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jeudi 25 septembre 2025

Les mystiques chrétiens des origines, selon Olivier Clément.



L'ouvrage Sources - Les mystiques chrétiens des origines d'Olivier Clément (1928 - 2009), l'un des théologiens orthodoxes les plus éminents de notre époque, est un texte fondamental qui explore la spiritualité mystique chrétienne à travers les écrits des Pères de l'Église primitive.

Ce livre, publié initialement en français en 1982, est considéré comme une contribution magistrale à l'érudition chrétienne. Il démontre la soif constante de l'être humain pour le transcendant et montre que « notre vie est toujours une merveille mystique ». Clément y fait parler les principaux témoins de l'Église indivise, de manière à rendre audible la voix de la Tradition, qui seule permet aux Églises de partager un « œcuménisme dans le temps ».

Clément soutient que le christianisme est avant tout une religion orientale et une religion mystique. Il s'étonne que, face à la soif de mysticisme de la société actuelle, beaucoup se tournent vers le Tao ou le Zen, alors que le christianisme, de toutes les religions orientales, est la meilleure et la plus complète. L'être humain est fondamentalement mystique, ses racines étant religieuses et artistiques, c'est-à-dire supra-rationnelles. Pour les Pères, la prière était aussi naturelle que la respiration, comme pour les oiseaux de voler ou les poissons de nager.

L'ouvrage est structuré selon un plan théologique, et non chronologique ou alphabétique des auteurs. Il se compose de trois parties principales : Comprendre le Mystère, Initiation au Combat, et Approches de la Contemplation.

1. COMPRENDRE LE MYSTÈRE

La première partie du livre s'ouvre sur la quête humaine. L'être humain vit une « vie morte » dans un monde où tout tend vers le néant, ce qui est la racine de son angoisse. Cette angoisse trahit un désir d'être et d'unité, une aspiration à connaître l'Être et l'Un. Saint Augustin déplore que le cœur humain soit inconstant, tiré à hue et à dia par les plaisirs et les ambitions.

Le désir est essentiel : « Le langage des âmes est leur désir », selon Grégoire le Grand. Ce désir est la réponse humaine à l'« extase de l'Amour » de Dieu qui déborde hors de lui-même pour permettre aux créatures de partager sa vie. Saint Hilaire de Poitiers note que le Verbe s'est fait chair pour que la chair puisse s'élever jusqu'au Verbe. Dieu, qui s'offre, ne nous force pas, car l'amour veut la liberté de l'être aimé. La naissance spirituelle est ainsi le résultat d'un libre choix ; nous nous créons nous-mêmes selon le modèle choisi.

Concernant Dieu, Clément explore l'approche apophatique. Dieu est infiniment transcendant, il embrasse tout dans le creux de sa main, tout en étant à l'intérieur et à l'extérieur de toute chose. Le mystère de l'Être ne peut être confondu avec un être. Pour Denys l'Aréopagite, célébrer les négations mène à la « parfaite ignorance » qui constitue la vraie connaissance de Celui qui transcende tout savoir.

L'Être Vivant est un Amour personnel, dont l'abîme n'est ni indifférencié ni indifférent. Maxime le Confesseur explique que Dieu a créé non pour combler un besoin, mais pour que ses créatures soient heureuses de partager sa ressemblance. Dieu est Esprit, Feu, Lumière, Vie, Amour. Le feu divin illumine tout en restant pur et inabsorbé.

La révélation du Christ est l'aboutissement des « visites du Verbe » faites à l'humanité. L'Incarnation est la kénose : le Christ s'est dépouillé, prenant la forme d'esclave, afin que l'homme puisse l'accepter en toute liberté. Pour Irénée de Lyon, la Parole de Dieu s'est faite chair pour que nous puissions entrer en communion avec Elle. L'Incarnation est le mystère caché, le but pour lequel tout a été créé. Le Christ est l'ultime synthèse du limité et de l'illimité, du Créateur et de la créature.

Le vrai sens de l'approche apophatique réside dans l'antinomie entre la Profondeur (Dieu inaccessible) et la Croix (l'homme de douleur). L'Incarnation est « un mystère encore plus inconcevable que tout autre ». Saint Grégoire de Nazianze souligne le paradoxe du Christ : homme, il est tenté ; Dieu, il triomphe. Il a faim, mais il est le pain de vie. Il meurt, mais détruit la mort. Le Père et le Fils partagent une mystérieuse « passion d'amour ». Origène suggère que même le Père connaît quelque chose de la « passion d'amour » en compatissant à nos souffrances. La Croix est vue comme fondamentalement donneuse de vie. Elle transfigure l'univers. La victoire sur la mort est aussi la victoire sur la mort spirituelle et sur l'enfer. L'Église primitive proclamait que, dorénavant, personne ne sera séparé de Dieu.

La kénose du Fils révèle le mystère de Dieu comme Amour, qui est une extension d'un échange au cœur de la Divinité. L'unité de Dieu n'est pas une solitude, mais la plénitude de la communion. La Trinité se révèle dans l'Écriture : le Père est « au-dessus de tout », le Verbe est « à travers tout », et l'Esprit est « en tout » (Éphésiens 4.6). Ainsi, la contemplation du plus petit objet est une expérience de la Trinité. Les Personnes divines existent les unes dans les autres (perichoresis). La perichoresis est définie comme une « kénose joyeuse », prolongeant l'auto-anéantissement du Fils dans l'histoire. Le Père est la seule origine du Fils et de l'Esprit ; il est l'Abîme insondable. L'Esprit Saint est le « Dieu caché, le Dieu intérieur ».

L'humanité est appelée à se glorifier et à « voir son Seigneur », dont la vision est la délivrance de la mort. L'homme est la frontière entre le visible et l'invisible. Il est l'image de Dieu car, comme Dieu, il est incompréhensible et échappe à toute définition. Le corps, recevant le souffle vivifiant de l'Esprit, est l'expression visible de la personne. Le christianisme primitif était fondamentalement préoccupé par la résurrection du corps, et non par l'immortalité de l'âme, considérée comme provisoire. Le « cœur » est le centre de l'être, le lieu où se rejoignent toutes les facultés. C'est là que la grâce grave les lois de l'Esprit. La Chute est le désir de « prendre possession des choses de Dieu sans Dieu ». La mort est le résultat de la transgression, mais aussi son remède, car elle nous pousse à la conscience de notre finitude.

2. INITIATION AU COMBAT

Lieu de renaissance L'Église (Ecclesia) est la puissance de la Résurrection, le sacrement du Ressuscité. Elle est le mystère du Christ dans l'Esprit (Pneumatosphère). La Tradition est la vie de l'Esprit Saint dans le Corps du Christ. L'Écriture est considérée comme le premier sacrement, incarnant le Verbe. Les paroles du Christ sont « esprit et vie ». Le sens spirituel doit être extrait au-delà de la lettre. La lectio divina conduit aux quatre sens de l'Écriture (littéral, allégorique/typologique, tropologique/moral, anagogique/mystique). L'intelligence des mystères divins s'obtient surtout par la prière. Le Baptême est mourir et ressusciter avec le Christ. L'eau baptismale est simultanément tombeau et matrice. L'Eucharistie est le « pouvoir de diviniser », un « pain du ciel » qui confirme la pensée chrétienne et donne l'espérance de la résurrection au corps. L'Eucharistie anticipe la Parousie (le retour du Christ). L'unité de l'Église (catholicité) est fondée sur l'Eucharistie, rassemblant les fidèles des extrémités de la terre.

L'ascèse est le combat spirituel. Elle est l'éveil qui permet au Verbe de désensabler le puits d'eau vive dans l'âme. L'ascèse vise à libérer la nature humaine pour qu'elle suive son instinct profond vers Dieu. La voie spirituelle comporte trois étapes : la Praxis (purification des passions), la contemplation de la nature (intuition de Dieu dans les créatures) et l'union directe. Le Christ traverse ces trois étapes. Les Pères identifient deux « passions-mères » : la gourmandise (avidité irrationnelle) et l'orgueil (l'usurpation métaphysique de l'ego). La cause profonde de cette déviation est la « peur cachée de la mort » (Maxime le Confesseur). La Praxis cherche à transformer ces énergies dans l'amour.

L'ascèse chrétienne n'est pas la modération, mais la « folie » de ceux qui se jettent dans la fournaise de l'Esprit. La foi est une réponse d'amour à l'amour de Dieu. Le péché suprême est de désespérer de la miséricorde de Dieu, car elle est illimitée. La purification du cœur est réalisée par l'humilité. L'humilité est inséparable du non-jugement et du silence intérieur. La « mémoire de la mort » (anamnèse existentielle) est une grâce qui doit être associée au Nom de Jésus, le vainqueur de la mort. Les larmes marquent d'abord l'amertume, puis la gratitude. La joie est la vraie condition humaine, et la tristesse attriste l'Esprit Saint.

La purification du cœur implique de se défaire des logismoi (pensées) qui sont les semences des passions. L'art suprême est de confiner l'incorporel dans le corporel, cherchant le silence du cœur. Les pensées ambiguës doivent être mises « en parenthèse » et bombardées par la prière. Les pensées négatives doivent être « brisées contre le roc », qui est le Christ. L'agressivité (thumos) n'est pas abolie mais transformée ; elle peut être utilisée calmement contre l'erreur. L'éros (désir) est transformé en amour insatiable pour Dieu (agape).

