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dimanche 31 août 2025

Les reliques de la Passion, de Constantinople à Paris.



Ce livre est issu d'une table ronde sur "les reliques de la Passion" qui s'est tenue en août 2001, lors du XXe Congrès international des études byzantines à Paris, et a été publié avec le concours du Comité d'organisation de ce congrès.

L'ouvrage a pour objectif d'explorer les liens particuliers entre Byzance et la France, notamment en ce qui concerne le transfert de grandes reliques du Christ depuis Constantinople vers Paris après le sac de la ville par les croisés en 1204.

Le terme de "reliques du Christ" a été préféré à "reliques de la Passion" car il est jugé plus approprié, englobant des objets comme le Mandylion d'Édesse et les reliques des amis du Christ, qui ne sont pas exclusivement liés à la souffrance du Christ. Bien que principalement consacré à Byzance, le volume étend son analyse à la France sous Saint Louis et Louis XIV, ainsi qu'à la Géorgie au XVIIe siècle, démontrant la richesse du sujet.

L'histoire des reliques du Christ est intrinsèquement liée à celle de la Vraie Croix. Holger Klein a retracé son parcours, de son "invention" par Sainte Hélène jusqu'à Constantinople, puis à Paris, où elle se trouve aujourd'hui à Notre-Dame après avoir été à la Sainte-Chapelle.

Le culte public de la Croix s'est lentement établi à Constantinople, avec le règne d'Héraclius au VIIe siècle marquant une étape décisive. Au Moyen Âge, la Vraie Croix, après un déplacement mal déterminé de Sainte-Sophie au palais, est retrouvée dans l'église palatine de la Vierge du Phare.

L'église de la Vierge Théotokos du Phare est un édifice central dans l'histoire des reliques du Christ à Constantinople. Elle est devenue le principal dépôt des reliques du Christ au sein du Grand Palais, un modèle constantinopolitain qui a inspiré la construction de la Sainte-Chapelle de Saint Louis à Paris. L'église du Phare se distingue des autres églises comme Sainte-Sophie ou les Saints-Apôtres, car elle abritait une collection cohérente et délibérée de reliques dominicales, contrairement à la collection plus disparate de Sainte-Sophie.

Les reliques les plus précieuses, telles que la Vraie Croix, le Titulus, la Couronne d'épines, l'Éponge, le Roseau, les Clous, les Sandales, le Mandylion d'Édesse et la Sainte Tuile, étaient concentrées à la chapelle du Phare. La grande époque de cette concentration est le Xe siècle, suite à la reconquête d'une partie de la Syrie. Le transfert de ces reliques au palais, sous la dynastie macédonienne, est une innovation. Cyril Mango note que le patriarche Photius, en 864, ne fait aucune allusion au rôle de gardienne des reliques dominicales de la chapelle, suggérant que ce rôle s'est développé plus tard.

Le manuscrit Dresdensis A 104, datant de la seconde moitié du XIe siècle, offre une description précieuse, partiellement inédite, des cérémonies d'exaltation et de vénération de la Croix à Sainte-Sophie. La Vraie Croix, également appelée les "Précieux Bois", était conservée au skeuophylakion du palais impérial. Elle sortait régulièrement du palais pour être vénérée en trois occasions principales : pendant la quatrième semaine de Carême à Sainte-Sophie, au début du mois d'août promenée dans les rues de Constantinople par le papias du palais, et du 10 au 13 septembre à la Grande Église avant la cérémonie d'Exaltation le 14 septembre.

Jannic Durand explique que le 13 septembre, les "Précieux Bois", apportés du Palais, étaient lavés par les théores et les chartulaires du skeuophylakion, à l'aide d'une éponge et d'une aiguière, dans un bassin d'argent. Ils étaient ensuite liés pour former une croix à double traverse, composée de trois morceaux (un élément principal, un plus petit en haut, et un plus grand au milieu), ce qui suggère qu'ils n'étaient pas ordinairement solidaires. Cette particularité permettait de les laver et de les manipuler plus facilement, surtout si la croix était de grandes dimensions. Après les cérémonies du 14 septembre, la relique était démontée et relavée avant d'être replacée dans son coffret pour retourner au Palais. Ce coffret, ou pinakidion, était une staurothèque du type le plus habituel, où la relique, liée ou non, adoptait en permanence la forme d'une croix.

Les empereurs utilisaient les reliques non seulement pour des raisons dévotionnelles, mais aussi politiques. Sandrine Lerou souligne que la Vraie Croix était souvent placée au cœur de staurothèques contenant d'autres reliques du Christ (Clou, Lance, Couronne d'épines), et rarement accompagnée de reliques de la Théotokos ou de martyrs aux XIe et XIIe siècles. Ces staurothèques servaient le pouvoir impérial, faisant de l'empereur le maître des serments, un nouveau Constantin. La relique du Bois était un palladium protecteur pour la dynastie et le royaume. Les poèmes et chroniques byzantines attestent du rôle de la Croix pour les victoires militaires, rappelant le chrisme de Constantin et l'usage de la Croix comme bannière. La perte d'une relique était associée à la perte du pouvoir, et sa récupération à la restauration de celui-ci. Les reliques servaient aussi à la diplomatie, offertes comme cadeaux à de hauts dignitaires, symbolisant des alliances ou des messages œcuméniques. Elles étaient également centrales dans la prestation de serments, des actes graves qui requéraient la présence des reliques les plus sacrées.

Le Mandylion, un portrait supposé miraculeux du Sauveur, fut transféré d'Édesse à Constantinople au Xe siècle, un événement organisé avec éclat en 944. Sysse Engberg montre qu'il fut initialement déposé par Romain Ier Lécapène dans la chapelle du Christ de la Chalkè, une chapelle palatine concurrente de celle du Phare. Cependant, il fut transféré au Phare quelques mois plus tard, après le renversement des Lécapènes par Constantin VII Porphyrogénète, qui cherchait à s'approprier la gloire de cette translation.

La Sainte Tuile, un autre portrait miraculeux, fut également destinée à l'église du Phare. Après le sac de Constantinople en 1204, le Mandylion fut transféré en Occident, aboutissant à la Sainte-Chapelle à Paris. Cependant, sa valeur y est devenue secondaire par rapport à la Véronique de Rome, qui a pris le dessus comme seul portrait authentique du Christ.

Byzance, en particulier aux XIe-XIIe siècles, est devenue une ville "touristique" où des étrangers, pèlerins et marchands, manifestaient un grand intérêt pour les reliques, conscientes de leur rareté en Occident. Les Grecs ont profité de ce marché, et des guides professionnels ainsi que des manuels pour pèlerins facilitaient cette circulation des reliques. Cependant, Cyril Mango souligne une disproportion entre Orient et Occident quant à la valorisation des reliques. À Byzance, des monuments prodigieux comme la Sainte-Chapelle n'ont jamais été érigés spécifiquement pour abriter des reliques. Après l'époque paléochrétienne, on se contentait de déposer les reliques dans des lieux appropriés sans les célébrations grandioses ni les revenus générés en Occident. La vérification d'authenticité, très réglementée en Occident, était pratiquement inconnue à Byzance.

Cette différence d'approche a pu justifier, selon la propagande occidentale, le comportement des croisés en 1204, qui ont jugé les Byzantins indignes de posséder ces reliques. Malgré cela, l'église du Phare était montrée aux visiteurs, soulignant la prétention de Byzance à être la Nouvelle Jérusalem. Le prêtre Nicolas Mésaritès, en 1200, décrivait l'église du Phare comme une "Arche" et une "autre Terre Sainte", actualisant les événements de la vie du Christ à travers ses dix reliques principales. Il présentait l'église et sa collection comme une image officielle que Constantinople voulait diffuser dans le monde chrétien.

Michele Bacci explore comment les archétypes byzantins des cultes christologiques ont influencé le Moyen Âge occidental. Constantinople était perçue comme un écrin de précieux vestiges chrétiens, et ses collections, en particulier celle du Phare, ont servi de modèle pour les institutions et villes majeures d'Europe. La relique du Bois de la Vraie Croix de Constantinople, dont Robert de Clari avait admiré la taille impressionnante, a inspiré la vénération et l'élaboration de reliquaires en Occident. La lettre d'Anseau, chantre du Saint-Sépulcre à Jérusalem, datée d'environ 1118, atteste de la perception occidentale de Constantinople comme un centre majeur de reliques de la Vraie Croix.

