L'esprit de la République française : plus de 200 ans avant Daesh, le 14
juillet 1789, la tête du gouverneur de la Bastille, le marquis de
Launay, est promenée dans la capitale au haut d'une pique. Il a été
lynché puis décapité à la hache place de Grève par un boucher citoyen,
après avoir ouvert les portes de sa prison en signe de paix. S'y
trouvaient 4 faux-monnayeurs, un fou, un père incestueux et un type
ayant tenté d'assassiner Louis XV. La destruction de l'édifice était prévue
par Louis XVI. Le but des quelque 600 émeutiers : y trouver des
munitions. La scène vue par Chateaubriand dans ses Mémoires
d’Outre-Tombe : "Le 14 juillet, prise de la Bastille. J'assistai, comme
spectateur, à cet assaut contre quelques invalides et un timide
gouverneur : si l'on eût tenu les portes fermées, jamais le peuple ne
fût entré dans la forteresse. Je vis tirer deux ou trois coups de canon,
non par les invalides, mais par des gardes-françaises, déjà montés sur
les tours. De Launay, arraché de sa cachette, après avoir subi mille
outrages, est assommé sur les marches de l'Hôtel de ville ; le prévôt
des marchands, Flesselles, a la tête cassée d'un coup de pistolet :
c'est ce spectacle que des béats sans cœur trouvaient si beau. Au milieu
de ces meurtres, on se livrait à des orgies, comme dans les troubles de
Rome, sous Othon et Vitellius. On promenait dans des fiacres les
vainqueurs de la Bastille, ivrognes heureux, déclarés conquérants au
cabaret ; des prostituées et des sans-culottes commençaient à régner, et
leur faisaient escorte. Les passants se découvraient avec le respect de
la peur, devant ces héros, dont quelques-uns moururent de fatigue au
milieu de leur triomphe. Les clefs de la Bastille se multiplièrent ; on
en envoya à tous les niais d'importance dans les quatre parties du
monde. Que de fois j'ai manqué ma fortune ! Si, moi, spectateur, je me
fusse inscrit sur le registre des vainqueurs, j'aurais une pension
aujourd'hui."
Paul-Éric Blanrue
Paul-Éric Blanrue