3. APPROCHES DE LA CONTEMPLATION

La prière est la conversation de l'esprit avec Dieu. Elle ne vise pas à attirer Dieu à soi (car il est plus proche que nous-mêmes), mais à nous rapprocher de lui. Elle doit venir du « fond du cœur » (de profundis). La vraie théologie est l'adoration offerte par l'intellect (nous). La prière mène à un « vide attentif, recueilli, aimant ». La répétition d'une courte formule (comme le Psaume 70.1, ou l'invocation du Nom de Jésus) aide à apaiser l'intellect. L'invocation du Nom, liée à la respiration, unit l'intellect et le cœur. Le Nom est la perle de grand prix. La prière de l'esprit est un « feu ». La prière idéale est brève et fervente. Le but est que « toute notre vie et tous les mouvements de notre cœur deviennent une seule prière ininterrompue ».

La physike theoria (contemplation de la nature) est la vision de la gloire de Dieu cachée dans les créatures. L'univers est la première Bible, un texte trinitaire. Le contemplatif lit dans la nature le livre des créatures. L'Incarnation a rouvert la dimension paradisiaque du monde. L'homme logikos (image du Logos) est appelé à devenir le sujet humain des logoi divins des choses, leur donnant un nom par son esprit créateur. La charité du contemplatif est cosmique, brûlant de compassion « pour toute la création, pour les oiseaux, pour les bêtes, pour les démons, pour toute créature » (Isaac de Ninive).

La connaissance ultime et la participation à la Trinité sont obtenues par la grâce seule. L'« ignorance » est la voie la plus digne de connaître Dieu, dans une union qui dépasse tout intellect. L'expérience mystique chrétienne est caractérisée par l'alternance de la transfiguration et de la transcendance. L'âme progresse « de commencement en commencement », son ascension étant sans fin. L'amour est un abîme de lumière, une fontaine de feu. Le mystique est « ivre » du vin de l'amour, qui est l'Esprit. Cette ivresse est une ekstasis (sortie de soi), un arrachement à l'ordre. La rencontre ultime se produit dans une « obscurité plus que lumineuse », car Dieu transcende toute essence. L'âme purifiée devient « vision spirituelle et lumière totale », remplie de la lumière incréée du Christ. Le corps glorieux naît lorsque l'âme et le corps sont transformés par l'énergie divine, un « sentiment des os ».

Le martyre est la première forme de sainteté vénérée, une expérience mystique qui hâte la naissance du corps glorieux. Le martyr, broyé comme le grain, devient matière eucharistique. La déification est la participation aux attributs de Dieu, le partage de l'énergie divine. La résurrection est la vie dans sa plénitude, capable de dépasser la mort.

Le progrès spirituel se mesure à la capacité d'aimer de manière désintéressée (agape). Le prochain, surtout le souffrant, est « un autre Christ ». L'amour est la seule voie pour trouver une amitié confiante (parrhesia) avec Dieu. L'amour est plus grand que la prière. La méditation ardente de la Croix guérit de la rancune. Il faut se réconcilier avec le prochain avant d'apporter son don à l'autel.

La morale chrétienne est paradoxale, privilégiant la personne et l'amour créateur. La pureté du cœur est atteinte lorsque l'on considère « tous les êtres humains comme bons, et qu'aucune créature ne lui apparaît impure ou souillée ». La vision patristique ne réserve pas le salut aux baptisés. Tous ceux qui ont vécu « conformément au Logos sont chrétiens » (Justin). Le Christ est descendu aux enfers pour apporter la bonne nouvelle à tous les morts. La souffrance des damnés en enfer n'est pas une punition, mais le tourment causé par l'invasion de l'amour de Dieu pour ceux qui ont péché contre lui (le remords). Il est absurde de penser que les pécheurs en enfer sont privés de l'amour de Dieu, car l'amour est offert impartialement. Les Pères enseignent que la damnation éternelle n'est pas une doctrine de salut universel, mais un appel à l'humilité et à la repentance. Il faut prier pour que tous soient sauvés. La miséricorde de Dieu est infiniment plus grande que sa justice. La bonté de Dieu s'exprime dans la résurrection.

mercredi 24 septembre 2025

L'ère du nihilisme, selon le Père Séraphin Rose.



Le nihilisme, selon l'analyse du Père Séraphin Rose, est la philosophie fondamentale du XXe siècle et la racine de la Révolution de l'ère moderne. C'est un mouvement qui représente la guerre de l'homme moderne contre Dieu, visant à détruire l'ancien ordre pour ériger une utopie terrestre.

Le nihilisme se définit de manière succincte par Nietzsche : « Qu'il n'y a pas de vérité ; qu'il n'y a pas d'état de choses absolu – pas de 'chose en soi'. Ceci seul est le nihilisme, et du genre le plus extrême ». La question du nihilisme est donc, profondément, une question de... vérité absolue.

Cette doctrine est largement répandue et omniprésente, se traduisant dans le langage populaire par l'idée que « toute vérité est relative ». Cependant, cette affirmation est une contradiction en soi, car elle se présente elle-même comme une déclaration absolue. Le déni ou le doute de la vérité absolue conduit inévitablement à l'abîme du solipsisme et de l'irrationalisme.

L'alternative au nihilisme, qui seule échappe à la contradiction logique, est l'affirmation d'une vérité absolue qui ne peut être atteinte par des moyens humains relatifs, mais uniquement par la Révélation divine. Ceux qui refusent la Révélation chrétienne sont contraints de vivre selon une fausse révélation, et toutes les fausses révélations mènent à l'Abîme.

Une autre définition essentielle du nihilisme, formulée par Nietzsche, est qu'« il n'y a pas de réponse à la question : 'pourquoi ?' ». Le nihiliste est celui qui accepte ce « non » implicite comme réponse aux questions ultimes.

Le nihilisme, en tant que mouvement, a un fondement théologique inversé et un esprit satanique.

1. La guerre contre Dieu

Le nihiliste n'est pas un simple agnostique, mais un « antithéiste » qui a activement voulu la « mort de Dieu ». Bakounine estimait que si Dieu existait, « il faudrait l'abolir ». Cette rébellion nihiliste est une attitude spirituelle irréductible, ayant sa source dans la volonté satanique primale de négation. Elle est animée par la fierté satanique qui rejette la soumission à tout maître. La puissance du nihilisme réside dans cette ferveur inverse, visant à détruire la foi chrétienne rivale.

2. Le culte du néant

L'âme de l'homme, en reniant Dieu, semble retomber vers le néant dont Dieu l'a tiré. Ce néant, ou « rien » (nihil), est le dieu du nihiliste. Le nihiliste veut que le monde, qui tournait autour de Dieu, tourne désormais autour de rien. C'est pourquoi le monde nihiliste est celui de l'« absurde », car si le néant est au centre, le monde est incohérent. Nietzsche décrit ce paysage : « N'errons-nous pas comme à travers un néant infini ? L'espace vide ne nous souffle-t-il pas dessus ? N'est-il pas devenu plus froid ? La nuit ne vient-elle pas continuellement, de plus en plus sombre ? ». Le nihiliste se tient avec Satan, « le rebelle éternel, le premier libre-penseur et émancipateur des mondes » (Bakounine). Ce plan est l'œuvre de Satan, une inversion parodique de la création divine.

Le programme nihiliste est l'avènement du « Nouvel Homme ». Le nihilisme, malgré sa nature négative, poursuit un programme positif.

1. La destruction de l'ancien ordre

La violence est essentielle. La force est la « sage-femme » de toute vieille société enceinte d'une nouvelle (Marx). Les régimes nihilistes ont accompli la tâche de destruction : les bombes de la Seconde Guerre Mondiale, par exemple, ont brisé les « derniers obstacles à l'accomplissement de notre tâche révolutionnaire », nivelant l'ancien ordre (Goebbels).

2. La création de la « Nouvelle Terre »

L'objectif est d'établir un nouvel ordre, entièrement construit par des hommes « libérés ». Cela aboutit à un monde froid et inhumain, régi par l'organisation et l'efficacité, et non par l'amour. Lénine rêvait que toute la société devienne « un seul bureau et une seule usine ». Le monde artificiel ainsi érigé par des hommes sans Dieu sera « le despotisme absolu de la mondanité », une prison si efficace qu'il n'y aura « nulle part où aller ».

3. Le façonnage du « Nouvel Homme »

C'est la partie la plus importante et la plus funeste du programme : la « transformation de l'homme ». Ce « changement de masse dans la nature humaine » est jugé nécessaire par Marx et Engels. Le processus de changement exige la violence. Sous l'influence du vitalisme et du réalisme, l'individu est déraciné, désintégré, standardisé et mécanisé. Cette tendance est si puissante qu'elle est considérée comme une « véritable mutation » de la nature humaine. Le « nouvel homme » est l'homme déraciné, le sceptique, le chercheur de « nouvelles révélations », l'homme du moment sans conscience ni valeur, le « rebelle » se prenant pour son propre dieu, et surtout, l'« homme de la masse ».

