisionnisme avec ce qu’il me resterait de la somme accordée par le mécène du reportage, que je destinais à l’accomplissement de divers voyages dans les camps. Il était entendu que je resterais libre de livrer au public les conclusions auxquelles je parviendrais. Faurisson, bien entendu, ne doutait pas un instant qu’elles seraient comparables aux siennes. Entre nous, nous avions baptisé le projet Black Box ou Archimède.

Je devais tout reprendre à zéro. Avec le temps, je m’étais davantage intéressé à la question de la liberté d’expression de Faurisson qu’à l’examen de ses thèses, dont je savais que beaucoup d’entre elles étaient taillées en pièces à l’étranger. Au fond, qu’y avait-il de vrai dans ce qu’il disait ? Y avait-il seulement du vrai ? Ayant mes propres recherches à effectuer, mes livres et mes articles à publier, je n’avais jamais écrit le moindre papier ni entamé d’enquête d’envergure sur le sujet. Les rares fois où, avec mes compères du CZ, je lui avais demandé des documents précis, il me les avait fournis aimablement.

Un immense travail m’attendait dont j’ignorais où il allait me conduire. Ayant conscience des limites de Faurisson, davantage porté sur le militantisme que sur la patiente étude, je savais toutefois en mon intime que le résultat ne lui conviendrait point nécessairement (euphémisme).

Faurisson eût aimé que je consacrasse un gros livre à l’ensemble des camps nazis. Belle idée en théorie, ce travail était en réalité impossible à réaliser. Pour parvenir à rédiger un ouvrage aussi imposant, il m’eût fallu passer dix ans en études diverses et variées. En y réfléchissant, je fus stupéfait de constater que Faurisson lui-même, toute sa vie durant, malgré ses six gros volumes d’Écrits révisionnistes et la publication de plusieurs livres portant sur divers aspects de la Shoah, s’était contenté de composer de menues monographies, d’écrire des articles et des bouts de démonstration sans chercher à faire le tour de la question. Il n’avait jamais cherché à dégager la synthèse magistrale d’un sujet qu’il était supposé maîtriser mieux que tous les historiens du monde réunis. Non, il attendait que je le fisse ! Il est vrai que, contrairement à lui, j’étais diplômé en histoire.

Quoi qu’il en soit, je ne pouvais décemment pas me contenter de recopier gauchement ses articles, de les récrire à ma sauce et de les enfiler bout à bout comme les nouilles d’un collier de maternelle pour confectionner un livre que je présenterais à mes lecteurs comme le fruit de mon labeur personnel. Il me fallait circonscrire un sujet et y travailler d’arrache-pied, sans écouter rien ni personne, ne faisant confiance qu’à mon esprit critique et à ma méthode cent fois éprouvée, comme je le fais lorsque je me plonge dans mes propres études.

Je décidai de commencer par le début : Auschwitz 1. Faurisson me fit savoir qu’il connaissait deux jeunes Belges, spécialistes de ce domaine. Dans ce camp, ils avaient récemment eu accès à des archives non exploitées. Ils étaient revenus de Pologne avec des documents qui, me promettait-il, réduisaient enfin à néant la thèse officielle sur ce camp. « Réduisaient enfin à néant » ? Ma première surprise fut de constater que Faurisson n’avait pas la preuve de ce « néant » qu’il ne se privait pas de claironner urbi et orbi depuis quarante ans. Lui fallait-il compter sur ces nouveaux matériaux découverts par des personnages sortis de nulle part pour justifier sa théorie ? Curieux ! Intrigant. Suspect…

La seconde surprise fut moins bonne encore. Nous prîmes rendez-vous à Vichy à la fin du mois de mai 2013. Les jeunes gens, fort sympathiques, par ailleurs lecteurs et sympathisants de Michel Collon, me confièrent leur documentation au domicile de Faurisson. Je passai la nuit à travailler dessus dans ma chambre d’hôtel, stylo en main, sans parvenir à fermer l’œil. J’avais à mes côtés, comme soutien logistique, le dossier que Faurisson possédait sur Auschwitz 1 et qu’il m’avait remis la veille au soir dans son bureau, situé au sous-sol de sa villa. Un dossier de… trois pages ! Dans cette chemise en papier ne se trouvaient que de courts extraits d’articles et de livres, dont les auteurs avaient d'ailleurs changé d'opinion par la suite, comme Olga Wormser-Migot, ainsi qu’une citation se référant à Pierre Vidal-Naquet, dont il sera question plus loin. Imagine-t-on le calibre de ma stupéfaction ? 

Au petit matin, je restai abasourdi par le résultat de ma nuit blanche. Les points d’interrogation et d’exclamation marqués en rouge vif barraient les pièces éparpillées sur mon lit. Les fichiers des Belges posaient bien plus de questions qu’ils n’en résolvaient. Quant aux arguments de Faurisson, exposés en quelques malheureuses lignes sur des feuilles volantes, ils ne valaient pas un clou !

Dès mon arrivée au domicile du Vichyssois, je fis part de mon grand désappointement au professeur et aux visiteurs belges. J’étais d’humeur sombre. Faurisson, éberlué par mes remarques auxquelles il ne s’attendait pas, se claquemura dans un silence gêné. Il était visiblement effaré. J’eus soudain affaire à un vieillard recroquevillé, blême, s’enfonçant sur une chaise de sa salle à manger, incapable de répondre à la plus anodine de mes questions. Pour la première fois de sa vie, il était muet !

