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jeudi 23 octobre 2025

Les fondements dogmatiques de l'Orthodoxie.


Cet ouvrage est une œuvre du Protopresbytre Père Anthony Alevizopoulos (1931-1996), titulaire de doctorats en Théologie et en Philosophie. Publié pour la première fois en 1974, il a été très bien reçu et constitue un «Manuel Orthodoxe» incontestable. Il expose l'enseignement dogmatique de base de l'Église, enrichi de multiples références scripturaires, liturgiques et patristiques, servant d'introduction à la foi et au mode de vie orthodoxes. L'auteur était un spécialiste reconnu des hérésies, ayant servi comme Secrétaire au Comité conciliaire sur les hérésies. Le livre a été conçu pour pallier le manque de catéchèse orthodoxe simplifiée pour adultes. L'auteur a veillé à étayer la foi orthodoxe par des citations étendues de la Sainte Bible, principalement issues de la Septante pour l'Ancien Testament, afin d'offrir un outil d'étude scripturaire complet.


I. La vérité salvifique et la théognosie

La Vérité n'est pas un concept abstrait, mais une Personne : Notre-Seigneur Jésus-Christ, le Logos incarné (Jean 1:14). C'est en connaissant le Christ que l'on parvient à la vie et au Père. La connaissance de Dieu (théognosie) n'est pas une compréhension logique, mais une rencontre personnelle. C'est un don divin, et non le résultat d'un effort intellectuel humain. Les conditions préalables pour cette connaissance sont l'amour, l'humilité, et la pureté de cœur, car Dieu se révèle à celui qui l'aime (1 Cor. 8:3).

La théognosie commence par la connaissance du Christ et aboutit à l'Amour, qui est la participation à la vie de la Sainte Trinité. La Croix du Christ est perçue comme une folie pour les Gentils et un scandale pour les juifs, car elle provoque la logique humaine. La foi véritable est un don du Saint-Esprit, qui seul guide l'homme vers le Christ et lui révèle les choses spirituellement discernées (1 Cor. 2:12-16).

L'essence de Dieu est inaccessible à l'homme (Exode 33:20). Cependant, l'homme peut devenir «communicant de la nature divine» en participant aux Énergies Divines, lesquelles sont incréées et éternelles, bien que distinctes de l'Essence. Ces énergies manifestent la gloire de Dieu et laissent des «traces» dans la Création, permettant à l'homme de percevoir la présence de Dieu.

II. Le Dieu Trinitaire et Son Œuvre

Le Dieu de la Révélation est trinitaire. L'hospitalité d'Abraham est vue comme une préfiguration de la Sainte Trinité (Gen. 18:1-4).

La Trinité se manifeste clairement lors du Baptême du Christ et de Sa Transfiguration. Le Père est l'unique source (monarchie) d'où le Fils est engendré et d'où procède le Saint-Esprit. Le maintien de la monarchie du Père est crucial pour l'Orthodoxie, d'où le rejet du Filioque (la procession de l'Esprit aussi du Fils), qui risquer d'introduire une dualité de principes. Le dogme trinitaire est essentiel pour le salut, car Dieu est Amour, un Amour qui ne peut s'exprimer pleinement que dans la relation trinitaire (Père-Fils-Esprit).

L'œuvre de la Création est l'opus du Dieu Trinitaire, réalisé par le Père, à travers le Fils, et dans le Saint-Esprit, à partir du néant (Gen. 1:1-31, 2 Macab. 7:28).

III. L'image de Dieu et la Chute

L'homme a été créé «à l'image» et «selon la ressemblance» de Dieu (Gen. 1:26-27), ce qui fait de Dieu son prototype. Cette image confère à l'homme une position unique de maître et de co-créateur, appelé à nommer et à développer la Création (Gen. 2:19-20).

La science et le progrès répondent au plan créateur de Dieu, à condition qu'ils soient exercés selon Sa volonté.

