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dimanche 14 novembre 2021

Albert Spaggiari. Sa devise était la même que celle de Casanova : ÉVADEZ-VOUS !



"Avant cette aventure - ou ce casse si vous préférez - je m'étais assoupi pendant huit longues années. Le commerce. J'ai essayé ça aussi. J'ai tout essayé. Il s'agissait d'un magasin de photo. Un vrai coma. Le revenu, la TVA, les allocations, la Sécurité sociale, les assurances obligatoires, les impôts locaux, les vignettes, les autoroutes, les parkings, les contraventions, les contributions, la voirie, les enseignes, les balayeurs, la télé, les ristournes, les petits cadeaux, les passe-droits, les flics, les hôpitaux, les fêtes patronales, les cotisations, les mutuelles... J'ai payé pour tout. Pour les enfants que je n'ai pas eus, pour la bêtise universelle. On me faisait même payer pour ma merde qui aurait dû enrichir la terre.
Les percepteurs et les polyvoleurs défilent chez moi, me pressent, m'acculent. Je n'y comprends rien. Jusqu'à présent je n'ai toujours fait commerce que de ma vie. On m'embrouille, on me bouscule. Attention, je dois être poli, sinon gare !
Pas savoir : majoration 10%
Pas sourire : majoration 10%
Paye, connard ! Crache, rampe, lèche, vieille pute !
(...)
Être un loup, c'est ma loi naturelle, mon premier réflexe. J'en avais marre de tous ces communards d'alors avec leurs manifs de pleurnichards à pancartes. Marchais et sa clique ont châtré des régiments de moutons en leur promettant des réfrigérateurs et des couvertures chauffantes. Et ça marche ! Pauvre France ! Ces lunatiques parlent de justice et d'égalité sociale pour une vie soi-disant meilleure. Mon cul ! On vous a seulement anesthésiés à coups de congés payés, on a fait de vous des ventres mous, des êtres sans fierté, avilis par la certitude d"avoir toujours à bouffer aussi longtemps que vous gueulerez assez fort pour emmerder tout le monde. Mon cul ! Camarades, gardez vos moutons !"

Albert Spaggiari, Les Égouts du paradis. Sans haine, sans violence et sans arme, Albin Michel, 1978.