Le malaise était palpable. Ne semblant pas prendre conscience de la gravité de la situation, les Belges continuaient naïvement de défendre leur copie avec entrain, mais il était devenu patent Faurisson lui-même n’y croyait plus (ce dont il conviendra plus tard). Il était perdu dans ses pensées, dans les fumées d’Auschwitz, au-delà des nuages gris de Pologne.

*

Dans cette ambiance tendue, chauffée à blanc, je soulevai une banale question qui allait mettre Faurisson en fureur. Pas sur le coup, puisqu’il eut une réaction discrètement dilatoire - mais il n’allait y répondre qu’avec retard, par mail, et prouver involontairement qu’il avait de nouveau interprété un texte au gré de sa fantaisie.

Dans le tome II de ses Études révisionnistes, Faurisson affirmait que son ennemi juré, Pierre Vidal-Naquet, avait avoué que la chambre à gaz d’Auschwitz 1 était fausse : « Dans son dernier ouvrage, Les Assassins de la mémoire, Vidal-Naquet, (…), avait-il écrit,  la plus intéressante concession est celle qui porte sur Auschwitz-I : Vidal-Naquet ne croit plus à l’authenticité de la chambre à gaz de ce camp (...) p. 131-132 et note 94 de la p. 214. ».

Il poursuivait sur sa lancée dans son tome III en écrivant que « Pierre Vidal-Naquet ne parait pas croire qu’il a existé là une chambre à gaz homicide » (p. 1179 de l'édition non cartonnée).

Seulement, énorme hiatus, je ne voyais pas un tel aveu de Pierre Vidal-Naquet figurer dans ses Assassins. Comme tout un chacun, l’historien de la Grèce antique y évoquait une réfection de la chambre à gaz survenue après la guerre. Mais entre admettre le rafistolage d’un local et soutenir qu'il n'y a pas eu de gazage homicide dans ce même local, il y a une sacrée marge ! Ce n’est pas parce que l’on procède chaque année à des restaurations dans les appartements du château de Versailles que Louis XIV et Madame de Maintenon n’y ont pas vécu. Quand on ravaude une paire de chaussettes, on ne nie pas l'existence desdites chaussettes !

J’insistai auprès de Faurisson pour savoir s’il existait une déclaration de Vidal-Naquet lui ayant permis d’écrire qu’il « paraissait croire » qu’Auschwitz 1 ne possédât pas de chambre à gaz. Sa réponse tint en une ligne, sans l’accoutumée formule de politesse : « Il ne me semble pas qu'il ait existé de déclaration "plus définitive" de la part de PVN. » Punto finale !

Ainsi, jamais Vidal-Naquet n’avait prétendu ce que Faurisson lui faisait dire, à savoir qu’Auschwitz 1 ne possédait pas de chambre à gaz. Vidal-Naquet n’avait pas « paru croire » que ce camp ne disposait pas d’un tel équipement : c’est au contraire Faurisson qui avait « paru croire » que Vidal-Naquet avait « paru croire » une telle chose ! L’autoproclamé champion de la non-interprétation des textes, l’inventeur de la « méthode Ajax » censée soumettre le lecteur à la toute-puissance du texte – du saint texte, du texte avant tout, bon sang de bois ! – s’était gravement mépris sur une phrase toute simple qu’il avait employée pour soutenir une grande partie de son raisonnement.

Faurisson refusa de me concéder son erreur et, de manière sèche, éconduit toute nouvelle discussion sur le sujet.

Le pompon de cette triste affaire fut que l’un de nos deux Belges allait se faire surprendre quelque temps plus tard, sur sa messagerie Facebook, en train de tenir des propos plus ou moins révisionnistes. Compte tenu de sa profession (publique), un scandale éclata. On le vit passer dans les journaux, faire platement résipiscence et jurer ses grands dieux avoir vu de ses yeux vu des chambres à gaz à Auchwitz ! Il déclara piteusement : « Glacé par la sophistication des méthodes de gazages des juifs, j'avais tenu à prendre une série de clichés (joints à la présente) des chambres à gaz, afin de pouvoir témoignerà mon retour en Belgique, auprès de mes amis de l’horreur de ce que j’avais pu voir sur place. La circonstance-même que j’ai tenu à photographier et à montrer ces chambres à gaz, prouve évidemment que je suis tout le contraire d’un négationniste. (...) Effrayé par l’irrespect de mon propre propos, j’ai, immédiatement après, rectifié les choses, en postant un nouveau message, dans lequel j’écrivis que je m'étais rendu à Auschwitz, que j'y avais vu les chambres à gaz et qu'il n'y avait pas matière à débat sur cette question, ce qui prouve donc bien que je ne suis nullement négationniste. »

Quelle dégringolade ! Oh, quelle mascarade, quel corso carnavalesque ! Que voilà une jolie histoire belge !

Il est peu de dire que j’avais désormais les plus gros doutes sur la solidité du dossier faurissonien. En mon for intérieur, il n’en restait plus pièce sur pièce. J’étais persuadé qu’il s’était totalement fourvoyé et avait entraîné derrière lui une cohorte de militants embobinés. Son combat pour la liberté de recherche avait été édifiant. Par contre, l’ambition démesurée qu’il avait affichée pour l’établissement d’une histoire impartiale avait abouti à un échec sur toute la ligne.

Par acquit de conscience,  je partis travailler au calme, à Venise, durant deux mois, avec trois valises garnies d’ouvrages révisionnistes. À l’aéroport de Roissy, un douanier d’origine africaine me les fit ouvrir. En considérant avec stupeur le contenu, il me lança, tout ébaudi, avec un magnifique sourire aux dents immaculées : « Je n’ai jamais vu autant de livres de ma vie ! » Des livres interdits par la loi encore moins, à coup sûr !