Après 1204, la capture et le transfert de nombreuses reliques à l'Ouest ont affaibli les collections byzantines, bien que la ville ait conservé sa réputation de trésor sacré. Sous les Paléologues, les reliques subsistantes, héritage appauvri du trésor du Phare, étaient conservées dans des lieux comme le monastère de Saint-Georges des Mangani, puis Saint-Jean in Petra. George P. Majeska observe qu'avant 1204, les reliques de la Passion étaient souvent exposées individuellement, tandis qu'après, elles étaient généralement mentionnées comme une unité, conservées ensemble dans un seul coffre scellé.

Le reliquaire est essentiel pour la relique, l'écrin donnant sens au simple fragment de bois ou d'os. Les inscriptions sur les reliquaires impériaux associent le nom de l'empereur à la prière, perpétuant ainsi leur dévotion. Ces objets "parlants" ou corporels, souvent des statues entières, ont évolué différemment en Orient et en Occident. Aux XIe et XIIe siècles, les empereurs comnènes ont montré une dévotion particulière pour les "Saintes Pierres" associées à la mort du Christ, telles que la Pierre du Sépulcre et la Pierre de la Déposition (dite d'Éphèse). Cette dernière, apocryphe aux yeux des évangiles canoniques, était privilégiée car elle liait la Mère de Dieu à son Fils mourant, ayant été baignée des larmes de la Théotokos. Ce culte des pierres, commun à Byzance et l'Occident, témoigne d'un intérêt accru pour la Jérusalem terrestre et le Christ dans sa mort et sa Résurrection.

Claudine Billot analyse l'intégration et l'exploitation des reliques de la Passion en France, inspirées des pratiques byzantines. L'exemple de la Sainte Tunique d'Argenteuil, sans témoignages écrits avant le XIIe siècle, montre comment la "réapparition" et la valorisation de reliques étaient souvent liées à des intérêts ecclésiastiques et politiques.

Le XIIIe siècle marque un regain de dévotion pour les reliques de la Passion en Occident, alimenté par le christocentrisme des ordres mendiants et les événements historiques, notamment la prise de Constantinople en 1204 et le transfert de reliques vers Paris. Saint Louis a acquis des reliques majeures de Constantinople, dont la Couronne d'épines et un fragment de la Vraie Croix, qu'il a déposées à la Sainte-Chapelle. Cette église extraordinaire est devenue un modèle constantinopolitain et un haut lieu de dévotion.

Les Capétiens ont utilisé ces reliques pour leur propagande monarchique, affirmant un lien symbolique entre la possession de la Vraie Croix et la légitimité de leur pouvoir, faisant de Paris une "nouvelle Jérusalem". Cette tradition s'est poursuivie avec Louis XIV, qui a mis en scène Saint Louis portant la Couronne d'épines dans les décors des Invalides et du château de Versailles. Les dons de reliques à des souverains étrangers, comme le roi Haakon IV de Norvège, illustrent également cette diplomatie des reliques visant à promouvoir la France.

L'argument cosmologique du Kalām : les arguments philosophiques sur la finitude du passé.



Ce volume, édité par Paul Copan et William Lane Craig et publié en 2018 par Bloomsbury Academic, offre un large aperçu du débat contemporain autour de l'Argument Cosmologique du Kalām (KCA). Cet ouvrage s'inscrit dans la série « Bloomsbury Studies in Philosophy of Religion » et rassemble des essais de nombreux philosophes, partisans et détracteurs, explorant les arguments philosophiques en faveur de la finitude du passé.

William Lane Craig, figure majeure de la philosophie de la religion, est reconnu pour avoir ravivé l'intérêt pour le KCA depuis la publication de son propre livre sur le sujet en 1979. Comme le note Quentin Smith, « plus d'articles ont été publiés sur la défense de l'argument du Kalām par Craig que sur toute autre formulation contemporaine d'un argument pour l'existence de Dieu par un autre philosophe ».

Le KCA, dont les racines plongent dans la scolastique islamique médiévale via des penseurs comme al-Ghazālī, se présente sous une forme syllogistique simple et percutante :

1. Tout ce qui commence à exister a une cause à son commencement.
2. L'univers a commencé à exister.
3. Par conséquent, l'univers a une cause à son commencement.

Une analyse conceptuelle de cette cause révèle des attributs frappants, notamment son intemporalité, son immatérialité et, ultimement, sa "personnalité".

Ce volume se concentre principalement sur les arguments philosophiques soutenant la deuxième prémisse (« L'univers a commencé à exister ») et sur la plausibilité de la première prémisse.

1. La première prémisse : « Tout ce qui commence à exister a une cause »
William Lane Craig considère cette prémisse comme « intuitivement évidente » et « solidement appuyée par l'expérience ». Il la reformule parfois de manière conditionnelle : « Si l'univers a commencé à exister, alors l'univers a une cause à son commencement ».
1.1. La critique d'Adolf Grünbaum : la « normalité du néant »
Adolf Grünbaum conteste cette première prémisse en affirmant que les arguments cosmologiques, y compris le KCA et l'argument leibnizien, présupposent implicitement la « normalité du néant » (SoN - Spontaneity of Nothingness).
Cette présupposition implique que l'état naturel, non perturbé du monde, est l'absence d'existence, une idée que Grünbaum juge sans fondement empirique. Il soutient que la science montre que ce qui est « naturel » est une question empirique a posteriori, non a priori. Grünbaum illustre son propos avec des exemples scientifiques :
• Les vues aristotéliciennes sur le mouvement, où une force externe était toujours nécessaire pour maintenir un corps en mouvement, ont été remplacées par la physique newtonienne où le mouvement uniforme est naturel.
• Les travaux de Pasteur sur la génération spontanée de la vie, qui montraient son impossibilité dans des conditions stériles sur de courts intervalles, mais qui furent réhabilités par Oparine et Urey pour des conditions favorables sur des temps cosmiques.
• Le modèle de l'univers stationnaire de Bondi et Gold, où la matière « apparaît spontanément » sans cause externe, en déduction de la conservation de la densité de matière et de la loi de Hubble.
Grünbaum critique également les arguments de simplicité avancés par Leibniz et Swinburne pour justifier la SoN. Il affirme que l'argument de Swinburne sur la « simplicité » d'un état de non-existence ou de l'omnipotence divine comme l'explication la plus probable est une « mauvaise représentation de l'utilisation des critères de simplicité dans la science réelle ». Il cite Keith Parsons qui utilise l'exemple d'un démon pour expliquer la psychose, une explication simple mais obscurantiste et untestable. De même, il souligne que les lois d'Einstein sont plus complexes que celles de Newton, ce qui contredit l'idée que la simplicité a priori est législative pour ce qui existe.
1.2. La réponse de Craig à Grünbaum : la théorie du temps tendu
William Lane Craig rejette l'accusation de Grünbaum selon laquelle le KCA présuppose la SoN. Il distingue le KCA des arguments thomistes, qui, eux, impliquent une « disposition au néant » pour les êtres contingents. Pour Craig, la divergence fondamentale réside dans l'objectivité du devenir temporel. Le KCA est ancré dans une théorie du temps tendu (A-théorie), qui soutient que le devenir temporel est une caractéristique objective de la réalité. Dans cette perspective, l'univers, en commençant à exister, « entre littéralement en être », nécessitant une cause.
En revanche, la théorie du temps non tendu (B-théorie), défendue par Grünbaum, considère le devenir temporel comme une illusion subjective, les événements existant atemporellement dans un bloc spatio-temporel.
Pour un partisan de la B-théorie, le « commencement » de l'univers serait une « extrémité frontale » d'un continu spatio-temporel préexistant, sans qu'il y ait eu un véritable « venir à l'être ». Craig critique cette vision, affirmant qu'elle « dénie des faits évidents sur le monde ». Il argumente également que l'abstraction du temps physique dans les théories scientifiques ne signifie pas que le devenir temporel n'existe pas intrinsèquement au temps lui-même.