L'ère « au-delà du nihilisme » exprime historiquement le fait que le travail de négation est terminé. Le nihilisme, dont le dieu est le néant, est un vide qui attend d'être comblé par un « nouveau dieu ». Nietzsche a prophétisé l'arrivée d'un « mouvement contraire » succédant à ce nihilisme parfait, visant à la « transvaluation de toutes les valeurs ».

Pour le chrétien orthodoxe, la vision du nihilisme est vaine : le monde n'est « rien » et Dieu est « tout ». Le nihiliste est finalement vaincu, car « il n'y a pas d'anéantissement ». L'ultime réfutation du nihilisme se trouve en Enfer : ceux qui rejettent Dieu et la vie « brûleront dans le feu de leur propre colère pour toujours et aspireront à la mort et à l'anéantissement. Mais ils n'atteindront pas la mort ».

lundi 22 septembre 2025

Le véritable Israël, c'est l'Église !


Face aux sionistes chrétiens, qui sont à genoux devant l'État israélien, il est bon de rappeler que pour les Pères patristiques LE VÉRITABLE ISRAËL est l'Église :


1. Saint Justin Martyr (Dialogue avec Tryphon, 119, PG 6, 758) – IIᵉ siècle

"Car nous sommes la race d’Israël véritable, et les héritiers de l’Alliance."

2. Origène (Commentaire sur l’Évangile de Jean, I, 29, PG 14, 41) – IIIᵉ siècle

"Nous qui avons cru au Christ, nous sommes Israël selon l’esprit, héritiers de la promesse."

3. Saint Jean Chrysostome (Homélie sur Matthieu 43,3, PG 57, 462) – IVᵉ siècle

"L’Église est devenue le véritable Israël, non selon la chair, mais selon l’esprit."

4. Saint Cyrille d’Alexandrie (Commentaire sur Isaïe 18,1, PG 70, 409) – Vᵉ siècle

"En Christ et en ceux qui croient en lui se constitue l’Israël nouveau et spirituel."

Le même dans Glaphyres sur l’Exode (II, PG 69, 436) : "Nous qui venons des nations, l’Église, le peuple nouveau, nous sommes le sacerdoce royal et la nation sainte."

Cette notion se trouve originellement dans le Nouveau Testament :

- Première épître de Pierre : « Vous êtes une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte » (1 P 2,9 = Ex 19,6 appliqué aux chrétiens).

- Saint Paul : "Et que tous ceux qui marchent selon ce principe aient paix et miséricorde sur eux, et sur l’Église de Dieu : on l’appelle l’Israël de Dieu. (Gal 6,16).

Saint Paul et les Pères insistent : ce qui fait l’Israël véritable, ce n’est pas la chair, mais la foi d’Abraham. La promesse de Dieu continue, mais en Christ. Ce que l’Ancien Israël annonce, le Nouvel Israël, à savoir l'Église, l'accomplit. Le Christ récapitule et accomplit l’histoire d’Israël. L’Église est ainsi le nouvel Israël de Dieu.

PEB

samedi 20 septembre 2025

La mentalité orthodoxe.



L'objectif principal de ce livre essentiel est de décrire ce que signifie penser en Orthodoxe, d'expliquer pourquoi le "phronema" orthodoxe rend la mentalité et l'attitude chrétiennes orthodoxes distinctives, et d'aider le lecteur à comprendre l'importance d'acquérir, de chérir et de préserver ce "phronema".

I. Le phronema orthodoxe

Le livre s'ouvre sur une étude approfondie de ce qu'est la mentalité orthodoxe.

Définition et nature du phronema

Le terme central du livre est le phronema (prononcé FROH-nee-mah), traduit par "mentalité," "état d'esprit," "attitude," "approche" ou "position". Constantinou reconnaît qu'il est extraordinairement difficile d'expliquer un processus de pensée et une vision du monde, et que le phronema orthodoxe est souvent plus caché que révélé aux non-orthodoxes.

Le terme provient de la racine grecque phren, qui désignait dans le grec homérique le diaphragme, considéré comme le siège de l'activité intellectuelle et spirituelle. Le terme connexe, phronesis, fut utilisé par les philosophes classiques pour désigner les pensées intérieures liées à l'action. Le phronesis est une vertu intellectuelle et est associé à la prudence (prudentia) en latin.

Dans le Nouveau Testament, on trouve le verbe phroneo et le nom phronema. Saint Paul utilise ce terme en Romains 8:5–7 pour distinguer la "mentalité de la chair", qui est la mort et l'hostilité envers Dieu, de la "mentalité de l'Esprit", qui est la vie et la paix. Le phronema est presque synonyme de «l'esprit du Christ» (nous) mentionné en 1 Corinthiens 2:16.

Pour les chrétiens orthodoxes, le phronema est indéfinissable et implique non seulement une attitude mentale mais toute la manière de vivre. Il est décrit comme un «esprit particulier, un sentiment théologique ou un état d'esprit». Il est le résultat d'une convergence et d'un mélange de l'Écriture, de la Tradition, de la doctrine et de l'histoire, dont le mode d'expression est la vie liturgique. L'acquisition du phronema n'est pas principalement une tâche intellectuelle, mais est formé de manière cohérente et régulière par des comportements.

Caractéristiques Distinctives

L'essence de l'unicité orthodoxe réside dans le phronema, qui est plus profond que les formes extérieures, les coutumes ou les croyances théologiques spécifiques.

1. Rejet de la rigidité et du légalisme : un phronema orthodoxe correct est essentiellement détendu, calme, pas rigide, ni exigeant, ni stressé. Il permet d'accepter ses limitations humaines et la nature illimitée de Dieu. Une approche sévère et inflexible est qualifiée de pharisaïque, non orthodoxe. L'Orthodoxie rejette le légalisme, qui est l'application de la lettre de la loi sans l'esprit, ce qui peut conduire à la fierté et à l'hypocrisie.

2. Acceptation du mystère et du paradoxe : le phronema orthodoxe requiert l'acceptation de l'ambiguïté, de l'incertitude, du mystère et du paradoxe. La vérité est souvent ni l'une ni l'autre des extrêmes, mais les deux. L'Orthodoxie refuse de se fier à des explications astucieuses ou à des définitions pour comprendre la foi.

3. Holistique et totalisant : tout est interconnecté dans l'Orthodoxie. Il est impossible de discuter de l'Écriture sans parler de la Tradition et des Pères, ou de la théologie sans inclure la spiritualité et le mode de vie.

4. Unité sans centralité : l'Orthodoxie maintient une unité théologique forte malgré son organisation décentralisée et son absence de documents officiels, de catéchisme ou de magistère centralisé (comme le Vatican). Cette unité est rendue possible par le phronema orthodoxe partagé.

5. Adhésion inébranlable à la Tradition : le phronema est continuellement renforcé par la fidélité à la Tradition Apostolique inchangée, qui donne à l'Orthodoxie sa stabilité et sa qualité intemporelle.

Le Phronema face à l'Occident

Le phronema orthodoxe diffère significativement de la mentalité du monde en général, mais aussi des autres expressions du christianisme. La variance est plus profonde que quelques doctrines ou rituels; elle s'étend à la manière dont la théologie est conçue et abordée.

• Christianisme occidental (catholique et protestant) : malgré des différences de croyances (par exemple, sur l'Eucharistie ou la papauté), les catholiques et les protestants partagent souvent les mêmes présuppositions théologiques et emploient le même style d'analyse et de discussion, basé sur des modèles médiévaux occidentaux. Ils privilégient les définitions exactes, les listes, la logique et le raisonnement déductif pour arriver à la vérité.

• Contraste avec l'Orthodoxie : l'Orthodoxie ne fonctionne pas ainsi et n'attend pas de telles certitudes logiques. Les Orthodoxes n'acceptent pas les mêmes prémisses théologiques que l'Occident, notamment sur des concepts fondamentaux comme le péché et le salut.

• Légalisme du Salut : la mentalité occidentale, tant catholique que protestante, est marquée par une conception juridique et légaliste du péché, vu comme une offense contre Dieu nécessitant une satisfaction, un paiement ou une peine. Cela est totalement étranger au phronema orthodoxe, qui voit le péché comme une maladie de l'âme nécessitant la guérison et la restauration (sanctification/théosis). La demande orthodoxe de «Seigneur, aie pitié» est une demande médicale de guérison.

• Augustin d'Hippone : le phronema catholique trouve ses racines chez saint Augustin, qui a appliqué la raison et la déduction logique pour résoudre des questions théologiques, introduisant ainsi une trajectoire qui mena au schisme. L'Orient a rejeté la méthode d'Augustin.

II. Théologie orthodoxe et acquisition du phronema

Les Fondations : Tradition, Écriture et Pères

Les trois composantes fondamentales de la théologie orthodoxe, qui façonnent le phronema, sont la Tradition, l'Écriture et les Pères.

1. La Tradition : la Tradition (avec un "T" majuscule) est l'élément le plus fondamental de l'Orthodoxie. Elle n'est pas seulement un ensemble d'enseignements transmis, mais l'expérience continue du Saint-Esprit dans la vie de l'Église. Elle inclut l'Écriture, les canons, les Pères, les conciles et le mode de vie tout entier. Elle est à la fois fixe (en dogme) et fluide/dynamique (dans son expression culturelle). La Tradition fonctionne comme l'autorité, le dépôt et le garant de la vérité apostolique non altérée.

