Yann Moix a menti. Confronté aux trois numéros d'Ushoahia, un journal amateur de tendance négationniste auquel il a participé à l'âge de 21 ans, en 1989-90, le romancier a assuré lundi à L'Express
qu'il n'était responsable "que" des dessins antisémites, mais qu'il
n'était en aucun cas l'auteur des textes extrêmement violents et
révisionnistes qui les accompagnaient. Il disait aussi avoir réalisé
originellement ces illustrations en vue de les proposer au magazine Hara-Kiri du professeur Choron.
Tout
juste reconnaissait-il avoir recopié à la main, car son écriture était
plus lisible, le long texte antisémite d'un autre membre de l'équipe
pour le numéro un d'Ushoahia. Une tirade dans laquelle Anne Sinclair, Bernard Henri-Lévy et André Glucksmann
sont traités de "sodomites sionistes" et qui prétend que les camps
d'extermination "n'ont jamais existé". Mais il l'assurait à L'Express :
"Je me suis strictement borné à faire les dessins. Je n'ai participé à
aucun texte."
Un long manuscrit signé Yann Moix
En réalité, Yann Moix est bien l'auteur du texte cité ci-dessus et de nombreux autres. L'Express en a retrouvé le manuscrit original. Il s'agit d'une volumineuse liasse de feuilles numérotées, datées des années 1989 et 1990, et adressées à une certaine "Marie". L'ensemble se présente sous la forme d'un mélange de lettres à cette jeune femme, de chapitres de romans, de dessins, de pastiches, etc. Moix appose d'ailleurs sa signature au bas de certains feuillets.
Or, à la page 98 de ce manuscrit, on retrouve des passages entiers de textes violemment antisémites qui seront publiés dans Ushoahia.
Il y est question de BHL, "ce youpin dont le crâne n'a hélas pas été
rasé par les amis d'Adolf". Plus loin, on peut lire : "Chacun sait, ô
Marie, que les camps de concentration n'ont jamais existé."
Les
six pages suivantes sont constituées d'un conte macabre dans lequel un
Juif tente de négocier une ristourne sur les tarifs de train pour
Buchenwald. Ils sont illustrés par les dessins antisémites qui seront
publiés eux aussi dans Ushoahia. On peut donc fortement douter que ces illustrations aient été destinées à Hara-Kiri, comme le prétend Yann Moix pour sa défense.
Ce conte antisémite sera repris à la ligne près dans le numéro 1 d'Ushoahia.
Yann Moix s'est en fait contenté de photocopier son manuscrit original
pour le publier. Il a seulement effacé à trois ou quatre reprises les
références à "Marie", qui devenaient incompréhensibles dans une
publication, et les a remplacées par des "Voilà" ou "vous voyez"...
On retrouve également dans ce manuscrit la longue et violente lettre ouverte à Jean-Luc Godard, publiée quasiment mot pour mot dans Ushoahia. Bref, à l'évidence, Yann Moix est l'auteur de nombreux textes de cette publication.
Rapport compliqué à la vérité
À vrai dire, il semblait étrange que le romancier, qui se décrit dans Orléans
comme un graphomane impénitent à 20 ans, ait pu participer à une revue
étudiante composée de trois membres au maximum, sans y écrire une seule
ligne. En avouant être l'auteur des dessins, il semblait faire son
mea-culpa. En réalité, il cachait peut-être l'essentiel.
Ce mensonge d'un homme de cinquante ans jette évidemment une nouvelle lumière son rapport à la vérité, déjà au centre des violentes polémiques familiales entourant la parution de son dernier roman, Orléans. Nul doute qu'il devrait s'en expliquer lors de son passage comme invité samedi à On n'est pas couché, l'émission de Laurent Ruquier, dont il fut chroniqueur.
Contacté par L'Express, Yann Moix n'a pas souhaité s'exprimer.
Par Jérôme Dupuis, publié le
Article issu du site de L'Express.