2. La deuxième prémisse : « L'univers a commencé à exister »
Pour défendre cette prémisse cruciale, le volume présente des arguments déductifs et s'appuie sur des confirmations scientifiques.
2.1. Arguments déductifs pour la finitude du passé
2.1.1. L'argument basé sur l'Impossibilité de l'existence d'un infini actuel (AIAI). Cet argument soutient qu'un infini actuel ne peut pas exister dans la réalité concrète. Craig utilise fréquemment le paradoxe de « l'hôtel de Hilbert » pour illustrer les « absurdités contre-intuitives » qui en découleraient. Par exemple, un hôtel infiniment rempli peut toujours accueillir de nouveaux clients en déplaçant les existants, ou des clients peuvent partir sans réduire le nombre total d'occupants (l'infini moins un reste l'infini). Ces scénarios, selon Craig, violent le « maxime d'Euclide » selon lequel le tout est plus grand que la partie, un principe qui s'applique intuitivement aux collections finies.
• Critiques :
◦ Wes Morriston et Graham Oppy contestent que les implications de l'hôtel de Hilbert soient de véritables contradictions logiques. Morriston affirme que ces « absurdités » résultent d'une application inappropriée du maxime d'Euclide aux ensembles infinis, pour lesquels la théorie des nombres transfinis de Cantor montre que le tout peut être en correspondance un-à-un avec l'une de ses parties propres. Oppy trouve la défense de l'infinitisme ontologique par Craig « très faible ».
◦ Landon Hedrick argumente que l'Hôtel de Hilbert est inefficace contre les présentistes (dont Craig), car, selon cette théorie du temps, les événements passés n'existent plus. Par conséquent, il n'y aurait pas un nombre infini actuel d'événements passés dans la réalité présente pour le KCA à contester.
• Réponses :
◦ Andrew Loke distingue la possibilité mathématique de la possibilité métaphysique. Il soutient que les nombres, en tant qu'entités abstraites, sont causalement inertes et n'ont pas de pouvoir causal sur la réalité concrète. Il propose que les partisans du KCA peuvent accepter le platonisme pour les infinis abstraits (en mathématiques) mais rejeter les infinis concrets en raison de violations de vérités métaphysiques nécessaires. Il répond spécifiquement à Hedrick en affirmant que les « absurdités » du KCA visent les infinis concrets. Dans une théorie présentiste, les événements futurs, même infinis en nombre, n'existent pas encore comme entités concrètes.
◦ William Lane Craig insiste sur la distinction entre « existence mathématique » (absence de contradiction logique prouvée) et « existence ontologique » (existence dans la réalité concrète). Il cite Benardete pour souligner que l'absurdité des paradoxes de l'infini se manifeste lorsqu'on les confronte « in concreto ». Craig réfute également l'idée que si les infinis actuels sont impossibles, les attributs de Dieu (omnipotence, omniscience) seraient finis. Il suggère que le sens quantitatif de l'infini pourrait simplement ne pas s'appliquer à Dieu.
2.1.2. L'argument basé sur l'impossibilité de la formation d'un infini actuel par Addition Successive. Cet argument postule qu'une collection formée par addition successive ne peut être actuellement infinie, car l'infini ne peut être « traversé ». Craig utilise souvent le paradoxe de Tristram Shandy : si Tristram Shandy met un an pour écrire un jour de sa vie, et qu'il a écrit depuis une éternité passée, il ne pourrait jamais finir son autobiographie ni même commencer à écrire sur le jour présent. L'idée est qu'une tâche infinie ne peut être « achevée ».
• Critiques :
◦ Wes Morriston soutient que les arguments de Craig ne prouvent pas l'impossibilité d'un passé infini. Il met en cause la dépendance de ces paradoxes à une version forte et controversée du Principe de Raison Suffisante (PSR), qui exigerait une explication pour chaque fait contingent.
◦ Graham Oppy considère que l'argument de la formation par addition successive est « très faible ». Il soutient que les paradoxes de Tristram Shandy n'établissent pas l'impossibilité d'un passé infini. Oppy critique l'application du PSR dans ce contexte. Il soulève également la question de l'« avenir sans fin » : si le passé ne peut être infini, pourquoi l'avenir le pourrait-il ?
◦ Stephen Puryear examine la défense de Craig selon laquelle l'espace et le temps sont des « tout » qui ne sont divisés en parties que par notre pensée. Puryear argumente que cette position, bien qu'elle puisse préserver le finitisme contre l'idée de traverser un infini actuel, conduit à l'absurdité que l'histoire entière de l'univers serait un seul événement indivisible, ce qui contredit la possibilité de distinguer des événements passés successifs.
◦ Ben Waters propose une version modifiée du paradoxe « le journal de Mathusalem », qui vise à démontrer la finitude du passé en construisant une fonction des jours passés incompatible avec un passé infini. Cette approche se veut moins susceptible de prouver « trop ».
• Réponses :
◦ David S. Oderberg défend Craig en affirmant que le paradoxe de Tristram Shandy, interprété correctement et en conjonction avec le PSR, montre l'absurdité d'un passé infini. L'absence d'une explication adéquate pour que Tristram Shandy termine sa tâche à un moment précis plutôt qu'à un autre, si le passé était infini, constitue une violation du PSR.
◦ William Lane Craig répond à l'objection de l'« avenir sans fin » en réitérant que le KCA repose sur une théorie du temps tendu (A-théorie), où le futur n'existe pas mais est une pure potentialité. Ainsi, un avenir sans fin ne constitue pas un infini actuel, à la différence d'un passé infini. La charge de la preuve incombe à l'objecteur de montrer que les arguments contre un passé infini s'appliquent de la même manière à un avenir potentiellement infini. Il rejette également les « supertâches » (réalisation d'un nombre infini de tâches en un temps fini) comme de la « fantaisie ».
2.2. Confirmation Scientifique
Bien que le volume se concentre sur les arguments philosophiques, il souligne que les découvertes scientifiques récentes offrent une confirmation empirique de la finitude de l'univers, renforçant ainsi la deuxième prémisse du KCA.
• Expansion de l'univers et Big Bang : les modèles cosmologiques du Big Bang, développés par Friedmann et Lemaître dans les années 1920, décrivent un univers en expansion qui, en étant une « rétro-ingénierie », remonte à une singularité, une limite à l'espace-temps, à la matière et à l'énergie.
• Thermodynamique : la deuxième loi de la thermodynamique (l'entropie tend à augmenter) suggère que l'univers ne peut pas être éternel, car il aurait déjà atteint un état d'équilibre thermique (mort thermique) s'il l'était.
• Le théorème de Borde-Guth-Vilenkin (2003) : ce théorème, largement accepté par les cosmologistes, établit que tout univers qui a été en expansion cosmique en moyenne au cours de son histoire passée ne peut être éternel dans le passé et doit avoir une limite spatio-temporelle. Ce théorème « balaie d'un revers de main les tentatives les plus importantes d'éviter le début absolu de l'univers ». Alex Vilenkin déclare : « Il est dit qu'un argument est ce qui convainc les hommes raisonnables et une preuve est ce qu'il faut pour convaincre même un homme déraisonnable. Avec la preuve maintenant en place, les cosmologistes ne peuvent plus se cacher derrière la possibilité d'un univers éternel passé. Il n'y a pas d'échappatoire, ils doivent faire face au problème d'un commencement cosmique ».
Oppy remet en question la portée de ces arguments scientifiques, soutenant qu'ils ne démontrent que la finitude passée de l'univers physique, et non qu'il « a commencé à exister » au sens causal du KCA. Craig répond que le terme « commence à exister » peut être interprété comme une « finitude métrique passée », où le temps lui-même a un commencement, ce qui rend la prémisse causale pertinente.

Conclusion
Ce livre fascinant offre un aperçu rigoureux et nuancé des arguments philosophiques soutenant la finitude du passé. L'anthologie met en lumière la complexité de concepts tels que l'infini, le temps et la causalité, et les défis intellectuels qu'ils posent.
Le débat présenté dans ce volume, qu'il s'agisse des paradoxes de l'infini, des théories du temps ou des implications scientifiques, souligne que le KCA demeure un argument d'un « intérêt philosophique inhabituel » et d'une « plausibilité » persistante.

Plaidoyer pour Jésus, de Brant Pitre.