2. L'Écriture : l'Écriture est inspirée par Dieu (non dictée) et elle est le résultat d'une coopération (synergie) entre Dieu et les auteurs humains. Elle est considérée comme la partie écrite de la Tradition. L'Écriture est comprise et interprétée correctement uniquement au sein de l'Église et de la Tradition. L'approche orthodoxe rejette à la fois le fondamentalisme biblique (lecture trop littérale) et l'interprétation purement rationaliste ou sceptique de l'académie moderne.

3. Les Pères de l'Église : les Pères sont cruciaux car ils ont préservé, exprimé et témoigné de la règle de la foi. Ils sont les guides principaux pour l'interprétation des Écritures. Les Pères sont des hommes de grand intellect, d'une excellente éducation, et surtout d'une vie de prière profonde, illuminée par l'Esprit Saint. L'accord avec les Pères est la condition sine qua non pour être Orthodoxe. L'objectif n'est pas de «citer» les Pères, mais d'acquérir leur «esprit», leur phronema.

L'acquisition du phronema

L'acquisition du phronema se fait par l'illumination du nous, qui est la partie la plus pure de l'âme ayant la capacité de connaître Dieu. Le nous est illuminé par l'Esprit Saint (reçu au Baptême et à la Chrismation) et par l'expérience directe de la grâce divine, et non par la pensée rationnelle.

Des efforts constants sont requis, notamment :

• La vie liturgique et sacramentelle : la participation aux offices (Divine Liturgie) et aux Mystères (Communion, Confession) est essentielle pour l'illumination du nous.

• La prière et la lecture spirituelle : la lecture de la Bible et des vies des saints aide à orienter l'esprit vers le Christ.

Askesis (ascèse) : les exercices ascétiques (comme le jeûne) aident à guérir l'âme et à illuminer le nous, car la théologie est une connaissance de Dieu acquise par l'expérience spirituelle, et non par l'exercice de l'esprit.

• L'obéissance et la liberté : la vraie liberté se trouve dans la relation à Dieu, et l'obéissance (choisie librement) à la Tradition et au père spirituel est essentielle pour l'humilité.

III. Le vrai théologien orthodoxe

La maxime «Le vrai théologien est celui qui prie» est centrale. La théologie est principalement la vie et l'expérience, et les théologiens sont essentiellement ceux qui voient Dieu.

Qualités Essentielles

Un vrai théologien se distingue par plusieurs caractéristiques :

1. Humilité et reconnaissance des limites : le théologien doit être conscient de ses faiblesses spirituelles et intellectuelles. La confiance en soi est valorisée dans le monde, mais l'Orthodoxie exige la reconnaissance que l'homme est incapable d'appréhender le non-créé par sa seule raison.

2. Amour et motifs purs : la théologie doit être motivée par l'amour, et non par l'ego ou l'auto-glorification. Le théologien doit éviter l'esprit de dispute et les arguments inutiles.

3. Discernement pastoral : la théologie est intrinsèquement pastorale. Le théologien doit discerner ce qu'il est profitable de dire et quand il est approprié de parler, en tenant compte de la capacité de l'audience. Il doit éviter de scandaliser ou de dérouter les autres avec des vérités qu'ils ne sont pas prêts à entendre.

4. Fidélité à la Tradition sur la rationalité humaine : le théologien ne doit pas céder à la pression d'utiliser la logique ou le raisonnement humain pour valider la foi. Le mystère doit être accepté. L'acceptation du Filioque par Augustin, par exemple, illustre le danger de l'expansion, de l'innovation et de la spéculation théologique basée sur la logique, qui conduit à l'erreur et au schisme.

Critique de l'«expertise» et de l'amateurisme

L'auteure critique sévèrement la prolifération des théologiens amateurs, surtout sur internet, qui manquent de phronema et d'éducation.

• Zèle sans connaissance : ces individus, mus par l'enthousiasme, la fierté et l'auto-illusion, propagent des erreurs théologiques ou des positions extrémistes. Ils s'abritent derrière la maxime «le théologien est celui qui prie» pour justifier leur ignorance et rejeter le besoin d'éducation.

• Saint Grégoire le Théologien et Saint Syméon le Nouveau Théologien ont mis en garde contre ceux qui parlent de Dieu sans la préparation appropriée ou l'expérience spirituelle nécessaire. Saint Grégoire insistait sur le fait que l'étude des arts et des sciences nécessite un effort considérable et des années de préparation; à combien plus forte raison la théologie.

• L'éducation est nécessaire : bien que la théologie soit spirituelle, elle exige également une formation académique. L'Église a toujours encouragé l'éducation et les Pères, souvent hautement éduqués, étaient ceux qui ont clarifié et défendu la doctrine. Rejeter l'éducation est une perversion de la Tradition.

Conclusion

L'Église orthodoxe n'a pas eu besoin de correction par une réforme car elle a préservé la manière de vivre et de penser des Apôtres – leur phronema. Le phronema de Jésus-Christ, le Logos (qui signifie pensée, raison, explication, ordre), était un engagement complet à faire la volonté du Père, dans l'obéissance et sans se fonder sur la sagesse humaine ou les traditions. En adoptant le phronema orthodoxe, les chrétiens se joignent à ce chemin de transformation intérieure et de communion avec Dieu.

jeudi 18 septembre 2025

En quête de l'Adam historique.




La Genèse est assez évidemment un livre de "mytho-histoire", comme le dit William Lane Craig. Il s'agit de diffuser l'idée que tous les hommes sont de la même famille. Si l'on est croyant, on a le droit de penser que c'est ce que l'Esprit Saint a voulu faire comprendre à l'humanité. Toutefois, Origène explique très tôt qu'il ne s'agit pas seulement d'un événement historique au sens contemporain du terme, mais d'une explication symbolique, d'une allégorie du drame spirituel de l’humanité. Pour lui, les épisodes comme le serpent qui parle ou le jardin d’Éden sont des symboles et des paraboles qui révèlent d'abord des réalités spirituelles. Ainsi Adam n’est pas seulement « le premier homme » mais aussi le prototype de l’humanité. Ève représente l’âme humaine, qui se laisse séduire par les passions. Leur chute exprime la condition universelle de l’homme : chacun « est Adam » en cédant au péché. William Lane Craig s'est quant à lui lancé à la recherche de l'identité de l'Adam historique, désirant cerner qui fut le premier homme de la préhistoire. C'est passionnant.

PEB

Voici une présentation détaillée de ce livre, publié en 2021.

Ce volume est une enquête interdisciplinaire approfondie sur la question de l'Adam historique et Ève, couvrant un large éventail d'études bibliques et scientifiques pertinentes à ce sujet.

L'ouvrage est décrit comme une "quête" intellectuelle, partant des Écritures pour aboutir à un échange significatif avec la science, s'inscrivant dans une conversation ancienne et croissante sur les origines humaines, impliquant des théologiens, des philosophes et des scientifiques. L'érudition, la lecture extensive et le jugement articulé de l'auteur transparaissent dans le livre. S. Joshua Swamidass, professeur de médecine de laboratoire et génomique, souligne que le livre démontre la possibilité d'un dialogue constructif entre la théologie et la science, offrant un compte rendu des origines humaines qui fait de la place à l'évolution sans capituler devant une vision purement scientifique du monde. Michael J. Murray, chercheur en philosophie, le considère comme un livre pour ceux qui recherchent la vérité, montrant que l'image biblique des origines humaines, correctement comprise, peut s'accorder avec les meilleurs résultats de la science, également correctement compris.

La structure du livre est délibérément ordonnée, avec deux parties principales précédées d'introductions et suivies de réflexions finales.

La première partie traite des données bibliques pertinentes aux origines humaines, et la seconde est consacrée aux preuves scientifiques. L'ordre est crucial : en tant que chrétien, l'auteur veut d'abord comprendre ce que la Bible dit des origines humaines indépendamment de la science moderne, afin de déterminer les engagements bibliques concernant l'Adam historique sans que l'approche herméneutique ne soit façonnée par la science moderne. Ce n'est qu'après cette étude des Écritures que Craig examine les données scientifiques pour voir si elles sont compatibles avec l'historicité d'Adam et Ève.

1 : Les données bibliques concernant l'Adam historique

L'ouvrage s'intéresse à ce que le texte canonique enseigne sur l'Adam historique, en adoptant une approche canonique plutôt que de se concentrer sur les analyses source- ou tradition-historiques. L'auteur argumente que l'analyse littéraire devrait déterminer la structure de Genèse 1-11. Ces formules aident à ordonner les récits chronologiquement, agissant comme l'épine dorsale de Genèse 1-11, mais ne dictent pas la structure littéraire. Le livre aborde la nature du mythe et se demande si les récits primordiaux de Genèse 1-11 en sont. Il reconnaît que les mythes ne sont pas nécessairement pris comme littéralement vrais, mais comme exprimant des vérités profondes sous une forme figurative. Richard Averbeck, professeur d'Ancien Testament, est cité pour sa vision que les anciens n'adhéraient pas à une lecture "littéraliste" des textes décrivant des phénomènes naturels. Des exemples comme le mythe sumérien d'Etana montrent que les anciens comprenaient la différence entre l'apparence et la réalité. L'auteur critique l'importation d'un "littéralisme rigide" (wooden literalism) qui est étranger aux textes mésopotamiens par certains exégètes occidentaux modernes.

