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dimanche 3 octobre 2010

Un historien français, Paul-Éric Blanrue: "L'ONU n'a aucun pouvoir lorsqu'il s'agit de sanctionner les pays les plus puissants."

Paris.Irna. 03 Octobre 2010.

Interrogé sur les politiques américains qui bafouent les fondements même de l’Organisation de l’ONU mise en place en 1948 et dont les missions étaient justement d’empêcher toutes actions militaires unilatérales, l’historien français, Paul-Éric Blanrue répond que «comme la guerre du Kossovo à ses débuts, l'invasion de l'Irak a démontré que l'ONU n'avait aucun pouvoir lorsqu'il s'agit de sanctionner les pays les plus puissants, puisque les États-Unis ont pu attaquer librement ce pays sans avoir reçu l'aval du Conseil de sécurité ».

Dans une interview exclusive donnée au correspondant de l’Irna à Paris, l’historien et penseur français, Paul-Éric Blanrue évoque l’actualité internationale et notamment les interrogations qui pèsent sur le rôle et l’avenir de l’ONU et sur les politiques des Etats-Unis.

Rappelant les mensonges des États-Unis qui se sont permis d'y proférer par la bouche de Colin Powell, qui avait brandi devant ce même Conseil de faux documents censés prouver que Saddam Hussein produisait des armes de destruction massive, Paul-Éric Blanrue souligne que compte tenu du rapport des forces en présence, cela n'a pas empêché cette guerre d'être légalisée a posteriori ».

Pour l’historien français, les règles de l'ONU ont été brisées depuis bien longtemps par les États-Unis, qui préfèrent mener une politique unilatérale, conforme à leurs intérêts ou à leur vision du monde impérialiste.

Citant l'exemple de Cuba, Paul-Éric Blanrue souligne que « l’Assemblée Générale de l’ONU (moins Israël) condamne depuis 20 ans le blocus économique, commercial et financier des Etats-Unis contre ce pays, et cela ne empêche pas ces derniers de le pratiquer depuis 50 ans et même de mener des mesures de rétorsions contre les pays qui ne le respectent pas ».

Il dénonce Israël, qui est soumis à d’innombrables condamnations de l'ONU et poursuit son chemin sans être le moins du monde sanctionnée et qui occupe les zones territoriales attribuées aux Palestiniens de Cisjordanie malgré la résolution 242 de l'ONU, tout en se demandant qui sait que les résolutions du Conseil de Sécurité de l’ONU définissent comme frontières entre Israël et la Palestine celles qui sont antérieures à la guerre de 1967.

Interrogé sur le droit de véto dont disposent les cinq membres permanents de l’ONU et sur l’évolution que l’on peut envisager, l’historien et penseur français, Paul-Éric Blanrue déclare que « ce droit de veto, dans le cadre de l'ONU, c'est le droit du plus fort à dominer les plus faibles. Quand la France a menacé de l'utiliser avant la guerre d'Irak, cela n'a pas empêché les Américains d'envahir ce pays. Qui l'utilise le plus aujourd'hui ? Les États-Unis, comme par hasard ! Et pour quelles raisons ? En général, pour éviter des innombrables résolutions censurant Israël ! L'État juif peut donc agir comme il l'entend, sans crainte d'être sanctionné par les Nations unies.
»

Évoquant les meurtres commis lors de l’arraisonnement de la flottille Free Gaza, il critique la politique d’Israël qui « s'est même permis de refuser de coopérer avec les enquêteurs de l'ONU, qui désiraient faire la lumière sur ce drame.
»

De fait, pour l’historien français, « Israël bénéficie du soutien inconditionnel de l’administration Obama, qui a qualifié le rapport Goldstone d’inégal. Depuis que le rapport a été sanctionné, Washington a réitéré à maintes reprises son appui à Israël et a publiquement critiqué l’ONU. Israël se permet tout . Si un pays se permettait le dixième de ce que se permet Israël, il se serait aussitôt sanctionné, voire envahi par les États-Unis
», s’indigne Paul-Éric Blanrue.

Après le rapport Goldstone qui a accusé Israël d’avoir commis des crimes de guerre durant son assaut sur Gaza en 2008-09, l'État juif a dénoncé l’ONU et tenter de renverser le droit international « Netanyahu a en effet affirmé qu’aucun officiel israélien ne serait jugé pour crimes de guerre et a promis qu’un veto (celui de Washington, bien sûr) allait rejeter la résolution au Conseil de sécurité. Il a donné l’ordre à son gouvernement de préparer une campagne mondiale de lobbying pour modifier les lois internationales de guerre « dans l’intérêt de quiconque luttant contre le terrorisme » rappelle l’historien français soulignant que les États-Unis se moquent totalement du droit international et agissent comme s'ils étaient les "gendarmes du monde"
.