Dans un paysage académique et médiatique empreint de scepticisme, le livre de Brant Pitre se dresse comme une œuvre fondamentale et accessible, destinée à outiller tant les érudits que les laïcs. L'objectif principal de Pitre est de répondre à une question cruciale qui a ébranlé sa propre foi d'étudiant : Jésus de Nazareth a-t-il vraiment prétendu être Dieu ? Pour y parvenir, l'auteur entreprend de réfuter des affirmations modernes courantes et d'examiner les preuves historiques et bibliques de manière méticuleuse.

Contre le scepticisme populaire : l'anonymat et le "jeu du téléphone"

Pitre s'attaque d'emblée à des idées largement répandues : les Évangiles seraient des sources tardives, anonymes et peu fiables, comparables au "jeu du téléphone" où le message initial est déformé. Cette théorie, popularisée par des érudits comme Bart Ehrman, suggère que les titres des Évangiles ont été ajoutés bien après leur rédaction pour leur conférer une "autorité nécessaire", impliquant une tentative délibérée de tromper les lecteurs.
Cependant, Pitre expose de sérieuses faiblesses à cette thèse. Premièrement, il n'existe aucune copie anonyme des quatre Évangiles canoniques. Tous les manuscrits anciens, sans exception et dans toutes les langues, attribuent unanimement les Évangiles à Matthieu, Marc, Luc et Jean. Cette uniformité est frappante et contraste avec de véritables textes anonymes comme l'Épître aux Hébreux, pour laquelle les manuscrits et les Pères de l'Église montrent des attributions variées et incertaines.
Deuxièmement, le scénario d'une attribution tardive et universelle des mêmes noms à quatre ouvrages distincts, sans aucune trace de désaccord ni de copie anonyme, est historiquement invraisemblable. Il aurait été nécessaire de distinguer ces récits dès leur circulation, comme le souligne Graham Stanton.
Troisièmement, si l'objectif était juste de conférer de l'autorité, pourquoi deux des Évangiles (Marc et Luc) seraient-ils attribués à des non-témoins oculaires, plutôt qu'à des apôtres directs comme Pierre ou André ? Les "Évangiles perdus" ou apocryphes, comme l'Évangile de Pierre ou de Thomas, sont, eux, attribués à des témoins directs pour maximiser leur crédibilité, ce qui rend l'attribution de Marc et Luc plus authentique que fallacieuse.

Les auteurs des Évangiles : des témoins oculaires et leurs compagnons

Pitre explore ensuite les preuves internes et externes de l'auteur de chaque Évangile :
• Matthieu : l'Évangile est attribué à Matthieu, ancien collecteur d'impôts et apôtre. Contre l'idée que les apôtres étaient analphabètes, Pitre souligne que Matthieu, de par sa profession, était très probablement lettré et capable d'écrire, y compris en grec. Les Pères de l'Église confirment qu'il a rédigé un Évangile en hébreu.
• Marc : identifié comme le compagnon de Paul et le disciple de Pierre, Marc n'était pas un témoin oculaire direct de Jésus. Mais Papias de Hiérapolis et Irénée de Lyon attestent qu'il a retranscrit fidèlement l'enseignement oral de Pierre.
• Luc : médecin et compagnon de Paul, Luc déclare dans son prologue s'être appuyé sur le témoignage de témoins oculaires. Son Évangile, dédié à un certain Théophile, ainsi que les Actes des Apôtres (qu'il a également rédigés), forment une paire inséparable. Sa dédicace à Théophile rend impensable l'idée d'un ouvrage originellement anonyme.
• Jean : l'Évangile s'attribue lui-même au "disciple que Jésus aimait", largement identifié comme l'apôtre Jean, fils de Zébédée. Sa famille était suffisamment aisée pour avoir des serviteurs, suggérant une possible alphabétisation, ou l'utilisation d'un secrétaire, pratique courante à l'époque.
L'unanimité des Pères de l'Église, comme Justin Martyr, Irénée de Lyon, Clément d'Alexandrie et Tertullien, sur l'identité des auteurs des quatre Évangiles est un argument de poids. Ils n'ont jamais douté de leur authenticité. De plus, même des hérétiques et des critiques païens du christianisme, comme Celse au IIe siècle, acceptaient que les Évangiles aient été écrits par les disciples de Jésus, bien qu'ils en contestent le contenu. En revanche, ces mêmes Pères de l'Église ont rejeté les "évangiles perdus" (comme l'Évangile de Thomas ou de Judas) comme des faux et des forgeries, précisément parce qu'ils manquaient de preuves externes d'authenticité et contenaient des enseignements hérétiques.

Les Évangiles : des biographies historiques

Pitre réfute l'idée, notamment de Rudolf Bultmann, selon laquelle les Évangiles seraient plus proches du folklore que de la biographie historique. Il démontre que les Évangiles partagent de nombreuses caractéristiques avec les biographies gréco-romaines antiques : ils se concentrent sur la vie d'une seule personne, ont une longueur similaire (10 000 à 20 000 mots), commencent souvent par la généalogie du sujet, n'étaient pas nécessairement chronologiques et ne prétendaient pas être exhaustifs.
Plus important encore, les Évangiles sont des biographies historiques. Luc et Jean insistent explicitement sur le fait qu'ils rapportent la vérité sur les paroles et les actes de Jésus, basés sur des témoignages oculaires. Ils ne sont pas des transcriptions mot pour mot, mais visent à rendre la "substance" de ce que Jésus a dit et fait.

La datation des Évangiles : plus tôt que prévu

Pitre remet en question la datation standard des Évangiles synoptiques à la fin du Ier siècle (Marc vers 70, Matthieu et Luc vers 80-85, Jean vers 90-95). L'argument principal pour cette datation tardive repose sur l'interprétation des prophéties de Jésus concernant la destruction du Temple en 70 apr. J.-C. comme des récits "après coup". Cependant, Pitre souligne que l'Ancien Testament contient déjà des descriptions détaillées de la destruction du Temple (par Nabuchodonosor en 586 av. J.-C.), et que Jésus n'était pas le seul à prophétiser une nouvelle destruction. Surtout, les Évangiles ne mentionnent jamais la destruction du Temple comme un événement passé, et contiennent des avertissements (comme "priez que cela n'arrive pas en hiver") qui n'auraient de sens que s'ils avaient été écrits avant l'événement.
De plus, la théorie des deux sources (Marc et une source Q hypothétique) est un point de départ peu fiable pour la datation, étant donnée l'insolubilité du problème synoptique et le caractère purement hypothétique de la source Q, dont aucun manuscrit ni référence n'a jamais été trouvé.
Un argument clé pour une datation plus précoce est la fin des Actes des Apôtres. Le livre se termine brusquement avec Paul sous assignation à résidence à Rome vers 62 apr. J.-C.. Si Luc avait écrit après 70 apr. J.-C., il aurait probablement mentionné le martyre de Paul et Pierre. Cela suggère que Luc a écrit les Actes avant 62 apr. J.-C. Si l'Évangile de Luc a été écrit avant les Actes, et que Matthieu et Marc ont précédé Luc, alors au moins deux, voire les trois Évangiles synoptiques, auraient été rédigés avant 62 apr. J.-C., réduisant considérablement le "fossé temporel" entre la vie de Jésus et les Évangiles.

Jésus a-t-il réellement prétendu être Dieu ?

C'est la question centrale du livre. Pitre soutient que Jésus a affirmé sa divinité, mais par des énigmes, des questions et des actions que son public aurait comprises dans leur contexte juif du Ier siècle.
• La tempête apaisée : Jésus démontre un pouvoir sur le vent et la mer que l'Ancien Testament attribue exclusivement à YHWH, le Dieu d'Israël (par exemple, Psaume 107). La question des disciples, "Qui est donc celui-ci, que même le vent et la mer lui obéissent ?", révèle l'implication divine de son action.
• La marche sur l'eau : Jésus se révèle en disant "Je suis" (grec egō eimi), une expression qui renvoie au nom divin révélé à Moïse dans le buisson ardent (Exode 3:14). Les disciples, effrayés et stupéfaits, finissent par l'adorer, le reconnaissant comme le Fils de Dieu.
• La transfiguration : sur la montagne, Moïse et Élie apparaissent avec Jésus, et une voix du ciel le déclare "mon Fils bien-aimé". Moïse et Élie voient enfin la face de Dieu qu'ils n'avaient pu voir de leur vivant, désormais incarnée en Jésus.
Jésus a souvent maintenu une certaine "discrétion messianique" pour des raisons afin d'éviter d'être perçu comme un révolutionnaire et d'être exécuté avant le moment opportun. Cependant, des épisodes comme la guérison du paralytique, où Jésus pardonne les péchés et affirme son autorité en tant que "Fils de l'Homme" (une figure divine de Daniel 7), ou sa question sur le Messie comme "Seigneur de David" (Psaume 110, décrivant un roi céleste co-régnant avec Dieu et préexistant), sont des énigmes qui invitent son auditoire à reconnaître sa divinité. Même sa conversation avec le "jeune homme riche", où il déclare "Nul n'est bon, si ce n'est Dieu seul", n'est pas un déni de sa divinité, mais une invitation à reconnaître sa propre bonté divine, équivalant à celle de Dieu, surtout lorsqu'il l'invite à "Viens, suis-moi".