La discussion sur le genre de Genèse 1-11 est centrale. John Collins, érudit de l'Ancien Testament, qualifie le style de Genèse 1 de "prose exaltée", une prose hautement stylisée frôlant la poésie. La fonction sociale de ces récits est de servir d'"préhistoire" et de "protohistoire" à Israël, pour raconter l'histoire du passé lointain afin de donner à la communauté son identité et ses valeurs distinctives. Craig aborde les hypothèses documentaires (J, E, D, P) derrière le Pentateuque, notant que même si elles sont critiquées et évoluent, l'existence des sources J et P pour Genèse 1-11 reste largement acceptée. Il mentionne que des savants comme Westermann ont souligné l'importance des traditions orales pré-littéraires derrière les récits de la Genèse.

Concernant les parallèles avec les mythes du Proche-Orient Ancien, le livre signale que les récits de la Genèse ne sont généralement pas dérivés des mythes mésopotamiens, à l'exception notable de l'histoire du déluge avec l'Épopée de Gilgamesh. De nouvelles découvertes, comme un texte akkadien d'Ugarit (RS 94.2953), suggèrent la possibilité d'une source commune derrière les traditions du déluge hébraïque et babylonien, remettant en question l'idée d'un emprunt direct.

L'auteur note que l'écrivain de la Genèse semble peu préoccupé par les incohérences narratives apparentes, comme l'ordre de création de l'homme, de la végétation et des animaux entre Genèse 1 et 2, ou l'origine de la femme de Caïn, ou encore les instructions divines contradictoires à Noé concernant le nombre d'animaux à embarquer dans l'arche. Il suggère que cela pourrait indiquer que l'auteur n'était pas troublé par ces "incohérences" ou qu'il fusionnait des traditions orales antérieures.

La question d'un déluge mondial ou local est également examinée. Le texte biblique semble clairement décrire un déluge universel, couvrant toutes les hautes montagnes sous le ciel. Les arguments en faveur d'un déluge local sont jugés insuffisants pour annuler l'usage de quantificateurs universels par l'auteur.

Les généalogies dans Genèse 1-11 sont perçues comme ayant un intérêt historique, contrairement à l'idée qu'elles n'auraient pas de fonction historiographique. Bien qu'elles puissent présenter des "télescopages" (omissions de générations) et une "fluidité" (variations) comme les listes de rois mésopotamiennes, il n'y a aucune preuve que les généalogies anciennes incluaient des individus n'ayant pas existé. Cela suggère que les auteurs de l'Écriture considéraient Adam comme une figure historique. La doctrine de l'image de Dieu (imago Dei) en Genèse 1 est interprétée, notant le consensus parmi les exégètes de l'Ancien Testament en faveur d'une interprétation fonctionnelle (l'homme comme représentant de Dieu sur Terre et ayant un rôle royal). Cependant, Craig rapporte que cette fonction, bien que nécessaire et inséparable, n'est pas la définition de l'image de Dieu, puisque la Genèse elle-même ne la définit pas explicitement.

Le livre se tourne ensuite vers Adam dans le Nouveau Testament. Bien qu'Adam soit rarement mentionné en dehors de Genèse 1-11 dans l'Ancien Testament, il est omniprésent dans la littérature juive extrabiblique et est invariablement considéré comme une personne historique, le premier être humain créé. L'auteur introduit une distinction cruciale entre l'Adam littéraire (le personnage du récit de Genèse 2-3) et l'Adam historique (la personne réelle). Il distingue également l'usage illustratif d'un texte (pour fournir une analogie) de son usage assertorique (pour enseigner une vérité).

Le Nouveau Testament utilise parfois des récits apocryphes ou folkloriques de manière illustrative sans nécessairement affirmer leur historicité (ex: l'histoire de Michel et du corps de Moïse dans Jude, ou Jannes et Jambres s'opposant à Moïse dans 2 Timothée). De même, les déclarations de Jésus sur Adam dans Matthieu 19:4-5 et sur Abel dans Luc 11:50-51 sont considérées comme illustratives d'une exégèse du récit, plutôt que des assertions de son historicité. Cependant, la généalogie de Luc 3, qui remonte à Adam, est considérée comme un usage assertorique du récit, tout comme la déclaration de Paul dans Actes 17:26, qui affirme que Dieu "a fait de l'un toute nation d'hommes". Les passages de Paul dans 1 Corinthiens 15 et Romains 5, qui contrastent Adam et Christ, sont également interprétés comme affirmant un Adam historique, dont les actions ont eu des conséquences réelles sur l'humanité.

2 : L'exploration scientifique

La deuxième partie du livre examine les preuves scientifiques des origines humaines. La discussion débute par le tableau des périodes géologiques, se concentrant sur le Quaternaire (2,5 millions d'années à aujourd'hui), divisé en Pléistocène (2,5 millions d'années à 12 000 ans) et Holocène (12 000 ans à aujourd'hui). L'origine de la race humaine est à rechercher durant le Pléistocène. Les preuves fossiles sont examinées.

Les fossiles de Jebel Irhoud au Maroc, datés de 315 000 ± 34 000 ans, sont les plus anciens Homo sapiens découverts à ce jour, avec une taille de cerveau comparable à l'homme moderne. Leur morphologie faciale est presque indiscernable de celle des humains modernes, ce qui suggère que l'Homo sapiens était déjà répandu à cette époque. L'ouvrage souligne que la diversité des restes d'hominidés autour de 2 millions d'années rend la question des origines humaines complexe, mais une taille cérébrale minimale est une condition nécessaire pour qu'un hominidé soit considéré comme humain. Les espèces comme Homo erectus tardives, Homo heidelbergensis et Homo neanderthalensis avaient des tailles de cerveau suffisantes pour soutenir la personnalité humaine, les Néandertaliens dépassant même l'Homo sapiens en volume cérébral.

En paléoneurologie, une augmentation spectaculaire de la taille du cerveau et du quotient d'encéphalisation, ainsi qu'une réorganisation cérébrale, amènent les cerveaux d'hominidés dans la fourchette moderne vers 500 000 ans avant notre ère avec Homo heidelbergensis. Ces caractéristiques sont corrélées à une capacité cognitive accrue chez l'homme. L'attention est portée sur la forme du cerveau, notamment la "globularisation" périnatale chez les humains modernes qui ne se produisait pas chez les Néandertaliens.

Les preuves archéologiques des capacités cognitives modernes incluent la technologie, l'économie et l'organisation sociale. La fabrication d'outils Oldowan a été maîtrisée par des chimpanzés en captivité, ce qui suggère qu'elle ne témoigne pas d'un comportement humain moderne. Cependant, la construction d'outils composites et l'emmanchement de pointes en pierre sont considérés comme des marques claires de la capacité cognitive humaine, témoignant de la prévoyance et du design. Des traces de cordage en fibres à trois brins, datées de 40 000 à 50 000 ans, ont été découvertes sur un site néandertalien en France, impliquant des concepts mathématiques et une complexité cognitive similaire à celle du langage humain. La chasse au gros gibier, attestée dès 350 000 ans avant notre ère avec Homo heidelbergensis à Schöningen (Allemagne), aurait requis coopération et peut-être même une capacité linguistique. Des structures annulaires découvertes dans la grotte de Bruniquel (France), datées de 176 500 ans, témoignent d'une utilisation structurée de l'espace domestique par les Néandertaliens. Le langage est considéré comme une barrière majeure entre l'homme et l'animal, impliquant le symbolisme et un système de communication extensible.

Bien que les capacités phonétiques des Néandertaliens soient débattues, certains éléments anatomiques (comme le canal hypoglosse) suggèrent une capacité de parole. La présence du variant FOXP2, associé à la parole et au langage, chez les Néandertaliens et les Denisoviens, suggère que cette capacité est partagée avec l'Homo sapiens et pourrait dériver de leur dernier ancêtre commun (Homo heidelbergensis).

Enfin, l'ouvrage aborde la génétique et les tailles de population. Des études de génomique des populations, bien que sujettes à des interprétations diverses, ont été utilisées pour argumenter contre un "goulot d'étranglement" de deux individus dans la lignée humaine au cours des derniers millions d'années. Cependant, Joshua Swamidass, professeur de médecine génomique, explique que l'argument de la variation trans-espèces (qui implique de grandes populations ancestrales) est affaibli par le phénomène de l'évolution convergente, où des allèles similaires évoluent indépendamment. Il note que des gènes comme HLA-DRB1 présentent un "excès massif de carrés", signe d'une évolution convergente omniprésente, remettant en question la force probante de cet argument contre un goulot d'étranglement de deux individus. Un consensus actuel est qu'un goulot d'étranglement de deux individus n'est pas exclu entre 400 000 et 7 millions d'années avant le présent, bien que des recherches supplémentaires soient nécessaires.

Le livre soutient ainsi que les capacités cognitives modernes, y compris le langage, et les preuves archéologiques de comportements sophistiqués remontent à au moins Homo heidelbergensis, il y a environ 400 000 ans, et que les données génétiques n'excluent pas la possibilité d'une paire ancestrale fondatrice dans cette période.

