Maximilien de Béthune (1559-1641), duc de Sully, ministre et ami d’Henri IV, occupe une place singulière dans l’histoire de la pensée économique française. Son œuvre, bien qu’antérieure aux grands systèmes théoriques du XVIIIe siècle, annonce déjà une économie politique réaliste, fondée sur la production, la stabilité et la responsabilité.
Sully incarne une philosophie économique du bon sens et de la mesure, où la richesse d’un royaume ne vient pas des conquêtes ni des impôts, mais du travail des hommes et de la fécondité de la terre. Il n’était ni mercantiliste ni théoricien abstrait : il fut un praticien de la prospérité nationale.
Son mot d’ordre, resté célèbre : « Labourage et pâturage sont les deux mamelles dont la France est alimentée », résume toute sa pensée. Pour lui, la vraie richesse d’un État réside dans la production agricole, dans la stabilité des campagnes et dans la paix civile. L’or et l’argent n’étaient que des instruments, non des fins. Sully rejetait les gaspillages de cour, les dépenses de prestige et les guerres ruineuses : « Les finances doivent être l’âme du royaume, non son poison. »
Il voyait dans la bonne administration, la rigueur fiscale et la lutte contre la corruption les fondements d’une économie saine. Son réalisme s’opposait aux illusions mercantilistes de son temps : il ne croyait pas que la richesse se mesure au métal amassé, mais à la production utile et à la stabilité des échanges. Il mit fin aux fermes abusives, réforma la perception des impôts, réduisit la dette publique et institua un contrôle rigoureux des dépenses de l’État.
Pour lui, l’économie devait servir la paix et non la guerre. Son œuvre repose sur une conviction morale : la prospérité du royaume découle de la vertu de ses gouvernants et de l’ordre dans ses finances. En cela, il préfigure Turgot, Quesnay et même certains principes libéraux modernes.
Il prônait déjà une économie décentralisée, où les provinces prospèrent par leur propre travail et non par la mainmise du pouvoir central.
Sully considérait que le rôle du souverain est d’encourager la production et de protéger la propriété, non de s’immiscer dans le commerce.
Il défendait la modération, la prudence et la paix comme leviers de croissance : « Point de ruine pour le peuple, point de luxe pour le prince. »
Par cette sagesse pratique, Sully fut à la fois un économiste avant l’heure et un moraliste du pouvoir. Sa philosophie économique, enracinée dans la réalité rurale et la justice fiscale, demeure une leçon intemporelle sur la bonne gestion de la richesse publique et sur la valeur du travail comme fondement de toute prospérité durable.