La Crucifixion : condamné pour blasphème

L'événement le plus "scandaleux pour les juifs et la folie pour les Gentils" – la Crucifixion – trouve son explication non pas dans des menaces contre le Temple, mais dans la revendication de Jésus de sa propre identité divine. Lors de son procès devant le Sanhédrin, la charge de blasphème est prononcée après que Jésus ait affirmé être le Messie, le Fils du Béni, et le "Fils de l'Homme" venant sur les nuées du ciel, assis à la droite de la Puissance (Daniel 7:13-14, Psaume 110:1). Cette affirmation d'une égalité avec Dieu est ce qui a déclenché la réaction de déchirure des vêtements de Caïphe, un signe de condamnation pour blasphème contre Dieu. Le fait que l'Évangile de Jean rapporte aussi cette accusation de blasphème pour s'être fait "Fils de Dieu" renforce cette conclusion.
Même son cri sur la croix, "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?", n'est pas un signe de désespoir, mais une citation délibérée du Psaume 22. Ce psaume, prophétique de la crucifixion, se termine par une affirmation de confiance en Dieu et la conversion des nations païennes. La crucifixion de Jésus, avec le sang et l'eau s'écoulant de son côté (Jean 19:34-35), symbolise sa mort comme le sacrifice du véritable Temple, la présence de Dieu sur terre.

La Résurrection : une réalité physique et glorifiée

La Résurrection n'est pas une simple réanimation, ni l'immortalité de l'âme, ni une simple exaltation au ciel (distincte de l'Ascension). Pour les disciples, la Résurrection signifie un retour à une vie corporelle nouvelle et transformée, où le corps de Jésus conserve ses plaies mais possède de nouvelles qualités extraordinaires (traverser les murs, changer d'apparence). La confession de Thomas, "Mon Seigneur et mon Dieu !", après avoir vu le Christ ressuscité, en témoigne.
La foi en la Résurrection s'est répandue non par crédulité (les disciples eux-mêmes ont douté), mais pour trois raisons majeures :
1. Le tombeau vide : tous les Évangiles attestent de sa découverte par les femmes. Le fait que ce témoignage féminin, peu crédible à l'époque, ait été conservé, renforce son authenticité historique.
2. Les apparitions du Christ ressuscité : de nombreux témoignages oculaires rapportent des apparitions de Jésus à Marie-Madeleine, Pierre, Jacques, Jean, Thomas, à plus de cinq cents frères, et à Paul. Les différences de détails n'invalident pas la réalité des apparitions.
3. L'accomplissement des Écritures : la résurrection de Jésus au troisième jour est présentée comme l'accomplissement des prophéties juives, en particulier le "signe de Jonas" (Matthieu 12:38-41). L'histoire de Jonas n'est pas celle d'une survie miraculeuse, mais d'une mort et d'une résurrection, suivie par la conversion d'une ville païenne, Ninive. Le miracle de Jésus est double : sa Résurrection et la conversion inexplicable des nations païennes qui s'ensuit, un phénomène dont les Pères de l'Église, comme Eusèbe de Césarée, ont été les témoins stupéfaits.

La question ultime : "Mais pour vous, qui suis-je ?"

En conclusion, Pitre réexamine le trilemme de C.S. Lewis (menteur, fou ou Seigneur). La "quatrième option" – que Jésus n'ait jamais prétendu être divin – exige d'ignorer une quantité considérable de preuves historiques : les manuscrits, les Pères de l'Église, le genre littéraire des Évangiles, leur datation précoce, les miracles, les accusations de blasphème, le tombeau vide et les apparitions du Ressuscité, et les prophéties bibliques.
Pitre montre que les preuves historiques sont massives : Jésus a agi et parlé comme s'il était Dieu, et il a été crucifié pour cette revendication. Il l'a fait de manière progressive, par des énigmes et des questions, invitant ses disciples et son auditoire à une découverte personnelle. La confession de Pierre à Césarée de Philippe, "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant", n'est pas le fruit de l'intellect humain, mais une révélation divine du Père.

Le christianisme est-il vrai ? Une défense logique en douze points.



Le Dr. Norman L. Geisler propose dans ce livre (2012) une défense originale et systématique de la foi chrétienne. Il construit une argumentation logique, pas à pas, comme une "escalier solide d'étapes à la lumière des preuves". Le livre invite les athées, agnostiques, sceptiques et autres non-chrétiens à examiner les preuves de la foi chrétienne avec un esprit ouvert. Ce n'est pas un "saut de foi dans l'obscurité", mais une démarche rationnelle basée sur des évidences.

1. La vérité sur la réalité est connaissable

Le point de départ est la reconnaissance que la vérité sur la réalité est connaissable. La vérité est ce qui correspond à la réalité. Nier l'existence de la réalité ou notre capacité à la connaître est auto-réfutant ; par exemple, pour nier son existence, il faut exister. De même, affirmer qu'on ne peut connaître aucune vérité sur le monde réel est faire une affirmation de vérité sur le monde réel. Le scepticisme total et l'agnosticisme total échouent, car il y a des choses que nous pouvons et que nous savons.

2. Les opposés ne peuvent être vrais simultanément

La loi fondamentale de la pensée est la loi de non-contradiction, qui stipule que quelque chose ne peut être à la fois vrai et faux en même temps et dans le même sens. Cette loi est auto-évidente et indéniable. Ses conséquences sont claires : si une vue est vraie, son opposé est faux. Cela s'applique aux religions : si le théisme est vrai, l'athéisme est faux. La croyance commune en un "pluralisme religieux" où toutes les religions peuvent être vraies dans leurs croyances centrales est donc détruite par cette loi, car elles détiennent souvent des vues opposées sur des points cruciaux comme l'existence de Dieu, la réincarnation ou la nature divine. Cependant, une religion peut être vraie sur certains points tout en ayant des erreurs sur d'autres. La logique s'applique même à Dieu, qui ne la transcende pas, mais l'incarne en tant qu'Être rationnel et cohérent.

3. Le Dieu du théisme existe

La question cruciale est l'existence d'un Dieu théiste, défini comme un Être personnel infini, moral et transcendant l'univers, qui l'a créé.
Plusieurs arguments soutiennent cette affirmation :
• Arguments cosmologiques :
◦ Forme horizontale (origine de l'univers) : tout ce qui a eu un commencement a une cause. L'univers a eu un commencement, comme le prouve la seconde loi de la thermodynamique (l'énergie utilisable diminue) et l'expansion de l'univers (Big Bang). Il a donc une cause extérieure à lui-même.
◦ Forme verticale (existence continue) : tout être contingent (dépendant) a une cause continue. L'univers entier est contingent ; donc, il a une cause nécessaire qui le maintient en existence à chaque instant. Si toutes les parties sont causées, le tout l'est aussi.
• Arguments téléologiques (dessein) :
◦ Principe anthropique : l'univers est finement ajusté pour l'émergence de la vie humaine. Plus de cent facteurs (niveau d'oxygène, distance au soleil, force gravitationnelle...) doivent être parfaitement équilibrés. Un tel arrangement pointe vers une cause intelligente.
◦ Microbiologie et complexité spécifiée : la complexité irréductible de la cellule vivante et la complexité spécifiée de l'ADN (mathématiquement identique à un langage humain) suggèrent un concepteur intelligent. Des athées comme Francis Crick et Sir Fred Hoyle ont reconnu la nature quasi "miraculeuse" de l'origine de la vie.
• Argument moral
Toute loi morale a un donneur de loi moral. L'existence d'une loi morale objective (le sens du juste et de l'injuste) est attestée par l'expérience humaine universelle, la possibilité de progrès moral, le sentiment de culpabilité, et la présence de codes moraux similaires dans la plupart des cultures. D'anciens athées comme C. S. Lewis et Francis Collins ont été convaincus par cet argument et se sont convertis.
• Argument du besoin religieux
Le besoin universel et intrinsèquement humain de Dieu, même chez de nombreux athées, suggère que cet objet de désir existe, à l'instar d'autres désirs fondamentaux (faim, soif) qui ont une satisfaction correspondante.
Les objections, telles que "si tout a une cause, alors Dieu aussi", sont réfutées en précisant que seule ce qui a un commencement ou est contingent a besoin d'une cause ; Dieu est éternel et nécessaire.