À mon retour à Paris, je m’étais fait à l’idée que si jamais j’écrivais le livre prévu  sur le révisionnisme, il ne serait rien d’autre qu’un développement de la pensée qui se dégage des lignes que je viens d’écrire. Il ne serait pas faurissonien.

Pour me forger un avis définitif, je partis en voyage d’étude à Auschwitz durant une semaine, accompagnée d’E. H. une amie détentrice d’une carte de presse, sésame facilitant l’ouverture de portes ordinairement closes aux curieux. En revenant, je passai par le camp de Dachau, en Allemagne, et celui de Natzweiler-Struthof en Alsace, que j’avais déjà visité le dimanche 14 juillet 1996 avec Éric C., un ami d’enfance, et ma fiancée. Dans ce dernier camp, on me répéta ce que j’y avais entendu dire dans les années quatre-vingt dix, à savoir qu’il ne s’agissait pas d’un camp d’extermination, que seuls quatre-vingt-six individus juifs y avaient été gazés dans une chambre conçue à cet effet. Or bien que j’en aie informé depuis longtemps Faurisson, qui doutait d’ailleurs que nous ayons pu pénétrer dans la chambre à gaz dans les années quatre-vingt en jurant ses grands dieux qu’elle était interdite de visite au public, il s’enflammait sur cette question comme si les autorités affirmaient que cet endroit était un « Auschwitz français ». Encore une dramatique erreur.

Durant ces voyages, j’interrogeai les archivistes, je fis connaissance avec le terrain, je pris quantité de notes et de photographies pour les confronter aux assertions des ouvrages « révisos » que j’avais dévorés à Venise. Une fois cette besogne effectuée, il n’y avait plus à ergoter, mon siège était fait. La thèse de Faurisson était une foutaise ! À mon retour, je me débarrassai à vil prix de tout un pan de ma bibliothèque consacrée à la Seconde Guerre mondiale. Emmanuel Ratier irait brader ces livres dans la librairie qu’il tenait au n°4 de la rue de Clichy, à Paris.

Pour laisser à Faurisson une ultime chance de s’expliquer, je ne lui annonçai pas aussitôt mes conclusions, mais je lui posai question sur question. Je le testai. Il ne me répondit qu’avec distance, de mauvais poil, repoussant sa défense en prétextant des voyages, des trous de mémoire, sa santé fragile ou celle de sa femme. Comme je tardai à lui remettre le manuscrit prévu, il commença à se douter qu’il y avait anguille sous roche. Tantôt il prenait son mal en patience, tantôt il paraissait courroucé. Il se vengerait insidieusement lors de la seconde partie de notre procès.

On peut ainsi considérer que Black Box, le livre si longtemps attendu par « le professeur », n’est autre que le chapitre que vous, Lecteur, tenez actuellement entre les mains. Il ne correspond pas aux attentes de son commanditaire, j’en suis désolé pour lui, mais il s’agit de la synthèse irrécusable à laquelle m’ont conduit mes recherches. Peut-être demanderai-je à mon éditeur d’en publier un tiré à part, contenant des ajouts pour les questions de détail, avec les documents saisis sur place. Nous pourrions l’intituler « Le Cas Faurisson – Démystification d’un démystificateur ».

Case closed.

*

En 2015, il me restait à préparer le procès d’Un Homme, qui devait se dérouler le 16 juin dans l’après-midi, devant la XVIIe Chambre du Tribunal correctionnel de Paris. Qualification : « complicité de contestation de l’existence de crime contre l’humanité par parole, écrit, image ou moyen de communication au public par voie électronique. » Mâtin, ce n’était pas de la petite bière ! Pour le premier procès de ma vie (mon casier judiciaire est vierge), je débutai fort.

J’étais assisté pour l’occasion du calamiteux Maître Sébastien Courtoy, arrivé de Bruxelles en vélo ou en trottinette, je ne sais plus, mais en tout cas sans avoir eu le temps de passer un coup de peigne dans sa tignasse de noctambule, ni compulsé un dossier dont il semblait se ficher du tiers comme du quart. Un singulier spectacle pour lequel ce drôle de zig, sans autre compétence connue que celle de parler de lui en usant des termes les plus fleuris, me fit payer la coquette somme de 8 000 euros.

Dans le box des accusés figuraient Faurisson, Marc George (jugé pour diffusion alors que le pauvre hère était innocent comme l’agneau qui vient de naître) et votre serviteur. Pour gagner ce procès haut la main, il m’eût suffi de faire amende honorable et de fournir à la présidente Fabienne Siredey-Garnier le bilan de mes dernières recherches sur le « professeur » et ses positions irrecevables. La LICRA m’eût porté sur le pavois. Il m’apparut toutefois que c’eût été fort peu gentilhomme de ma part. Une victoire à ce prix aurait eu un goût amer.

Quand l’idée du reportage m’était venue à l’esprit, Faurisson avait été d’accord avec le principe de ne pas fabriquer une hagiographie artificielle. Nous devions nous concentrer sur le fait qu’il était un homme et non un saint ni le diable. C’était tout. D’où le titre – qui m’avait été fourni par Yann Moix à qui je m’étais ouvert du projet. (Plus tard, nouveau mensonge, Faurisson jurerait avoir trouvé le titre lui-même alors que je possède encore le mail du 12 octobre 2012 dans lequel il accepte ma proposition).