Interrogé sur une déclaration d’un ancien ministre des Affaires étrangères de la France qui affirmait qu’une « seule hyperpuissance » domine la scène, l’historien français, Paul-Éric Blanrue, a déclaré que «le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui est énormément polarisé
», dénonçant l’hégémonie américaine sans partage, devant le reste des États membres dont certains disposent de capacités économiques et politiques, mais qui ne font pas le poids devant l’hyperpuissance américaine.

D’ajouter à cela « une situation où de nombreux États sont relativement mis de côté par de grands acteurs économiques et politiques, notamment les entreprises transnationales. L’État associé à la nation qu’on a connu pendant des décennies n’est plus le seul et dans bien des cas n’est plus le principal acteur ».

Se demandant si une réforme de l’ONU comme par exemple l’élargissement du Conseil de sécurité serait suffisant, l’historien français, Paul-Éric Blanrue estime que « pour rééquilibrer ces forces au niveau mondial, l'élargissement du Conseil de sécurité serait nécessaire, mais non suffisant. Tout est à revoir : il convient de réformer tout le système politique, économique et social international. Le monde ne peut pas se développer harmonieusement sous l'empire du néo-libéralisme. Le Mouvement des Pays Non-Alignés, créé en 1961, doit être développé et démontrer qu'il a la capacité de protéger la paix et la justice dans le monde ».

Interrogé sur le rôle qu’aurait pu jouer l’ONU, à titre de bonne conscience du monde et d’autres documents fondamentaux qui restent des références essentielles comme la Déclaration universelle des droits humains qui indiquaient la volonté ou l’espoir de construire un monde meilleur et sur le fait que désormais l’ONU n’est plus le lieu où les vraies décisions sont prises, l’historien français déclare que l’ONU «est resté le "machin" dénoncé par de Gaulle, et devrait être traité comme tel. Ce n'est rien d'autre que le support de la politique extérieure américaine. L'ONU a raté tous ses objectifs : elle devait encourager le développement, or depuis 1948, les pays riches sont devenus encore plus riches et les pauvres encore plus pauvres ; elle avait pour ambition de prévenir les guerres, or elle ne fait qu'absoudre les guerres que mènent les grandes puissances, se révéler incapable de régler les grands conflits ou les massacres (Georgie, Rwanda,...), et n'a toujours pas été capable de donner aux Palestiniens le pays qu'elle leur a promis. »

Selon Paul-Éric Blanrue, il est temps de revoir tout cela en profondeur.

Après les politiques néolibérales qui se sont imposées un peu partout dans le monde et le rôle en ce sens de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international pour imposer ces politiques avec les conséquences catastrophiques que l’on connaît aujourd’hui, concernant le discours dominant dans l’appareil de l’ONU, sur la nécessité d’ « humaniser » la mondialisation néolibérale Paul-Éric Blanrue rétorque que « prétendre qu'on lutte pour rendre le capitalisme plus "humain" est une imposture.Taxer quelques transactions spéculatives, comme certains le proposent, ne reviendrait en fait qu'à s’attaquer à une infime partie de la spéculation et cacherait le fait que la crise du capitalisme ne porte pas uniquement sur la spéculation mais sur l’ensemble du capitalisme. Le capitalisme se fonde sur l'inégalité et l'exploitation ».

Il estime que « nous vivons sous le rouleau-compresseur du néo-libéralisme, qui, de crise en crise, démontre qu'il est à bout de souffle. Étant donné ses conséquences (mort des cultures, disparition des particularismes, etc.), la mondialisation apparaît comme un "holocauste mondial", ainsi que l’a dit le sociologue et philosophe français , Jean Baudrillard
».

Enfin, pour l’historien français, Paul-Éric Blanrue « il n’y a pas de société "juste" dans le cadre du capitalisme dont l’essence conflictuelle nourrit des antagonismes en cascade. Le capitalisme est, par nature, une économie poussant à la mondialisation et à la marchandisation. Or tout est marchandisation en puissance. La seule réponse historique valable est de le dépasser, en développant les luttes contre l’exploitation de la force de travail et les rapports capitalistes de production. Heureusement, face la mondialisation du capital, on assiste à une mondialisation des résistances et des luttes ». 


mis en ligne par marcopolo