4. Les miracles sont possibles

Si un Dieu théiste existe, alors les miracles sont possibles. La création de l'univers à partir de rien est le plus grand de tous les miracles, rendant les "petits" miracles (ex: transformer l'eau en vin) tout à fait concevables pour un Être tout-puissant. Les miracles sont des interventions surnaturelles dans le cours habituel des événements. Ils se distinguent des anomalies, événements psychosomatiques, coïncidences providentielles ou tours de magie. Les véritables miracles portent la "marque de Dieu", comme la création de vie ou la résurrection des morts.
Les arguments de David Hume contre les miracles sont réfutés : définir les miracles comme impossibles est une pétition de principe. La forme "douce" de son argument, selon laquelle la preuve du régulier est toujours supérieure à celle du rare, est également fausse. Les scientifiques acceptent des événements singuliers (comme le Big Bang ou l'origine de la vie) sans preuves répétées.

5. Les miracles peuvent confirmer un message de Dieu

Les miracles, lorsqu'ils sont liés à une revendication de vérité, peuvent confirmer qu'un message vient de Dieu. Une entité surnaturelle tout-puissante, tout-connaissante et moralement parfaite ne confirmerait pas un mensonge. L'Ancien Testament (Moïse, Élie), Jésus et les apôtres (Pierre, Paul) ont tous utilisé des miracles pour authentifier leur message. Même des incroyants comme David Hume et Bertrand Russell ont admis que des miracles uniques pourraient servir de confirmation divine.
Les critères pour une confirmation miraculeuse incluent : des événements véritablement surnaturels, multiples, liés à une revendication de vérité en nom de Dieu, uniques, et incluant un élément prédictif.

6. Les documents du Nouveau Testament sont historiquement fiables

La fiabilité historique des documents du Nouveau Testament est cruciale. Elle est attestée par :
• Nombre de manuscrits : près de 5 800 manuscrits grecs, bien plus que tout autre ouvrage antique (l'Iliade en a 643).
• Date ancienne : les plus anciens manuscrits datent de quelques décennies après la composition des originaux (Papyrus John Ryland daté entre 117 et 138 après J.-C.).
• Précision : le Nouveau Testament est copié avec une précision estimée à 99,9%, la meilleure pour tout livre ancien.
• Confirmation par les Pères de l'Église : des citations abondantes et précoces des Évangiles et des Épîtres dans les écrits des Pères de l'Église confirment leur existence et leur diffusion rapide.
• Historisation des Actes et des Évangiles : le livre des Actes, écrit par Luc, est daté avant 70 après J.-C. (avant la chute de Jérusalem, la mort de Paul en 65). L'auteur (Luc) est un historien de premier ordre, comme en témoigne sa connaissance détaillée des noms, lieux, coutumes et faits géographiques et politiques de l'époque, confirmée par l'archéologie et l'histoire séculière (Pline le Jeune, Tacite, Josèphe). Les Évangiles, y compris celui de Luc, sont donc des œuvres historiques fiables.
• Témoignages oculaires et credos anciens : les récits sont basés sur des témoignages oculaires. Des credos primitifs (comme 1 Corinthiens 15:3-8), datant de quelques années seulement après la mort du Christ, confirment les faits centraux.
Les objections, telles que l'impossibilité de connaître le passé ou l'irréalisme des récits miraculeux, sont réfutées par l'approche scientifique de l'histoire et la possibilité des miracles établie précédemment.

7. Selon les documents du Nouveau Testament, Jésus a affirmé être Dieu

Les documents historiquement fiables du Nouveau Testament révèlent que Jésus de Nazareth a affirmé être Dieu.
• Contexte de l'Ancien Testament : les prophéties messianiques de l'Ancien Testament prédisaient un Messie divin (Psaume 45:6-7, Isaïe 9:6 l'appelle "Dieu puissant", Zacharie 12:10).
• Revendications de Jésus :
◦ Il s'est déclaré le Messie.
◦ Il a utilisé l'expression divine "Je suis" (Exode 3:14) à plusieurs reprises (Jean 8:58), ce qui a provoqué l'accusation de blasphème et la tentative de lapidation des juifs.
◦ Il a affirmé pouvoir pardonner les péchés, prérogative divine (Marc 2:5-7).
◦ Il a demandé à être honoré comme le Père est honoré (Jean 5:23).
◦ Il a accepté l'adoration en de nombreuses occasions, alors que les humains et les anges la refusaient (Matthieu 14:33, Jean 9:38, 20:28).
◦ Il a placé Ses propres paroles au même niveau que celles de Dieu (Matthieu 24:35).
◦ Il a demandé à Ses disciples de prier en Son nom (Jean 14:13).
◦ Il a accepté les titres de divinité (Thomas l'appelle "Mon Seigneur et mon Dieu" en Jean 20:28).
Les objections ("Le Père est plus grand que moi" en Jean 14:28, ou Jésus ne connaissant pas le moment de Son retour en Marc 13:32) sont expliquées par Sa double nature divine et humaine. Comme homme, Il a des limites, mais comme Dieu, Il ne peut errer.

8. La revendication de Jésus a été confirmée par un ensemble unique de miracles

La revendication de Jésus d'être Dieu a été confirmée par une convergence unique de trois ensembles de miracles sans précédent.
• Prophéties surnaturelles :
◦ Accomplissement de prophéties de l'Ancien Testament : Jésus a accompli près de 100 prédictions messianiques faites des centaines d'années à l'avance, claires et spécifiques (par ex. naissance d'une vierge à Bethléem, souffrances et mort pour Son peuple, Résurrection, Daniel 9, Isaïe 53).
◦ Prophéties faites par Jésus : Il a prédit Sa propre Résurrection (Matthieu 12:40, 17:22-23), la destruction de Jérusalem (Matthieu 24:1-2) et d'autres événements.
• Événements surnaturels accomplis par Jésus :
◦ Jésus a réalisé plus de soixante miracles enregistrés, inégalés dans l'histoire, incluant la guérison de maladies incurables, la résurrection des morts (Lazare), la marche sur l'eau, la transformation de l'eau en vin, la multiplication des pains et des poissons.
• Vie surnaturelle (sans péché) :
◦ Jésus a mené une vie sans péché, ce qui est un "miracle" en soi. Sa perfection morale a été attestée par Ses disciples (Pierre, Jean, Paul), Ses ennemis (Judas, Pilate, le centurion). Il a enseigné et incarné l'éthique la plus élevée (Sermon sur la Montagne).
◦ Les critiques comme Bertrand Russell, qui L'ont accusé d'inhumanité ou de vindicte, sont réfutées, car la colère contre le péché est juste, et Ses actions étaient motivées par la compassion.
• Résurrection surnaturelle :
◦ Le plus grand miracle confirmant les revendications du Christ a été Sa résurrection physique d'entre les morts.
◦ Preuve de sa mort physique : prophéties de l'Ancien Testament, Ses propres prédictions, la nature de la crucifixion (mort par suffocation), le coup de lance (sang et eau), les déclarations des soldats et de Pilate, Son enterrement, et les nombreux témoins (amis et ennemis).
◦ Preuve de sa résurrection physique : le tombeau vide et gardé, l'absence de Son corps, les nombreux témoignages de Son apparition à plus de 500 personnes à 12 occasions différentes, y compris des sceptiques comme Thomas, Jacques (son frère incrédule) et Saul de Tarse (Paul). Son corps ressuscité était physique (visible, palpable, mangeait, portait les cicatrices). Les objections sur le "corps spirituel" (1 Co 15:44) ne nient pas la matérialité, mais la source spirituelle de la vie.