En attendant, ce documentaire avait été aussi objectif que possible, pas davantage à charge qu’à décharge. C’était un reportage décent, affable, destiné à devenir le support éventuel d’un débat contradictoire. En 2012, j'avais envoyé un e-mail au professeur Henri Broch, ex-président d’honneur du CZ, afin de lui soumettre l’idée de proposer Un Homme à la critique zététique de ses étudiants. Nous aurions ainsi eu notre débat. Faurisson avait approuvé l’expérience, bien que je doute qu’elle ait jamais eu lieu, n’en n’ayant plus entendu parler.

Dans un message du 20 août 2012, le « professeur », prenant la parole à ma place, m’avait suggéré une façon adroite de présenter notre film : « J’ai voulu donner la parole durant une heure et demie à un homme auquel depuis 1974, on a, à de rarissimes exceptions près, refusé l’accès aux médias. J’ai voulu montrer le Diable, le Monstre, le premier représentant en France après Paul Rassinier, des "fortes têtes du mensonge", des "gangsters de l’histoire" (Le Monde, 5-6 juillet 1987, p. 31). En pareil cas, un débat ne peut s’instituer, ou une véritable compréhension du personnage ne peut avoir lieu, qu’à partir du moment où le perpétuel accusé a été entendu. Le public de la télévision savait ce qu’on disait que M. Faurisson avait, paraît-il, dit, mais il continuait largement à ignorer ce que M. Faurisson avait à dire, lui, en personne. Mon film était une sorte d’ ‘Accusé, levez-vous et dites ce que vous avez à dire’ ».

C’est exactement ce que je fis. La forme correspondait au fond et, à la barre, je tins à respecter scrupuleusement les termes du contrat moral dont nous étions convenus.

Le procès de juin dura dix heures. Il prit fin peu avant minuit. Alors que j’avais refusé de répondre aux questions des policiers du commissariat de la rue du Château-des-Rentiers lors de ma convocation, je parlai cette fois pendant plus de deux heures, sans éluder la moindre question, sans accabler non plus Faurisson, en maintenant haut et fort ma condamnation de la loi Gayssot. Je narrai avec acribie tous les détails connus et inconnus de l’histoire d’un film devenu mythique. N’ayant pas été convoqué selon les règles, je comparaissais volontairement.

Extraits des notes d’audience officielles :

Blanrue : J’assume totalement ce film. (…) Moix m’a encouragé à la faire. J’ai eu la réaction de Moix à la sortie du film, il m’a dit : « Excellent, il n’y a aucun racisme ».

La Présidente : Quand Faurisson dit dans votre film « Je ne crois pas aux chambres à gaz », ça ne pose pas de problème ?

Blanrue : Non, pourquoi ? Si je pose la question à n’importe qui : « Que pense le Professeur Faurisson ? », on va ma répondre : « Il ne croit pas aux chambres à gaz nazies ! » (…) L’idéal pour moi c’eût été un débat pour prolonger ma démarche sur la loi Gayssot.

Tout ce que je soutins à la barre était le reflet de la stricte vérité. En sortant de la XVIIe Chambre, je répondis à diverses interviews, sous l’œil des caméras de l’ex-dissidence, à côté d’un Faurisson tout miel, à qui je passais de la pommade en le qualifiant d’homme « courageux et héroïque » - ce qu’il fut bien, en un sens, puisqu’il eut à supporter, durant des décennies, les assauts indignes des ligues de vertu et les effets sur son parcours professionnel d’une loi liberticide. Plus tard, lorsque nous aurions rompu, il aurait l’audace de prétendre que j’étais sorti de la salle sans le saluer, alors que les images diffusées sur Youtube prouvent le contraire. Irrécupérable.

Cette première instance ne me valut pas la moindre réprobation de Faurisson, ni privée ni publique. Durant l’été, il me félicita chaudement par mail de la « Lettre ouverte » à Moix que je publiai sur le blog du Clan des Vénitiens où je taclais l’écrivain-réalisateur en faisant référence au « professeur » qu’il connaissait bien davantage qu’il ne le laissait croire. Nous gagnâmes notre procès quelques mois plus tard. La LICRA jeta l’éponge, mais le Parquet fit appel. Rendez-vous fut fixé au 17 mars 2016.

*

Les ennuis s’accumulèrent à peu près au même moment. Au mois d’août 2015, j’avais accepté de rédiger bénévolement la préface du livre de Salim Laïbi consacré à Soral, Le Mythomane - La face cachée d’Alain Soral (Fiax Lux, 2015). Aussitôt, Faurisson en fut horrifié. Bien que « Le Libre Penseur » ait inlassablement soutenu sa liberté d’expression et celle de Vincent Reynouard, y compris lors d’une conférence en région parisienne où j’étais intervenu en compagnie de Maître John Bastardi Daumont, « le professeur » me dit tout le mal qu’il pensait de cette personnalité haute en couleur et de son ouvrage critique, pourtant abondamment référencé, ajoutant : « Je ne peux pas vous suivre sur ce terrain ». Pensez donc ! Il n’avait jamais pu encadrer Soral dont le nombrilisme, pareil au sien, le rebutait passablement, mais voilà, après avoir, durant des années, été plus que réservé au sujet du révisionnisme, E&R s’était aperçu qu’il y avait un public pour ce genre de thèses et lui faisait une promotion de tous les diables. « Le buzz pour le biz » ! Bien que méprisant Soral, Faurisson appréciait le pont d’or qu’il lui offrait. Enflé de superbe, il bichait. Il reluisait.