La Chute de l'homme est précédée de la chute des anges due à l'orgueil (Isaïe 14:12-15). En succombant à la tentation du diable, l'homme a choisi l'égoïsme au lieu de l'amour divin. Cette désobéissance a engendré une aliénation de la nature humaine, conduisant à la fragmentation de l'humanité (Caïn et Abel) et de la Création, qui est tombée sous la corruption et la mort (Gen. 3:17-19).

IV. La rectification par l'Homme-Dieu et l'Esprit Saint

La rectification de la nature humaine malade nécessitait une nouvelle «racine» – un nouvel Adam. Dès la Chute, Dieu promit le salut (Gen. 3:15, le Protevangelion). Le Christ, descendant de la «semence» d'Abraham (Gal. 3:16), est cet «ultime Adam» qui rétablit l'union avec Dieu (1 Cor. 15:45). Son Incarnation est le «grand mystère de la piété» (1 Tim. 3:16), la plus haute théophanie. Le Christ est le Fils éternel de Dieu, l'Homme-Dieu, ayant assumé la forme de serviteur sans cesser d'être Dieu (Phil. 2:6-11). Il est le seul Sauveur, et nier Sa divinité revient à nier le Père (1 Jean 2:22).

Le Saint-Esprit est le «Paraclet» ou Consolateur, promis par le Christ, qui procède du Père (Jean 15:26). Il est la Troisième Personne de la Sainte Trinité, glorifié et adoré avec le Père et le Fils. L'Esprit guide vers la vérité, glorifie le Christ et œuvre pour l'édification de l'Église (Jean 16:13, 1 Cor. 12:4-7). Acquérir le Saint-Esprit est le véritable but de la vie chrétienne.

V. La Mère de Dieu et la nature de l'Église

La Vierge Marie est l'instrument de l'Incarnation, l'Éternelle-Vierge (Ézéchiel 44:1-3). Son titre de Theotokos (Mère de Dieu) est fondamental, car il garantit le statut Homme-Dieu du Christ. Elle est la Mère de la race humaine et l'offrande la plus pure de l'humanité à Dieu.

L'Église est le Corps théandrique du Christ, non une organisation, mais un organisme vivant. Elle est la communion des personnes avec Dieu, modelée sur la Trinité. Le Christ en est la Tête. L'Église est l'assemblage des enfants dispersés de Dieu (Jean 11:52) et elle est le salut lui-même. L'incorporation se fait par la «greffe» dans le Corps du Christ, par l'Esprit (Rom. 11:17-24, 1 Cor. 12:13). L'unité eucharistique est cruciale; le schisme et l'hérésie sont des offenses au Corps du Christ.

L'Église est Apostolique, caractérisée par une continuation ininterrompue de l'enseignement et de l'organisation. Le véritable critère de l'Église est son union avec l'Évêque canonique, garant de l'unité avec le Christ.

Le Dépôt Sacré de l'Église n'est pas une «lettre sèche» mais la Tradition Sacrée, la mémoire vivante de l'Église, garantie par la présence perpétuelle du Saint-Esprit (Jean 16:13, 1 Tim. 3:15).

La Sainte Bible (Écritures) est le trésor écrit de l'Église, mais Son interprète unique et authentique est le Saint-Esprit agissant au sein de l'Église (1 Cor. 2:12). Lire la Bible en dehors de l'Église et de sa Tradition conduit à la perdition (2 Pierre 3:16).

VI. La Vie des Fidèles et les Sacrements

L'incorporation dans l'Église passe par la nouvelle naissance «d'en haut» (Jean 3:3). Le Baptême est l'union au Corps ressuscité du Christ, marquant la mort de l'ancienne nature. Il est suivi de la Chrismation, qui confère le «sceau du Don du Saint-Esprit» (Éph. 1:13-14), début du Royaume. Les fidèles forment un «sacerdoce royal» (1 Pierre 2:9), appelés à offrir leur vie entière, corps et œuvres, comme un sacrifice vivant et une «Liturgie perpétuelle».