9. Jésus a été surnaturellement confirmé comme Dieu Incarné

La convergence des preuves - prophéties accomplies, miracles incomparables et vie sans péché, culminant dans Sa résurrection – prouve que Jésus a été surnaturellement confirmé comme Dieu incarné.

10. Ce que Jésus a affirmé est vrai

Puisque Jésus est Dieu, Il est omniscient et moralement parfait, donc Il ne peut ni se tromper involontairement, ni mentir intentionnellement. Par conséquent, tout ce que Jésus a enseigné comme vrai, est vrai. Ses limitations humaines n'annulent pas cette vérité, car Il n'a jamais enseigné dans les domaines de Son ignorance, et lorsqu'Il a affirmé quelque chose, Il l'a fait avec une autorité divine. La "théorie de l'accommodation" (Dieu s'adapte aux erreurs humaines) est réfutée, car Dieu peut s'adapter sans compromettre la vérité ou enseigner l'erreur.

11. Jésus a affirmé que la Bible est la Parole de Dieu

Jésus a confirmé l'autorité de l'Ancien Testament et a promis le Nouveau Testament.
• Confirmation de l'Ancien Testament : il a affirmé que les Écritures sont impérissables (Matthieu 5:17-18), inspirées par Dieu (Matthieu 22:43), incassables (Jean 10:35), la Parole même de Dieu (Matthieu 15:3,6), suprêmes et infaillibles (Matthieu 22:29), historiquement (création, Jonas, déluge de Noé) et scientifiquement exactes (Genèse 1-2).
• Promesse du Nouveau Testament : Jésus a promis que le Saint-Esprit enseignerait "toute vérité" à Ses disciples et leur rappellerait tout ce qu'Il avait dit (Jean 14:26, 16:13). Les apôtres ont revendiqué cette autorité divine pour leurs écrits. Le Nouveau Testament est le seul enregistrement authentique de l'enseignement apostolique.
Jésus a réfuté les affirmations des critiques modernes de la Bible.

12. La Bible est la Parole de Dieu et ce qui s'y oppose est faux

Le douzième point est aussi la conclusion : la Bible est la Parole de Dieu, et tout ce qui s'oppose à une vérité biblique est faux. Cela ne signifie pas qu'il n'y a aucune vérité en dehors de la Bible, car la révélation générale (conscience, nature) contient des vérités morales et théologiques que l'on retrouve dans d'autres religions. Cependant, si la Bible affirme quelque chose comme vrai, toute affirmation contraire, qu'elle vienne d'une autre religion ou d'une autre source, est nécessairement fausse.

Les expériences de mort imminente analysées par la Tradition orthodoxe, selon Seraphim Rose.



Oeuvre fondamentale qui vise à éclairer les phénomènes modernes des expériences de mort imminente (EMI) à travers le prisme de la doctrine chrétienne orthodoxe.

Le Père Séraphin Rose, figure éminente de l'Orthodoxie américaine moderne, a dédié sa vie à la redécouverte des vérités spirituelles traditionnelles, estimant que le monde contemporain, coupé de ses racines chrétiennes, interprète erronément ces expériences.

L'ouvrage s'ouvre sur le constat d'un intérêt croissant pour la vie après la mort, alimenté par des récits de personnes "cliniquement mortes" puis réanimées, popularisés par des chercheurs comme le Dr Raymond Moody et la Dre Elisabeth Kübler-Ross. Ces témoignages décrivent souvent des sensations de sortie du corps, une paix intense, une perception aiguisée et la rencontre avec des proches décédés. Un élément récurrent est l'apparition d'un «être de lumière», perçu comme aimant et bienveillant, incitant à une rétrospection de la vie, mais sans jugement.

Séraphin Rose met en garde contre une interprétation superficielle de ces expériences, soulignant leur nature ambiguë. Pour l'Église orthodoxe, l'âme, à l'instant de la mort, est accueillie par des anges. Cependant, l'au-delà est aussi le domaine des esprits déchus, ou démons, qui rôdent dans le «royaume aérien» (Éphésiens 2:2, 6:12). Ces démons, selon l'enseignement patristique, peuvent se déguiser en «anges de lumière» (2 Corinthiens 11:14) pour tromper les âmes. La doctrine orthodoxe insiste sur le fait que les anges apparaissent généralement comme de jeunes hommes éblouissants vêtus de blanc, tandis que les «êtres de lumière» modernes sont parfois sans forme reconnaissable.

Un concept central et souvent mal compris est celui des «péages aériens». Il s'agit d'une série d'étapes temporaires de purification que l'âme peut traverser après la mort, et où l'âme est testée par les démons, selon l'enseignement de Pères comme saint Athanase le Grand, saint Jean Chrysostome et saint Macaire le Grand. Ces épreuves jugent les péchés de l'âme, et les anges qui l'accompagnent présentent ses bonnes œuvres pour la défendre. L'icône de Novgorod du XVIe siècle illustre les «vingt stations des péages aériens». Bien que les détails de ces récits puissent être métaphoriques, la réalité spirituelle du combat post-mortem est ferme. La Bienheureuse Théodora, dont le voyage à travers ces péages est détaillé dans la Vie de saint Basile le Nouveau, en est un exemple frappant. En revanche, les expériences de mort imminente contemporaines ne mentionnent presque jamais ces péages, manquant d'une dimension de jugement.

Le livre confronte également les visions modernes du «paradis» ou de l'«enfer» avec les expériences chrétiennes authentiques. Les descriptions modernes de «cieux» agréables, parfois avec des paysages familiers, sont jugées superficielles et potentiellement illusoires. En revanche, les vraies expériences du Ciel, rapportées par des saints comme saint Salvien d'Albi ou saint André le Fol-en-Christ, sont caractérisées par une lumière divine ineffable, une odeur merveilleuse, une humilité profonde Elles sont toujours médiatisées par des anges et témoignent d'une réalité spirituelle bien au-delà de la perception terrestre. L'Enfer, lui aussi, est une réalité redoutable, décrite comme un lieu de tourments et de lamentations, visant à inspirer la repentance aux vivants. Le Dr Maurice Rawlings, clinicien, a d'ailleurs documenté des expériences infernales, souvent refoulées par les patients.

Séraphin Rose critique l'approche «scientifique» des EMI, qui, faute de cadre théologique, et se tourne souvent vers des textes occultes non chrétiens (le Livre des Morts tibétain, les écrits d'Emanuel Swedenborg, le «plan astral» de la Théosophie). Il compare ces expériences «hors du corps» à des «voyages astraux», un domaine où les esprits déchus trompent les âmes en leur offrant des illusions de paix et d'«évolution» sans jugement. Robert Monroe, un homme d'affaires américain qui a documenté ses propres voyages hors du corps, a rencontré des entités et des réalités qui rappellent les descriptions démoniaques.

Le livre réfute également la réincarnation, doctrine populaire dans le monde moderne. L'Église orthodoxe enseigne l'unicité de la vie terrestre comme préparation à un Jugement Particulier et à un Jugement Dernier, avec la résurrection du même corps.

L'attitude chrétienne face à la mort est faite de crainte de Dieu, de repentance et de lutte spirituelle, à l'opposé de l'optimisme insouciant des approches occultes et de certaines formes de protestantisme moderne. Les prières pour les morts, en particulier la Divine Liturgie, sont essentielles pour soulager les âmes dans l'au-delà, même celles en enfer, démontrant la miséricorde de Dieu au-delà de toute justice humaine stricte.
Saint Marc d'Éphèse a fortement défendu cette position contre la doctrine latine du purgatoire. L'âme reste consciente après la mort, capable de ressentir les prières et d'en tirer profit.

Face à la confusion spirituelle contemporaine, cet ouvrage du Père Séraphin Rose exhorte les chrétiens à la sobriété, à la vigilance et à la fidélité à la Tradition de l'Église pour naviguer dans les réalités de la vie et de la mort.

Il est bon toutefois de savoir que la pensée du Père Séraphin Rose sur ces points n'est pas unanime dans l'Église orthodoxe. Il ne s'agit en rien de dogmes ni des décisions d'un concile oecuménique.