Un jour que je l’avais trouvé tout dépité dans le salon de son pavillon de Vichy et que je lui demandais quelle mauvaise nouvelle venait de lui tomber sur le râble, sa femme m’avait répondu du tac au tac : « Il s’ennuie, Monsieur ! Depuis une semaine personne n’a parlé de lui sur Internet ! » On ne la lui faisait pas, à Mme Tuloup, épouse Faurisson. Le vilain petit secret du « professeur », depuis l’affaire du Zénith et la diffusion d’Un Homme, c’était sa quête éperdue de notoriété, le désir de retrouver le statut qu’il avait acquis au début de sa carrière scandaleuse et perdu ensuite. Il avait la mentalité des stars déchues de la chanson des années soixante-dix qui cherchent à faire leur come-back grâce à la tournée « Âge tendre et tête de bois ». Robert Faurisson, Patrick Juvet, même combat !

D’autre part, Soral était cul et chemise avec Dieudonné, et les sketches (pas drôles) que Faurisson et ce dernier tournaient régulièrement à la Main d’Or lui permettaient de montrer sa trombine et de faire étalage de son humour à froid (qui, pour le coup, me laissait vraiment froid, comme je ne m’étais pas privé de le lui signaler).

Peut-être Faurisson est-il ce « délirant paranoïaque avec préoccupation monomaniaque » que m’avait décrit, il y a des années, le Dr Marcel-Francis Kahn, membre d’honneur du CZ, lorsque nous parlions de son affaire. Mais le côté cabot de Faurisson n’a pas été suffisamment analysé. Il explique beaucoup plus de choses qu’on ne le croit. Le « professeur » est un danseur de claquettes contrarié.

C’est vers cette époque qu’il changea d’avocat pour engager Maître Damien Viguier, le cauteleux avocat de Soral, lequel n’avait pas apprécié non plus ma préface au livre de Laïbi (elle n’avait pas été écrite pour lui plaire, ceci expliquant cela). Durant des mois, Viguier appela sur le Net, dans des vidéos grotesques de propagande primaire, à transformer mon procès en un grand cirque tel qu’Égalité & Réconciliation a pris l’habitude d’en monter dès que cette association sent qu’elle peut en récolter quelque butin.

Viguier ne prit pas la peine de m’informer de ses intentions ni de connaître les miennes. Il convient de savoir que lorsque je l’ai rencontré pour la première fois, au moment de la sortie d’Un Homme, cet avocat qui se présente aujourd’hui, avec des trémolos dans la voix, comme le fer de lance de la lutte contre la loi Gayssot et le Don Quichotte de la liberté d’expression, avait refusé de prendre ma défense. Il n’avait pas davantage signé ma pétition. Il ne s’en vante guère. Il ne se glorifie pas non plus d’avoir laissé tomber son client, Marc George, à l’automne 2015, entre la première instance et le verdict.

Vu son passif, je n’avais nulle confiance en lui. La façon dont il instrumentalisait mon film pour le travestir en grossière publicité pour son groupuscule politique, alors que le site d’E&R n’avait pas eu le cran de le diffuser lors de sa sortie, n’était pas celle que j'avais choisie. Étant le réalisateur du reportage, j’en connaissais bien mieux que lui les arcanes. Comme conseiller juridique, avocat et proche de Soral, avec qui mes désaccords étaient publics,  il était la personne la moins qualifiée pour intervenir dans un procès où j’était mis en accusation. Estimant qu’en sa présence mes intentions seraient déformées, je choisis de ne pas comparaître devant le tribunal qui instruisait cette affaire. Que cela plaisait ou non à Faurisson m’importait peu. Chacun mène sa défense comme il l’entend.

Je savais par ailleurs que mon nouvel avocat, Maître Paul Yon, avait trouvé la parade pour gagner. Une botte secrète ! Il avait relevé des erreurs de procédures qui annulaient toutes les citations. Nous avions gagné avant même que de comparaître.

Nous l’emportâmes grâce à sa subtile stratégie et non du fait des gesticulations maladroites et vulgaires de Viguier et des imprécations périlleuses de Faurisson, dont j’avais pu m’apercevoir avec stupeur, en première instance, qu’avec l’âge ses énervements surjoués, drôles jadis, le faisaient fumer de rage, s’empourprer et rosir comme une langouste passée au court-bouillon. Pathétique, assurément.

*

Caméra au poing, le frétillant Vincent Lapierre joua le rôle que Soral lui avait assigné. Au sortir de l’audience, Faurisson, profus, lui déclara avec une tangible délectation qu’au mois de juin précédant, soit dix mois plus tôt, j’aurais « osé dire : ‘Oui, j’ai interrogé Faurisson comme j’ai interrogé Uri Geller’, qui est l’homme qui fait se déplacer par la pensée les petites cuillères. Alors, il paraît que moi, je suis un trompeur, de la même façon. Vous comprenez ? ” »

Rappelons qu’Uri Geller est un illusionniste d’origine israélienne qui prétend tordre les cuillères et autres métaux par la seule force de sa pensée. Gérard Majax l’avait magistralement démystifié lors de l’émission Droit de réponse de Michel Polac en mars 1987. Ainsi donc, moi qui avais choisi, par élégance, l’apaisement avec Faurisson à l’occasion de ce procès, j’aurais déclaré à la barre qu’il était un truqueur historique comparable à un truqueur parapsychologique ? C’était le monde à l’envers. Que ne le fis-je, en effet, puisque, de fait, j’étais parvenu à la conclusion que ce sont deux imposteurs comparables ? Mais j’avais choisi de me défendre différemment, dans l’honneur (notion périmée), sans accabler Faurisson, me réservant le droit de dire ce que je pensais de lui une fois le procès gagné, lorsque je serais libre et non contraint.

