Murray Rothbard (1926–1995), économiste et philosophe qui a le mieux énoncé les principes libertariens, a eu une position nuancée et évolutive sur la peine de mort, distincte du libéralisme classique ou du pacifisme.
⸻
⚖️ 1. Position générale : la justice comme restitution, non rétribution
Rothbard, dans The Ethics of Liberty (1982), fonde toute la justice sur le principe de non-agression (NAP) : personne n’a le droit d’initier la violence, mais chacun peut riposter proportionnellement à une agression.
« Toute peine doit être strictement proportionnelle à l’injustice commise. »
— The Ethics of Liberty, chap. 13
Ainsi, le droit de punir découle du droit naturel de se défendre : la victime (ou ses représentants) peut réclamer une compensation équivalente au tort subi — voire, dans certains cas, une peine capitale, mais seulement si elle est strictement équitable.
⸻
⚔️ 2. Rothbard et la peine de mort : légitime, mais dangereuse
Rothbard ne rejette pas en principe la peine de mort.
Il écrit explicitement :
« Si A tue B, alors B (ou ses héritiers) ont le droit d’exiger la mort de A, ou une compensation équivalente. »
— The Ethics of Liberty, chap. 13, “Punishment and Proportionality”
Autrement dit :
• Le meurtre ouvre un “droit à punir” jusqu’à mort d’homme,
• mais ce droit appartient à la victime, non à l’État.
🔹 L’État n’a aucune légitimité morale pour tuer au nom de la société.
🔹 Seule la victime (ou sa famille) peut réclamer ou refuser la peine capitale.
🔹 Si la victime choisit de pardonner ou de monnayer la vie du coupable, cela relève de sa liberté naturelle.
⸻
🕊️ 3. Critique de la peine de mort d’État
Rothbard est farouchement anti-étatiste.
Même s’il admet le droit moral de tuer un meurtrier dans un cadre privé (autodéfense ou justice réparatrice), il considère la peine de mort administrée par l’État comme profondément immorale :
« Dans la pratique, un gouvernement, institution d’agression systématique, ne saurait appliquer une justice véritable. »
— Power and Market, 1970
Il estime que :
• L’État tue au nom d’une abstraction (la société), non de la victime réelle.
• Le système judiciaire n’est pas responsable de ses erreurs.
• Donc, la peine capitale étatique est inacceptable, car elle viole les droits naturels et risque d’être irréversible en cas d’erreur.
Pour Murray Rothbard, la peine de mort peut être juste en droit naturel, mais jamais juste dans les mains de l’État.
Elle appartient au domaine de la réparation individuelle, non à celui du pouvoir politique.
C'est, pour moi aussi, la position la plus juste pour les hommes vivant en société.
PEB.