La Pentecôte démoniaque du syncrétisme religieux, selon le Père Séraphim Rose.



Attention, ceci n'est pas un livre pour tout le monde et il ne faut pas y chercher de consensus mou ni de "bon sentiments"!
Cet ouvrage du Hiéromoine Séraphim Rose (1934-1982), publié pour la première fois en 1975 et mis à jour en 1979, est considéré par certains comme une œuvre prophétique. Difficile de dire le contraire. Il y analyse les phénomènes religieux contemporains, perçus comme des symptômes d'une "nouvelle conscience religieuse" préparant le terrain pour une religion mondiale et marquant le début d'une "pentecôte démoniaque". Le Père Séraphim a su anticiper que ce qui était alors considéré comme marginal allait devenir le courant dominant de notre époque.
L'ouvrage, issu d'une étude approfondie des courants spirituels du XXe siècle à la lumière de la sagesse intemporelle des Saints Pères, expose une analyse pénétrante sans précédent. Sa pensée est ancrée dans l'esprit patristique orthodoxe. Le livre a eu un impact considérable, notamment en Russie, où il a été diffusé clandestinement et a touché des milliers de vies, aidant les gens à se libérer de la tromperie spirituelle.
Le Père Séraphim Rose dénonce l'idée, popularisée par des figures comme le Pape Paul VI, selon laquelle chrétiens, juifs et musulmans adoreraient le "même Dieu". Pour l'Orthodoxie, cette assertion est absurde, car elle nie la Sainte Trinité et relègue le Christ à un "simple prophète". Le livre met en lumière des exemples de syncrétisme, comme la Convocation de la Religion pour la Paix Mondiale à San Francisco en 1965, où des représentants de diverses religions ont prié ensemble, ou les conférences du "Temple de la Compréhension" où les délégués orthodoxes participent à des services de prière "supra-confessionnels". Le Métropolite Georges Khodre de Beyrouth est cité pour avoir appelé les chrétiens à s'enrichir de la "vie spirituelle authentique des non-baptisés", suggérant que le Christ peut être reçu comme lumière même par un brahmin ou un bouddhiste.
L'auteur examine ensuite l'invasion du christianisme par les religions orientales. L'hindouisme, par exemple, séduit en proposant une "divinité originelle" au lieu du péché originel, et une vision de la douleur comme "maya" (illusion). Ses pratiques sont présentées comme un moyen de vérifier la philosophie par l'expérience, conduisant à des "expériences spirituelles" souvent d'origine psychique ou diabolique. La mission de Swami Vivekananda, qui a introduit les idées védantiques en Occident au tournant du XXe siècle, visait à préparer le terrain pour une "religion universelle" où toutes les religions seraient considérées comme des "niveaux de vérité" menant à la réalisation de l'homme comme Dieu. Le Père Séraphim révèle comment cette philosophie a infiltré le catholicisme moderniste, citant les propos du Père Robert Campbell qui décrit des doctrines modernistes comme la relativité de la vérité, l'impersonnalité de Dieu, et la divinité de tous les hommes, qui sont en réalité du pur Vedanta.
Thomas Merton, le moine trappiste, est également mentionné pour ses vues syncrétiques entre le christianisme et le zen.
Des pratiques telles que le "yoga chrétien" ou le "zen chrétien" sont analysées comme des tentatives de syncrétisme dangereux.
Le livre aborde un phénomène d'apparence non religieuse, les ovni, comme un autre signe de la "nouvelle conscience religieuse". Il montre comment la science-fiction a préparé l'esprit moderne à l'idée de "visiteurs de l'espace". Le Père Séraphim, s'appuyant sur des chercheurs comme Jacques Vallée et J. Allen Hynek, conclut que les ovni ne sont pas des engins physiques extraterrestres, mais plutôt des phénomènes "paraphysiques" ou occultes.
Des récits d'ovni, comme ceux des rencontres rapprochées du troisième type avec des "humanoïdes" ou des "enlèvements", sont comparés à des histoires de sorcellerie et de manifestations démoniaques décrites dans les Vies de Saints. Le but de ces phénomènes est d'émerveiller et de confondre les observateurs, de fournir des "preuves" de "hautes intelligences" et de gagner leur confiance pour communiquer un message. L'aspect "absurde" de nombreuses rencontres d'ovni peut être interprété comme une technique hypnotique visant à ouvrir l'esprit à de "nouveaux symboles".
Le "renouveau charismatique" est présenté comme un autre signe des temps, issu du mouvement pentecôtiste du XXe siècle et s'étant répandu dans les dénominations protestantes et catholiques. L'accent mis sur le "parler en langues" est jugé exagéré par rapport au Nouveau Testament, où ce don a une signification mineure. L'auteur critique les méthodes artificielles pour provoquer le parler en langues, comme la répétition de phrases ou de sons, et les considère comme des "jeux psychiques dangereux". Le mouvement est caractérisé comme étant de nature "médiumnique", où les "dons" ne sont pas de véritables dons de l'Esprit Saint mais des techniques psychiques. Les témoignages des participants décrivent des expériences physiques comme le rire incontrôlable, les pleurs, les tremblements, et les chutes au sol. Le "rire du Saint-Esprit" est considéré comme une notion non chrétienne, mais plutôt païenne.
Le concept de "tromperie spirituelle" est central pour comprendre le Renouveau charismatique. L'Orthodoxie enseigne que la recherche de visions ou de sentiments spirituels élevés sans purification des passions et sans humilité mène à la tromperie. Les adeptes du mouvement charismatique sont décrits comme étant dans un état de "fancy" (tromperie subtile), attribuant des sentiments fabriqués et des actions démoniaques à la grâce divine. L'expérience d'une "Pentecôte sans Christ", où des personnes peuvent recevoir le "baptême dans le Saint-Esprit" sans repentance ni délivrance des habitudes pécheresses, démontre que cette expérience n'est pas chrétienne en soi.
L'épilogue de la cinquième édition détaille comment les prophéties du Père Séraphim on été amplement confirmées :
Le mouvement New Age a pris une forme plus définie, avec la promotion du panthéisme, de la réincarnation et de psychotechnologies pour atteindre de nouveaux niveaux de conscience.
Les ovni sont de plus en plus reconnus comme ayant une composante psychique et occulte, avec des témoignages d'enlèvements décrivant des "visiteurs" cruels et malveillants. Des personnalités comme Whitley Strieber lient ces contacts à l'avènement d'un "Nouvel Âge", où l'humanité évoluera vers un état "cosmique" en rejetant les "hiérarchies anciennes" et la "mythologie religieuse" chrétienne.
Le "Plan pour le Nouvel Âge", élaboré par des occultistes comme Alice Bailey, vise à un "gouvernement mondial" et à une "religion universelle", où la Chute de l'homme est réinterprétée comme une "ascension à la connaissance" et Lucifer comme le "bienfaiteur de l'évolution de l'homme". Cette vision atteint son apogée avec la venue d'un faux Messie, le "Maitreya", dont l'arrivée sera accompagnée de "signes et merveilles mensongers".
Enfin, le christianisme est "dénaturé" et réinterprété pour s'intégrer à ce système mondialiste. La théologie féministe, par exemple, rejette la Trinité et le caractère unique du Christ, le présentant comme un simple "guide spirituel" de la déesse Sophia. Cette "nouvelle spiritualité" du "Nouvel Homme" se caractérise par une recherche vague et personnelle, sans engagement profond ni sacrifice, rendant l'individu vulnérable aux déceptions démoniaques.
Pour le Père Séraphim, tous ces phénomènes préfigurent la "religion de l'avenir", la religion de l'Antichrist, où le royaume du diable se présente comme celui du Christ. Seule l'Orthodoxie, avec sa compréhension patristique de la vie spirituelle et son discernement, peut démasquer ces tromperies. Il exhorte les chrétiens à s'accrocher à la grâce divine, à la repentance et à la vigilance, car "ceux qui ne feront pas l'expérience du Royaume de Dieu en eux ne pourront pas reconnaître l'Antichrist quand il viendra". Le livre se veut un appel à une vie chrétienne consciente et fidèle, car l'heure est grave et la victoire n'est qu'en Christ.