Ayant suivi les dix longues heures de témoignages et plaidoiries de cette audience, mon lecteur et ami Louis-Egoïne de Large, dont il fut parlé plus haut, rédigea un texte accablant pour le révisionniste vichyssois. Il y certifia avoir entendu l’exact contraire de ce que celui-ci avait assuré dans la vidéo de ER-TV. Ce texte au ton volontiers pamphlétaire rapportait en outre leur dernière rencontre à l’occasion du dîner offert par Jérôme Bourbon pour les soixante-cinq ans de l’hebdomadaire Rivarol, où de Large tenta de confondre le bonisseur, ne trouvant pour toute réponse qu’un Faurisson fuyant et le faisant vertement éconduire par son service de sécurité ! De Large de conclure avec ironie : « Il ne faut donc visiblement plus se demander pourquoi Faurisson a raison, il a raison parce qu'il est Faurisson. Tel est le point de départ obligé de tout questionnement sur ce sujet. »

Le but de cette fantaisie littéraire était de pousser le hâbleur à réagir, ce qu’il fit dans une réponse datée du 22 avril 2016 et intitulée : « À Louis-Egoïne de Large (…) disant habiter Cochons-sur-Marne ».  Non content de ne pas saisir la référence à Léon Bloy, dont Louis-Egoïne affectionne la lecture (c’est ainsi que l’auteur de l’hilarante Exégèse des Lieux Communs nomme dans son Journal la commune de Lagny-sur-Marne, où il réside quatre années durant), Faurisson y réitéra son grief en racontant comment, selon lui, s'était déroulée la première instance. Il écrivit :

« Il (Blanrue) va jusqu’à dire que, pour cette vidéo, il a interrogé Faurisson comme il avait interrogé Uri Geller (un charlatan israélien bien connu pour faire plier des petites cuillères par la seule force de sa pensée et par son regard). Peut-être va-t-il, enfin, ajouter, comme il en a l’habitude quand il est ailleurs que devant les juges, que, s’il a pris Geller en flagrant délit de mensonge, il n’a, en revanche, ‘jamais surpris Faurisson en flagrant délit de fraude ou de mensonge’. Hélas il s’en garde bien. Ce jour-là, devant ses juges, de bout en bout, mon ami PEB ‘a tout fait pour prendre ses distances d’avec Faurisson’ : la formule n’est pas de moi mais d’un membre du barreau venu assister au procès et qui me confiera sa déception devant le comportement d’un homme qu’on imaginait moins fragile. »

Hélas pour lui, trois fois hélas, l'anecdote qu’il rapportait n’était qu’un vergogneux bobard. Un de plus. On ne les compte plus. Son affabulation est actée puisqu’un document officiel dont l’objectivité froide et inattaquable le prouve : il s’agit de la note d’audience de la première instance rédigée par le greffier du Tribunal correctionnel de Paris et contresignée par la présidente. Cette note figure dans le dossier. Il s’agit de la retranscription des propos tenus à l’audience. Un tel document, défini à l’article 453 du Code de procédure pénale, a vocation à retracer fidèlement les débats judiciaires.

On y trouve en toutes lettres ce que j’avais déclaré à la barre en juin 2015, une phrase scrupuleusement reproduite par Louis-Egoïne de Large dans son mail et contestée par Faurisson qui l’accusait d’avoir contrefait la citation : « J’ai tenté de démystifier Faurisson (…) Nous n’avons PAS réussi à le démystifier ».

Face aux questions de la présidente, j’avais rapporté qu’à l’époque du CZ, dans les années quatre-vingt dix, je n’étais pas parvenu, avec les rares collègues zététiciens qui s’intéressaient à l’affaire, à démonter l’imposture de Faurisson. C’était la pure et simple vérité.

Grâce à ces notes on pouvait également constater, que je n’avais pas comparé Faurisson à Uri Geller. Nulle part. À aucun moment. Pas une seule seconde. Jamais.

Faurisson avait donc menti. Il avait proféré à plusieurs reprises un mensonge indécent. Avéré ! établi ! prouvé ! démontré ! attesté ! assuré ! confirmé  ! et combien sournois ! Un mensonge public vérifié de part en part par une source irrécusable.

Grâce à la note d’audience à laquelle Faurisson, emporté par une frénésie de vengeance à mon encontre, n’avait pas songé à se reporter, croyant sans doute qu’elle n’existait pas (une manie ?), n’importe quel individu ayant appris à lire le français, n’importe quel esprit, fût-il le plus retors, pouvait se rendre compte que, n’en déplaise au malhonnête Vichyssois, j’avais prononcé la fameuse phrase que j’étais censé n’avoir pas formulée par « trouille », à savoir que nous ne l’avions pas démystifié jadis, et que, par ailleurs, je n’avais pas établi la comparaison avec Geller dont il m’accusait. Faurisson avait désinformé ses auditeurs et ses lecteurs en leur faisant croire qu’un Blanrue « fragile » avait agi selon un modus faciendi différent pour d’obscures raisons.

Cette fois-ci, Faurisson fut pris la main dans le sac à malices, en flagrant délit de bidonnage et de fabulation. Zéro pointé !

