Le nihilisme, selon l'analyse du Père Séraphin Rose, est la philosophie fondamentale du XXe siècle et la racine de la Révolution de l'ère moderne. C'est un mouvement qui représente la guerre de l'homme moderne contre Dieu, visant à détruire l'ancien ordre pour ériger une utopie terrestre.
Le nihilisme se définit de manière succincte par Nietzsche : « Qu'il n'y a pas de vérité ; qu'il n'y a pas d'état de choses absolu – pas de 'chose en soi'. Ceci seul est le nihilisme, et du genre le plus extrême ». La question du nihilisme est donc, profondément, une question de... vérité absolue.
Cette doctrine est largement répandue et omniprésente, se traduisant dans le langage populaire par l'idée que « toute vérité est relative ». Cependant, cette affirmation est une contradiction en soi, car elle se présente elle-même comme une déclaration absolue. Le déni ou le doute de la vérité absolue conduit inévitablement à l'abîme du solipsisme et de l'irrationalisme.
L'alternative au nihilisme, qui seule échappe à la contradiction logique, est l'affirmation d'une vérité absolue qui ne peut être atteinte par des moyens humains relatifs, mais uniquement par la Révélation divine. Ceux qui refusent la Révélation chrétienne sont contraints de vivre selon une fausse révélation, et toutes les fausses révélations mènent à l'Abîme.
Une autre définition essentielle du nihilisme, formulée par Nietzsche, est qu'« il n'y a pas de réponse à la question : 'pourquoi ?' ». Le nihiliste est celui qui accepte ce « non » implicite comme réponse aux questions ultimes.
Le nihilisme, en tant que mouvement, a un fondement théologique inversé et un esprit satanique.
1. La guerre contre Dieu
Le nihiliste n'est pas un simple agnostique, mais un « antithéiste » qui a activement voulu la « mort de Dieu ». Bakounine estimait que si Dieu existait, « il faudrait l'abolir ». Cette rébellion nihiliste est une attitude spirituelle irréductible, ayant sa source dans la volonté satanique primale de négation. Elle est animée par la fierté satanique qui rejette la soumission à tout maître. La puissance du nihilisme réside dans cette ferveur inverse, visant à détruire la foi chrétienne rivale.
2. Le culte du néant
L'âme de l'homme, en reniant Dieu, semble retomber vers le néant dont Dieu l'a tiré. Ce néant, ou « rien » (nihil), est le dieu du nihiliste. Le nihiliste veut que le monde, qui tournait autour de Dieu, tourne désormais autour de rien. C'est pourquoi le monde nihiliste est celui de l'« absurde », car si le néant est au centre, le monde est incohérent. Nietzsche décrit ce paysage : « N'errons-nous pas comme à travers un néant infini ? L'espace vide ne nous souffle-t-il pas dessus ? N'est-il pas devenu plus froid ? La nuit ne vient-elle pas continuellement, de plus en plus sombre ? ». Le nihiliste se tient avec Satan, « le rebelle éternel, le premier libre-penseur et émancipateur des mondes » (Bakounine). Ce plan est l'œuvre de Satan, une inversion parodique de la création divine.
Le programme nihiliste est l'avènement du « Nouvel Homme ». Le nihilisme, malgré sa nature négative, poursuit un programme positif.
1. La destruction de l'ancien ordre
La violence est essentielle. La force est la « sage-femme » de toute vieille société enceinte d'une nouvelle (Marx). Les régimes nihilistes ont accompli la tâche de destruction : les bombes de la Seconde Guerre Mondiale, par exemple, ont brisé les « derniers obstacles à l'accomplissement de notre tâche révolutionnaire », nivelant l'ancien ordre (Goebbels).
2. La création de la « Nouvelle Terre »
L'objectif est d'établir un nouvel ordre, entièrement construit par des hommes « libérés ». Cela aboutit à un monde froid et inhumain, régi par l'organisation et l'efficacité, et non par l'amour. Lénine rêvait que toute la société devienne « un seul bureau et une seule usine ». Le monde artificiel ainsi érigé par des hommes sans Dieu sera « le despotisme absolu de la mondanité », une prison si efficace qu'il n'y aura « nulle part où aller ».
3. Le façonnage du « Nouvel Homme »
C'est la partie la plus importante et la plus funeste du programme : la « transformation de l'homme ». Ce « changement de masse dans la nature humaine » est jugé nécessaire par Marx et Engels. Le processus de changement exige la violence. Sous l'influence du vitalisme et du réalisme, l'individu est déraciné, désintégré, standardisé et mécanisé. Cette tendance est si puissante qu'elle est considérée comme une « véritable mutation » de la nature humaine. Le « nouvel homme » est l'homme déraciné, le sceptique, le chercheur de « nouvelles révélations », l'homme du moment sans conscience ni valeur, le « rebelle » se prenant pour son propre dieu, et surtout, l'« homme de la masse ».
L'ère « au-delà du nihilisme » exprime historiquement le fait que le travail de négation est terminé. Le nihilisme, dont le dieu est le néant, est un vide qui attend d'être comblé par un « nouveau dieu ». Nietzsche a prophétisé l'arrivée d'un « mouvement contraire » succédant à ce nihilisme parfait, visant à la « transvaluation de toutes les valeurs ».
Pour le chrétien orthodoxe, la vision du nihilisme est vaine : le monde n'est « rien » et Dieu est « tout ». Le nihiliste est finalement vaincu, car « il n'y a pas d'anéantissement ». L'ultime réfutation du nihilisme se trouve en Enfer : ceux qui rejettent Dieu et la vie « brûleront dans le feu de leur propre colère pour toujours et aspireront à la mort et à l'anéantissement. Mais ils n'atteindront pas la mort ».