Le Christ est l'unique Grand Prêtre. Le sacerdoce ministériel (Évêques, prêtres, diacres) est un charisme spécialisé, institué par le Christ, l'Évêque étant le garant de la succession apostolique.

La Divine Eucharistie est la réalisation de l'union des fidèles en Christ (1 Cor. 10:17), le «Pain de Vie» (Jean 6:48-54), et le commencement du Royaume de Dieu.

La Repentance est un état permanent dans la vie du chrétien, ouvrant la voie à la grâce. Le mystère de la Confession est l'acte par lequel le Christ, à travers le prêtre et l'Église, restaure le membre pécheur (Matth. 18:18, Jean 20:21-23).

La Sainte Onction (Jacques 5:14-15) est liée à la guérison du corps et de l'âme, exprimant l'amour et le soin de l'Église pour ses membres souffrants.

Le Mariage est un mystère fondamental, reflétant l'unité d'essence et la dualité (homme/femme) de l'image de Dieu. Il est l'icône de l'union du Christ avec l'Église (Éph. 5:23-32).

VII. Le monde sanctifié et l'éthos orthodoxe

Les Saints de l'Église sont des miniatures de la vie du Christ (Gal. 2:20). Ils sont devenus participants de la gloire divine (Jean 17:22) et leur vie est l'expression des énergies du Saint-Esprit. La gloire de Dieu se manifeste en eux par la Lumière Incréée. Les Saints agissent pour la Création, sentant une responsabilité d'amour envers elle, ce qui témoigne de leur rétablissement dans l'ordre du Paradis.

Les Icônes Saintes ne sont pas des idoles, car l'Incarnation du Logos permet de représenter Dieu dans la Personne du Christ. Elles reçoivent une vénération d'honneur, mais non le culte (latrie), réservé à Dieu seul. La Précieuse Croix est le trophée de la piété, symbolisant l'amour infini de Dieu et le triomphe sur le péché et la mort (Jean 12:31).

Le Corps de l'homme est appelé à être le temple du Saint-Esprit (1 Cor. 6:19). La lutte chrétienne est contre les passions, non contre le corps.

La vénération des Saintes Reliques s'explique par le fait que le corps du saint a été sanctifié par la grâce divine et est porteur de la gloire ineffable de Dieu. Toute la Création sera métamorphosée et délivrée de la corruption (Rom. 8:21).

L'homme est un «résident étranger» sur terre (Héb. 13:14), mais il a l'avant-goût du Royaume de Dieu dans sa vie présente (Luc 17:21). La mort a perdu son pouvoir par la Résurrection du Christ, qui est la victoire sur elle (1 Cor. 15:54-57). L'âme des justes est entre les mains de Dieu, consciente et en paix (Sag. 3:1).

La Seconde Venue du Seigneur sera visible et inattendue, marquant le Jugement Final et la résurrection des corps, où les justes hériteront de la Vie Éternelle.

L'Année Liturgique (Pâques, Nativité, Pentecôte) célèbre les événements du Christ dans la lumière du «Huitième Jour» (la Résurrection).

L'éthos orthodoxe est fondamentalement lié au mystère de l'Incarnation (1 Tim. 3:16). La vie chrétienne véritable est une vie d'Amour, fruit de l'Esprit Saint. Elle est aussi un combat spirituel constant (ascèse) contre les puissances démoniaques et les passions (Éph. 6:12).

L'humilité et la repentance incessante sont la porte d'entrée et le fondement de cette vie spirituelle, traduisant la prise de conscience de l'indignité de l'homme face à l'abîme de l'amour divin. L'éthos est une praxis liturgique — une participation organique et active au Corps du Christ — et non une simple morale personnelle.

Le livre se termine par un appel constant à la vigilance et à l'attente du Seigneur, basé sur la miséricorde de Dieu et non sur la suffisance des œuvres humaines (Matth. 24:45-51, Phil. 2:12).