Dans la vidéo diffusée par ER-TV, Faurisson prononçait ces mots :

« Alors, il paraît que moi, je suis un trompeur, de la même façon (NdA : que Geller). Vous comprenez ? Peut-être que je le suis… Attention, hein, c’est pas exclu !  »

Non seulement, ainsi que Faurisson le concède avec le cynisme du roublard devant un public acquis à sa cause, il est un trompeur, mais sa tromperie de première catégorie est désormais mise en boîte pour la postérité.

Au crépuscule de sa vie, par cette monumentale calomnie, aussi grosse que le Generalfeldmarschall Göring au sortir d’un gueuleton arrosé, le farceur Faurisson a anéanti la réputation qu’il avait acquise chez certains. 

*

Pris à la gorge par les preuves s’accumulant contre lui, ne pouvant plus nier l’évidence, le « professeur » chercha à s’excuser auprès de moi. Il le fit dans un mail privé, signé du 23 avril 2016 et diffusé sur sa liste de diffusion personnelle comprenant une centaine d’adresses. Si je ne l’avais pas rendu public, nul n’en aurait jamais rien su. Le voici :

« Cher PEB,

Je vous ai accusé d'avoir, le 16 juin 2015 et en deux heures d'interrogatoire  par la présidente, omis de dire à cette dernière que vous ne m'aviez "jamais surpris en flagrant  délit de fraude ou de mensonge" (votre formule en une ou en plusieurs autres circonstances).

Or vous m'apportez aujourd'hui la preuve que vous aviez bel et bien  prononcé à mon sujet les mots suivants : " [avec deux autres personnes] nous n'avons pas réussi à le démythifier, je ne l'ai jamais pris en flagrant délit de mensonge".

Donc, loin de simplement citer mon nom à côté de celui d'Uri Geller, vous m'aviez  distingué de cet escroc.

Je vous en donne acte et je vous en remercie mais, honteux et confus de mon manque d'attention lors de cette épuisante journée, je vous prie de bien vouloir accepter mes excuses les plus sincères. 

Robert Faurisson, le 23 avril 2016 »

Fallait-il croire à la sincérité de ses excuses ? Les actes devaient suivre les écrits. Mais le « professeur » ne fit rien pour que la vidéo du pimpant Lapierre contenant sa scandaleuse tromperie disparût du Net. Il ne fit nulle rectification sur son blog et se refusa toujours à avouer publiquement qu’il m’avait accusé à tort. Louis-Egoïne ne manqua pas de souligner ce point dans la seconde lettre qu’il lui adressa, apportant maints arguments nouveaux discréditant totalement les assertions du tricheur qui l’accusait de n’avoir jamais produit la moindre « étude de caractère révisionniste » ni d’avoir jamais rien fait « pour la cause », alors qu’il lui avait dédicacé, avec l’emphase qu’on lui connaît, un exemplaire de son livre sur Rimbaud le 19 novembre 2011, à l’occasion du tournage au théâtre de la Main d’Or du sketch avec Dieudonné, Faurisson et moi-même (« en témoignage d’estime et aussi de reconnaissance pour son combat en faveur du révisionnisme »). Louis-Egoïne concluait son texte par cette pertinente question : « La recherche de la vérité ne doit-elle s'appliquer qu'à l'endroit de MM. Raul Hilberg, Otto Frank ou Elie Wiesel ? Faurisson peut-il en être exempt sous prétexte qu'il est Faurisson ? Il me semble que nous entrons dans une séquence où ces questions se posent. Libre à chacun d'y répondre en conscience. »

Faurisson est persuadé que se tromper n'est pas dans sa nature. Dans un récent entretien à Meta-TV, sur lequel je suis tombé par hasard en préparant cet ouvrage, il s’offre de nouveau le luxe de dire que je l’ai comparé à Uri Geller. Errare humanum est, sed perseverare diabolicum !

Dans la petite tête du « professeur », dont les raisonnements biaisés sont pellucides, lorsqu’on n'est pas d'accord avec lui c'est que l'on a peur. C'est que l'on plie le genou. C'est que l'on cherche à « réintégrer le système ».  Il ne lui vient pas à l'esprit que l'on peut avoir raison contre lui sur le terrain des faits et qu’il s’est leurré. Le doute qu'il puisse avoir tort ne l'effleure pas. Il ne prend point cette donnée en compte pour évaluer une contestation. Si l’on n’est pas sur sa ligne, on est un vendu. C'est ainsi qu'il s'y retrouve. C'est cette manière de (non) penser qui lui permet de ne jamais se remettre en cause sur aucun point. Il est le pape, il est infaillible. On ne croit pas pieusement à son catéchisme ? On est un hérétique (« par lâcheté », bien sûr). Il a en réalité le même état d'esprit que ceux qu'il dénonce.

La galaxie révisionniste fut informée de cette affaire par le biais du blog du Clan des Vénitiens. Silence général dans les rangs. On eût entendu un poil de la moustache d’Adolf tomber sur sa cravate. La plupart des supporters de Faurisson eurent le réflexe habituel des sectateurs d’un banal gourou. Règle n°1 : le Grand Gourou ne peut pas se tromper. Règle n° 2: le Grand Gourou a raison même quand il est prouvé qu’il a tort.

Le frère de Faurisson, Jean, son presque sosie, avec qui les médias le confondent souvent, osa émettre, comme alternative à ma réponse fracassante, une hypothèse ingénieuse : les notes d’audience que je produisais, bien que figurant au dossier, étaient fausses ! Il écrivit à Louis-Egoïne de Large : « Je ne serais pas autrement surpris que vous ayez organisé avec vos affidés cette note d'audience qui a sidéré le professeur et d'autres comme moi qui n'avons pas entendu ce passage. » Fichtre ! Mais alors il convenait de m’attaquer en justice pour faux et usage de faux. Ils s’en gardèrent. Dans une autre vidéo, datant de septembre 2016, « le professeur » déclara sur un ton badin que, d’une manière générale, les « notes d’audience ne valent rien ». Forcément. Surtout quand elles contredisent ses insidieuses allégations.