Jésus a-t-il existé ? Recherche de preuves au-delà de la Bible.




Jésus de Nazareth, qui était appelé Christ, existait-il comme un être humain réel, « l'homme Jésus-Christ » selon 1Timothée 2:5 ?

Les sources normalement discutées se divisent en trois catégories principales : (1) classique (c'est-à-dire gréco-romaine), (2) juive et (3) chrétienne. Mais quand les gens demandent s'il est possible de prouver que Jésus de Nazareth a réellement existé, comme Jean P. Meier a souligné il y a des décennies : « L'implication est que la preuve biblique pour Jésus est biaisée parce qu'elle est enfermée dans un texte théologique écrit par des croyants engagés. Ce qu'ils veulent vraiment savoir, c'est : Y a-t-il des preuves extra-bibliques... pour l'existence de Jésus ? »

Par conséquent, cet article couvrira presque exclusivement les écrits classiques et juifs.

Tacite - ou plus formellement, Caius/Gaius (ou Publius) Cornelius Tacite (55/56-c. 118 de C.) - était un sénateur romain, orateur et ethnographe, et sans doute le meilleur des historiens romains. Son nom est basé sur le latin wordtacitus, « silencieux », d'où nous tirons le mot anglais tacit. Fait intéressant, sa prose compacte utilise le silence et les implications d'une manière magistrale. Un argument en faveur de l'authenticité de la citation ci-dessous est qu'elle est écrite en vrai latin tacite.4 Mais d'abord une brève introduction.

La dernière œuvre majeure de Tacite, intitulée Annales, écrite c. 116-117 C.E., comprend une biographie de Néron. En 64 de notre ère, lors d'un incendie à Rome, Néron était soupçonné d'avoir secrètement ordonné l'incendie d'une partie de la ville où il voulait réaliser un projet de construction, alors il a essayé de rejeter la faute sur les chrétiens. C'était l'occasion pour Tacite de mentionner les chrétiens, qu'il méprisait. Voici ce qu'il a écrit - l'extrait suivant est traduit du latin par Robert Van Voorst :
"Ni l'effort humain, ni la générosité de l'empereur, ni l'apaisement des dieux n'ont mis fin à la croyance scandaleuse que le feu avait été ordonné [par Néron]. Par conséquent, pour mettre fin à la rumeur, Néron a remplacé comme coupables et puni de la manière la plus inhabituelle ceux qui étaient détestés pour leurs actes honteux... que la foule appelait "Chrétiens". Le fondateur de ce nom, le Christ [Christus en latin], avait été exécuté sous le règne de Tibère par le procureur Ponce Pilate... Supprimée pendant un temps, la superstition mortelle a éclaté à nouveau non seulement en Judée, l'origine de ce mal, mais aussi dans la ville [Rome], où toutes les choses horribles et honteuses de partout se réunissent et deviennent populaires."

La déclaration laconique de Tacite sur « Christ » corrobore clairement le Nouveau Testament sur certains détails historiques de la mort de Jésus. Tacite présente quatre connaissances précises sur Jésus : (1) Christus, utilisé par Tacite pour désigner Jésus, était une manière distinctive par laquelle certains se référaient à lui, même si Tacite l'a pris à tort pour un nom personnel plutôt qu'une épithète ou un titre ; (2) ce Christus était associé au début du mouvement des chrétiens, dont le nom provenait du sien ; (3) il a été exécuté par le gouverneur romain de Judée ; et (4) le moment de sa mort était pendant le gouverneur de Ponce Pilate de Judée, pendant le règne de Tibère. (De nombreux érudits du Nouveau Testament datent la mort de Jésus à c. 29 C.E. ; Pilate a gouverné la Judée en 26-36 de notre ère, tandis que Tibère était empereur 14-37 après JC).

Tacite, comme les auteurs classiques en général, ne révèle pas la ou les sources qu'il a utilisées. Mais cela ne devrait pas nuire à notre confiance dans les affirmations de Tacite. Les chercheurs ne sont généralement pas d'accord sur ses sources. Tacite était certainement parmi les meilleurs historiens de Rome - sans doute le meilleur de tous - au sommet de son art d'historien et n'a jamais donné à l'écriture négligente.

Plus tôt dans sa carrière, lorsque Tacite était proconsul d'Asie, il a probablement supervisé des procès, interrogé des personnes accusées d'être chrétiennes et jugé et puni ceux qu'il a déclarés coupables, comme son ami Pline le Jeune l'avait fait lorsqu'il était lui aussi gouverneur provincial. Ainsi, Tacite avait de très bonnes chances de prendre conscience d'informations qu'il aurait typiquement voulu vérifier avant de les accepter comme vraies.

L'autre preuve solide qui parle directement de Jésus en tant que personne réelle vient de Josèphe, un prêtre juif qui a grandi comme aristocrate en Palestine du premier siècle et a fini par vivre à Rome, soutenu par le patronage de trois empereurs successifs. Au début de la première révolte juive contre Rome (66-70 de J.-C.), Josèphe était commandant en Galilée, mais s'est rapidement rendu et est devenu prisonnier de guerre. Il a ensuite prophétisé que son conquérant, le commandant romain Vespasien, deviendrait empereur, et lorsque cela s'est réellement produit, Vespasien l'a libéré.

« Dès lors, Josèphe a vécu à Rome sous la protection des Flaviens et y a composé ses écrits historiques et apologétiques » (Gerd Theissen et Annette Merz). Il a même pris le nom de Flavius, d'après le nom de famille de son patron, l'empereur Vespasien, et l'a mis avant son nom de naissance, devenant, dans le vrai style romain, Flavius Josèphe.

La plupart des Juifs le considéraient comme un traître méprisable. C'est par ordre du fils de Vespasien Titus qu'une armée romaine en 70 de notre ère a détruit Jérusalem et brûlé le Temple, volant son contenu comme butin de guerre, qui sont en partie dépeints dans l'imagerie de leur triomphe jubilatoire sur l'Arc de Titus à Rome. Après que Tite ait succédé à son père en tant qu'empereur, Josèphe a accepté le patronage impérial du fils, comme il l'a fait du frère et successeur de Titus, Domitien.

Pourtant, dans son propre esprit, Josèphe est resté juif à la fois dans sa perspective et dans ses écrits qui exaltent le judaïsme. En même temps, en s'alignant sur les empereurs romains qui étaient à l'époque les pires ennemis du peuple juif, il a choisi d'ignorer l'opinion populaire juive.

Josèphe occupait une position unique en tant que Juif qui était sûr du patronage et de la protection impériales romains, désireux d'exprimer sa fierté de son héritage juif et pourtant personnellement indépendant de la communauté juive en général. Ainsi, en présentant les Romains au judaïsme, il s'est senti libre d'écrire des points de vue historiques pour la consommation romaine qui étaient fortement en contradiction avec les opinions rabbiniques.

Dans ses deux grandes œuvres, La Guerre juive et Les Antiquités juives, toutes deux écrites en grec pour les personnes instruites, Joseph a essayé de plaire aux aristocrates du monde romain, présentant le judaïsme comme une religion à admirer pour sa profondeur morale et philosophique. La Guerre juive ne mentionne pas Jésus, sauf dans certaines versions dans des ajouts probables ultérieurs par d'autres, mais les Antiquités juives mentionnent Jésus - deux fois.

La plus courte de ces deux références à Jésus (dans le livre 20) est accessoire à l'identification du frère de Jésus Jacques, le chef de l'église à Jérusalem. En l'absence temporaire d'un gouverneur romain entre la mort de Festus et l'arrivée du gouverneur Albinus en 62 de notre ère, le grand prêtre Ananus a incité l'exécution de Jacques. Josèphe l'a décrit :

"Étant donc ce genre de personne [c'est-à-dire un Sadducéen sans cœur], Ananus, pensant qu'il avait une opportunité favorable parce que Festus était mort et qu'Albinus était toujours en route, a appelé une réunion [littéralement, "sanhédrin"] de juges et y a amené le frère de Jésus-qui-est-appelé-Messie... Jacques de nom, et quelques autres. Il a fait l'accusation qu'ils avaient transgressé la loi, et il les a remis pour être lapidés."

Jacques est par ailleurs une figure mineure à peine remarquée dans Josèphe La seule raison pour laquelle il s'est référé à Jacques était que sa mort a entraîné la perte d'Ananus de sa position de grand prêtre. Jacques (Jacob) était un nom juif courant à cette époque. De nombreux hommes nommés Jacques sont mentionnés dans les œuvres de Josèphe, donc Josèphe devait préciser laquelle il voulait dire. La coutume commune de simplement donner le nom du père (Jacques, fils de Joseph) ne fonctionnerait pas ici, car le nom du père de Jacques était également très courant. Par conséquent, Josèphe a identifié ce Jacques en référence à son célèbre frère Jésus. Mais le frère de Jacques, Jésus (Yehoshua), avait également un nom très commun. Josèphe mentionne au moins 12 autres hommes nommés Jésus. Par conséquent, Josèphe a précisé à quel Jésus il faisait référence en ajoutant l'expression « qui s'appelle le Messie », ou, puisqu'il écrivait en grec, Christos. Cette phrase était nécessaire pour identifier clairement d'abord Jésus et, via Jésus, Jacques, le sujet de la discussion. Cette référence étrangère à Jésus n'aurait pas eu de sens si Jésus n'avait pas été une personne réelle.