Divers collaborateurs et connaissances de Faurisson m’adjurèrent, « dans mon intérêt », de garder le silence sur cette affligeante affaire. M’interdire de parler comme la loi Gayssot leur interdit de le faire ? Ces messieurs rêvaient tout éveillés. Seul l’avocat historique de Faurisson, désormais à la retraite, Éric Delcroix, m’adressa un mail de félicitations pour avoir rivé le clou à son consternant ex-client. Il me fit part d’une autre menterie de ce voyou que j’ignorais mais qui ne me surprit guère. Je lui promis de conserver cette information par-devers moi.

Marc Laudelout, le directeur du Bulletin célinien, m’a fait parvenir récemment une énième preuve de la façon dont « le professeur » récrit le passé à sa convenance. Pierre Guillaume lui-même possède un sac postal entier des calembredaines de Faurisson, qui permettent, une fois enchâssés, de dessiner sa navrante personnalité. Tout ceci sera exposé tôt ou tard au public, pour en finir une fois pour toutes avec cette désolante escobarderie.

J’attendis longtemps la réaction de Vincent Reynouard pour lequel je m’étais plié en quatre lorsqu’il était embastillé. Elle ne vint pas. Sur le fond, il se contenta de rétorquer à Louis-Egoine de Large, le 19 avril 2016 : « Personnellement, que le professeur ait menti ou non dans l'affaire Blanrue, je m'en moque éperdument. » On aurait pu comprendre qu’une querelle personnelle ne l’intéressât pas, bien que la polémique eût largement dépassé le cadre du mouvement d’humeur opposant deux individus. Venant de quelqu’un qui passe sa vie à réclamer le débat, la vérité et la justice, la réaction était toutefois légère et n’était rien d’autre qu’une affligante pirouette. Car Reynouard, je le sais, n’ignore point la duplicité de Faurisson. Duplicité envers ses collaborateurs présents et passés ; duplicité envers ceux qu’il présente officiellement comme « héroïques » (quand on est d’accord avec un Faurisson on est « héroïque », lorsqu’on est en désaccord on est un « traître »).

Pour prouver ma bonne foi, je ne citerai que ce message privé, daté du dimanche 5 janvier 2014, à 20h50, dans lequel Faurisson décrit à sa sœur Yvonne, alias Bocage, ce qu’il pensait de Reynouard, dans son dos, tandis qu’il le couvrait d’éloges en public : « Vincent m'inquiète de plus en plus ! Il faudrait que je revoie son lamentable truc (…) As-tu remarqué qu'il dit "Jean-Hérold Paquis" comme "Paquisse" et "patatras" comme "patratasse" ! Il est détraqué. Et que veulent dire son national-socialisme catholique romain, son national-socialisme sans racisme, sa ferveur pour les petites Japonaises, son estime pour les délinquants Roms. Il pète du contentement de soi. On dirait Porcinet. »

Rideau !

*

Je viens d’énoncer des faits qu'un historien peut aisément se procurer lorsqu’il mène ses recherches en utilisant une méthode éprouvée, quand il travaille par ses propres moyens sans suivre un ligne édictée à l'avance et analyse des documents avec impartialité et non en se contentant d’interpréter les faits en fonction d'une thèse pré-établie qu'il serait par principe (pour ne pas désespérer Vichy ?) impossible, voire immoral, de remettre en cause. En accomplissant en toute liberté ma mission zététique sur un dossier que Faurisson était censé maîtriser à la perfection, j'ai découvert le pot-aux-roses. J'ai tiré un fil et le pull entier de Faurisson s’est défait, et son caleçon avec. Il s'est retrouvé à poil dans les rues de la ville thermale.

Je me suis banalement rendu compte qu'il fallait  réviser le révisionnisme. Faurisson n’a pas tordu de petites cuillers, mais il a tordu le cou à l’histoire.

Bien entendu, je re-signerais demain, sans barguigner, une pétition contre la loi Gayssot, s’il s’en présentait une. Je ne regrette pas d'avoir présenté Faurisson à Dieudonné. Cette rencontre au sommet a mis en relief les contradictions d’un système tartuffard qui vante la liberté et la refuse à ceux qui en usent. Jamais je ne soutiendrai que Faurisson doive se taire. Au contraire, je soutiens qu'il doit parler, en particulier pour répondre aux questions qui le font fuir.

Tel est le bilan que je tire de cette affaire. Tout le reste est fantasme, rumeur malveillante, fadaise pour militants au front bas, fake news, facebookeries.

Oui, Faurisson fut un homme. Il ne fut pas le diable gore dépeint par ses adversaires qui n’eurent jamais le courage de l’affronter face à face. Il fut aussi une franche fripouille.

« Vérité ! murmura le comte, Dieu t’a faite pour surnager au-dessus des flots et des flammes » (Alexandre Dumas, Le comte de Monte-Cristo).

La question faurissonnienne étant réglée une fois pour toutes, c’est à l’ennemi principal que nous devons en revenir, car la liberté, même la liberté d’expression, n’est rien d’autre qu’un droit de propriété - droit bafoué en permanence par l’État.


VOIR AUSSI : Retour sur le révisionnisme (1) : un cas explosif de défense de la liberté d'expression !