Peu d'érudits ont jamais douté de l'authenticité de ce court récit. Au contraire, la grande majorité l'accepte comme authentique. L'expression destinée à préciser quel Jésus, traduit « qui est appelé Christ », signifie soit qu'il a été mentionné plus tôt dans le livre, soit que les lecteurs le connaissaient assez bien pour saisir la référence à lui en identifiant Jacques. Ce dernier est peu probable. Les Romains du premier siècle avaient généralement peu ou pas d'idée de qui était Christus. Il est beaucoup plus probable qu'il ait été mentionné plus tôt dans les Antiquités juives. De plus, le fait que le terme « Messie »/« Christ » ne soit pas défini ici suggère qu'un passage antérieur dans les Antiquités juives a déjà mentionné quelque chose de sa signification. Cette phrase est également appropriée pour un historien juif comme Josèphe parce que la référence à Jésus est une déclaration non contraignante et neutre sur ce que certaines personnes appelaient Jésus et non une confession de foi qui affirme en fait qu'il était Christ.

Il est très peu probable que cette phrase - « qui s'appelle Christ » ait été ajoutée par un chrétien pour deux raisons. Premièrement, dans le Nouveau Testament et dans les premiers Pères de l'Église des deux premiers siècles de notre ère, les chrétiens se réfèrent constamment à Jacques comme « le frère du Seigneur » ou « du Sauveur » et des termes similaires, et non « le frère de Jésus », probablement parce que le nom Jésus était très commun et ne faisait pas nécessairement référence à leur Seigneur. Deuxièmement, la description de Josèphe dans les Antiquités juives de la façon dont et du moment où Jacques a été exécuté n'est pas en désaccord avec la tradition chrétienne, impliquant également un auteur non chrétien.

Cette brève identification de Jacques par le titre que certaines personnes ont utilisé pour préciser son frère gagne en crédibilité en tant qu'affirmation de l'existence de Jésus parce que le passage ne concerne pas Jésus. Au contraire, son nom apparaît dans une phrase fonctionnelle qui est appelée par le sens du passage. Il ne peut être utile pour l'identification de Jacques que s'il s'agit d'une référence à une personne réelle, à savoir « Jésus qui s'appelle Christ ».

Cette référence claire à Jésus est parfois négligée dans les débats sur l'autre référence plus longue de Josèphe à Jésus (à traiter ensuite). Pas mal de gens sont conscients des questions et des doutes concernant la mention plus longue de Jésus, mais souvent cette autre référence claire et simple et sa force en tant que preuve de l'existence de Jésus ne reçoivent pas l'attention voulue.

Le passage plus long des Antiquités juives de Josèphe (Livre 18) qui fait référence à Jésus est connu sous le nom de Testimonium Flavianum.

S'il a une quelconque valeur par rapport à la question de l'existence de Jésus, il compte comme une preuve supplémentaire de l'existence de Jésus.

Le Testimonium Flavianum se lit comme suit ; les parties qui sont particulièrement suspectes parce qu'elles sonnent chrétiennes sont en italique:

"À cette époque, il y avait Jésus, un homme sage, si en effet on devait l'appeler un homme. Car c'était celui qui faisait des actes surprenants, et un professeur de tels peuples qui acceptent la vérité avec plaisir. Il a gagné de nombreux Juifs et de nombreux Grecs. Il était le Messie. Lorsque Pilate, en l'entendant accusé par des hommes de haut niveau parmi nous, l'avait condamné à être crucifié, ceux qui en sont venus l'aimer en premier lieu n'ont pas renondonné leur affection pour lui, car le troisième jour, il leur est apparu pour eux restauré à la vie. Les prophètes de Dieu avaient prophétisé ceci et d'innombrables autres choses merveilleuses à son sujet. Et la tribu des chrétiens, ainsi nommée d'après lui, ne s'est toujours pas éteinte à ce jour."

Tous les manuscrits survivants du Testimonium Flavianum qui sont en grec, comme l'original, contiennent la même version de ce passage, sans différences significatives.

La question principale est la suivante : Flavius Josephus a-t-il écrit tout ce rapport sur Jésus et ses disciples, ou un ou des fausseurs l'ont-ils modifié ou peut-être inséré tout le rapport ? Il y a trois façons de répondre à cette question :

Alternative 1 : Tout le passage est authentique, écrit par Josèphe.
Alternative 2 : Tout le passage est une contrefaicture, insérée dans les Antiquités juives.
Alternative 3 : Il n'est que partiellement authentique, contenant du matériel de Josèphe, mais aussi quelques ajouts ultérieurs par d'autres mains.

En ce qui concerne l'alternative 1, aujourd'hui, presque aucun érudit n'accepte l'authenticité de l'ensemble du témoignage grec standard Flavianum. Contrairement à la déclaration manifestement chrétienne "Il était le Messie" dans le Témoignage, Josèphe ailleurs "écrit comme un défenseur passionné du judaïsme", dit l'expert de Josephus Steve Mason. « Partout, Josèphe loue l'excellente constitution des Juifs, codifiée par Moïse, et déclare ses qualités inégalées et complètes... Josèphe se réjouit des convertis au judaïsme. Dans tout cela, il n'y a pas le moindre soupçon de croyance en Jésus » comme cela semble se refléter dans le Témoigne.

L'affirmation audacieuse de Jésus en tant que Messie se lit comme une confession chrétienne retentissante qui fait écho à St. Pierre lui-même ! Il ne peut pas être Josèphe. L'alternative 1 est clairement évacuée.

En ce qui concerne l'alternative 2 - l'ensemble du Testimonium Flavianum est une oeuvre de faussaire - c'est très improbable. Ce qui est dit, et les expressions en grec qui sont utilisées pour le dire, malgré quelques mots qui ne semblent pas caractéristiques de Josèphe, correspondent généralement beaucoup mieux aux écrits de Josèphe qu'aux écrits chrétiens. Il est hypothétiquement possible qu'un fausseur ait appris à imiter le style de Josèphe ou qu'un réviseur ait adapté le passage à ce style, mais un niveau d'attention aussi profond, basé sur une lecture approfondie et détaillée des œuvres de Josèphe et une adoption si méticuleuse de son vocabulaire et de son style, va bien au-delà de ce qu'un faussaire ou un réviseur aurait besoin de faire.

Plus important encore, le court passage (traité ci-dessus) qui mentionne Jésus afin d'identifier Jacques apparaît dans une section ultérieure du livre (Livre 20) et implique que Jésus a été mentionné précédemment.

Les mieux informés parmi les Romains comprenaient que le Christ n'était rien de plus que le nom personnel d'un homme, au niveau de Publius et de Marc. Les Romains du premier siècle n'avaient généralement aucune idée que appeler quelqu'un « Christ » était une référence exaltée, impliquant la croyance qu'il était l'élu, l'oint de Dieu. Le témoignage, dans le livre 18, qui se trouve à juste titre dans la section qui traite du temps de Pilate en tant que gouverneur de Judée, est apparemment l'une des digressions caractéristiques de Joséphe, cette fois-ci provoquée par la mention de Pilate. Il fournit des informations sur la seule autre mention écrite de Jésus par Josèphe (dans le livre 20), et relie le nom de Jésus à ses disciples chrétiens. La courte référence à Jésus dans le livre ultérieur dépend de la plus longue dans le précédent (Livre 18). Si le plus long n'est pas authentique, ce passage manque de son contexte essentiel. L'alternative 2 doit être rejetée.

Alternative 3 - que le Testimonium Flavianum est basé sur un rapport original de Josèphe qui a été modifié par d'autres, probablement des scribes chrétiens, semble très probable. Après avoir extrait ce qui semble être des ajouts chrétiens, le texte restant semble être pur Josèphe. En tant que Juif romanisé, Josèphe n'aurait pas présenté ces croyances comme les siennes. Fait intéressant, dans trois versions ouvertement chrétiennes et non grecques du Testimonium Flavianum analysées par Steve Mason, des variations indiquent que des changements ont été apportés par d'autres que Joseph. La version latine dit que Jésus "était considéré comme le Messie". La version syriaque est mieux traduite : « On pensait qu'il était le Messie. » Et la version arabe avec une trimidité ouverte suggère : « Il était peut-être le Messie à propos duquel les prophètes ont raconté des merveilles. » Alternative 3 a le soutien de l'écrasante majorité des chercheurs.

Nous pouvons en apprendre beaucoup sur Jésus de Tacite et de Josèphe, deux historiens célèbres qui n'étaient pas chrétiens. Presque toutes les déclarations suivantes sur Jésus, qui sont affirmées dans le Nouveau Testament, sont corroborées ou confirmées par les passages pertinents de Tacite et de Josèphe. Ces sources historiques indépendantes - l'une est un romain non-chrétien et l'autre juif - confirment ce qu'on nous dit dans les Évangiles:

- Il a existé en tant qu'homme. L'historien Josèphe a grandi dans une famille sacerdotale en Palestine du premier siècle et n'a écrit que des décennies après la mort de Jésus. Les associés connus de Jésus, tels que le frère de Jésus, Jacques, étaient ses contemporains. Le contexte historique et culturel était une seconde nature pour Josèphe. « Si un écrivain juif avait jamais été en mesure de connaître la non-existence de Jésus, ce serait Josèphe. Son affirmation implicite de l'existence de Jésus a été, et est toujours, l'obstacle le plus important pour ceux qui soutiennent que les preuves extra-bibliques ne sont pas probantes sur ce point », observe Robert Van Voorst. Et Tacite a fait assez attention à ne pas rapporter de véritables exécutions de personnes inexistantes.

- Son nom personnel était Jésus, comme nous l'informe Josèphe.
Il s'appelait Christos en grec, qui est une traduction du mot hébreu Messie, qui signifient tous deux « oint » ou « (l') oint », comme l'affirme Josèphe et Tacite implique, sans le savoir, en rapportant, comme le pensaient les Romains, que son nom était Christ.

- Il avait un frère nommé Jacques (Jacob), comme le rapporte Josèphe.

- Il a conquis à la fois des Juifs et des « Grecs » (c'est-à-dire des Gentils de la culture helléniste), selon Josèphe, bien qu'il soit anachronique de dire qu'ils étaient « nombreux » à la fin de sa vie. La grande croissance du nombre de véritables disciples de Jésus n'est venue qu'après sa mort.

- Les dirigeants juifs de l'époque ont exprimé des opinions défavorables à son sujet, du moins selon certaines versions du Testimonium Flavianum.

- Pilate a rendu la décision qu'il devrait être exécuté, comme le déclarent Tacite et Josèphe.

- Son exécution s'est faite spécifiquement par crucifixion, selon Josephus.

- Il a été exécuté pendant le gouverneur de Ponce Pilate sur la Judée (26-36 de J.-C.), comme l'indique Josèphe et Tacite, ajoutant que c'était pendant le règne de Tibère.

Certains des disciples de Jésus n'ont pas abandonné leur loyauté personnelle envers lui même après sa crucifixion, mais se sont soumis à son enseignement. Ils croyaient que Jésus leur apparaissait plus tard vivant conformément aux prophéties, très probablement celles que l'on trouve dans la Bible hébraïque. Un lien bien attesté entre Jésus et les chrétiens est que le Christ, en tant que terme utilisé pour identifier Jésus, est devenu la base du terme utilisé pour identifier ses disciples : les chrétiens. Le mouvement chrétien a commencé en Judée, selon Tacite. Josèphe observe qu'il s'est poursuivi au cours du premier siècle. Tacite déplore le fait qu'au cours du deuxième siècle, il s'était répandu jusqu'à Rome.

Pour autant que nous le sachions, aucune personne ancienne n'a jamais sérieusement soutenu que Jésus n'existait pas. Se référant aux premiers siècles de notre ère, même un érudit aussi prudent et minutieux que Robert Van Voorst observe librement : « ... Ni païens ni juifs qui s'opposaient au christianisme niaient l'historicité de Jésus ou même la remettait en question. »

La non-déni de l'existence de Jésus est particulièrement remarquable dans les écrits rabbiniques de ces premiers siècles de notre ère : « ... Si quelqu'un dans le monde antique avait une raison de ne pas aimer la foi chrétienne, c'était les rabbins. Soutenir avec succès que Jésus n'a jamais existé mais qu'il était une création de premiers chrétiens aurait été la polémique la plus efficace contre le christianisme ... [Pourtant] toutes les sources juives ont traité Jésus comme une personne entièrement historique ... [Les rabbins] ... ont utilisé les événements réels de la vie de Jésus contre lui » (Van Voorst).

Ainsi, sa naissance, son ministère et sa mort ont causé des affirmations selon lesquelles sa naissance était illégitime et qu'il a accompli des miracles par magie maléfique, encouragé l'apostasie et a été exécuté à juste l'exécution pour ses propres péchés. Mais ils ne nient pas son existence.

Lucien de Samosate (c. 115-200 av. J.-C.) était un satiriste grec qui a écrit La Mort de Pérégrinos à propos d'un ancien chrétien qui est devenu plus tard un célèbre cynique et révolutionnaire et est mort en 165 de notre. Dans deux sections de Peregrinus - ici traduit par Craig A. Evans - Lucien, tout en discutant de la carrière de Peregrinus, sans nommer Jésus, se réfère clairement à lui, bien qu'avec mépris au milieu de la satire :

"C'est alors qu'il a appris la merveilleuse sagesse des chrétiens, en s'associant à leurs prêtres et scribes en Palestine. Et - quoi d'autre ? - en bref, il les faisait ressembler à des enfants, car il était un prophète, un chef de culte, un chef de la congrégation et tout, tout seul. Il a interprété et expliqué certains de leurs livres, et en a écrit beaucoup lui-même. Ils l'ont vénéré comme un dieu, l'ont utilisé comme législateur et l'ont mis au bas comme protecteur - pour être sûr, après cet autre qu'ils adorent encore, l'homme qui a été crucifié en Palestine parce qu'il a introduit ce nouveau culte dans le monde.
Pour s'être convaincus qu'ils vont être immortels et vivre éternellement, les pauvres misérables méprisent la mort et la plupart s'y abandonnent même volontairement. En outre, leur premier législateur les a persuadés qu'ils sont tous frères les uns des autres après avoir transgressé une fois pour toutes en niant les dieux grecs et en adorant ce sophiste crucifié lui-même et en vivant selon ses lois."

Bien que Lucien soit au courant des « livres » des chrétiens (dont certains auraient pu faire partie du Nouveau Testament), ses nombreux morceaux de désinformation font qu'il semble très probable qu'il ne les ait pas lus. Le terme composé « prêtres et scribes », par exemple, semble avoir été emprunté au judaïsme, et en effet, le christianisme et le judaïsme étaient parfois confondus parmi les auteurs classiques.

Lucien semble avoir recueilli toutes ses informations auprès de sources indépendantes du Nouveau Testament et d'autres écrits chrétiens. Pour cette raison, son écriture est généralement considérée comme une preuve indépendante de l'existence de Jésus.
C'est vrai malgré son ridicule et son mépris pour les chrétiens et leur « sophiste crucifié ». « Sophiste » était un terme moqueur utilisé pour les tricheurs ou pour les enseignants qui n'enseignaient que pour de l'argent. Lucizn méprisait les chrétiens pour avoir adoré quelqu'un que l'on pensait être un criminel digne de la mort et méprisait particulièrement « l'homme qui a été crucifié ».

Celsus, le philosophe platoniste, considérait Jésus comme un magicien qui faisait des revendications exorbitantes.

Pline le Jeune, gouverneur romain et ami de Tacite, a écrit sur le culte chrétien primitien du Christ "comme un dieu".

Suétone, un écrivain, avocat et historien romain, a écrit sur les émeutes en 49 de notre ère parmi les Juifs à Rome qui auraient pu être sur le Christ, mais qu'il pensait avoir été incitées par « l'instigateur Chrestus », dont l'identification avec Jésus n'est pas complètement certaine.

Mara bar Serapion, un prisonnier de guerre détenu par les Romains, a écrit une lettre à son fils qui décrivait « le sage roi juif » d'une manière qui semble indiquer Jésus mais ne précise pas son identité.

D'autres sources documentaires sont douteuses ou non pertinentes.

On peut qualifier les preuves traitées ci-dessus de documentaires (parfois appelées littéraires) ou archéologiques. Presque toutes les sources couvertes ci-dessus existent sous la forme de documents qui ont été copiés et conservés au cours de plusieurs siècles, plutôt que d'être fouillés dans des fouilles archéologiques. Par conséquent, bien que certains écrivains les appellent des preuves archéologiques, je préfère dire que ces textes vraiment anciens sont d'anciennes sources documentaires, plutôt que des découvertes archéologiques.

Certains ossuaires (boîtes à os) sont venus à la lumière qui sont inscrits simplement avec le nom de Jésus (Yeshu ou Yeshua' en hébreu), mais personne ne suggère qu'il s'agissait de Jésus de Nazareth. Le nom Jésus était très commun à cette époque, tout comme Joseph. Donc, pour autant que nous le sachions, ces ossuaires ordinaires n'ont rien à voir avec le Nouveau Testament Jésus. Même l'ossuaire du district de Talpiot oriental à Jérusalem, dont l'inscription est traduite par « Yeshua', fils de Joseph », ne se réfère pas à lui.

En ce qui concerne le célèbre ossuaire de Jacques publié pour la première fois en 2002, dont l'inscription est traduite « Jacob, fils de Joseph, frère de Yeshua », rendu plus facilement, « Jacques, fils de Joseph, frère de Jésus », il faudra probablement des décennies pour régler la question de savoir s'il est authentique. Suivant une méthodologie bien établie et solide, je ne fonde pas les conclusions sur des matériaux dont l'authenticité est incertaine, car ils pourraient être falsifiés. Par conséquent, l'ossuaire de James, qui est traité dans de nombreuses autres publications, n'est pas inclus ici.

Lawrence Mykytiuk, janvier/février 2015, Biblical Archeology Review LIEN