Immédiatement, le nombre de coups de feu pose  problème. Les trois quarts des témoins disent avoir entendu trois tirs.  Mais comme leur récit a été enregistré après que la police a livré sa  version officielle, il est possible qu'ils aient été influencés, voire  orientés. Un témoin déclare ainsi : " J'en ai entendu un de trop ! "  D'autres maintiennent qu'ils ont entendu quatre détonations, voire  davantage.
Le Mannlicher-Carcano d'Oswald implique un minimum de 2 à  3  secondes entre chaque tir pour recharger. Selon le chronométrage  effectué d'après le film d'Abraham Zapruder     (lire     Les zones d'ombre du film de Zapruder,     page 51),     les " trois coups de feu " sont tirés en 5 ou 6 secondes, ce qui  laisse environ 2 secondes entre le premier et le deuxième tir et 3 entre  le deuxième et le troisième tir. Deux fois de suite, en moins de 3  secondes à  chaque reprise, Oswald a dû ouvrir le magasin du fusil en  tirant le levier d'armement, éjecter la douille, repousser et rabaisser  le levier, épauler l'arme à  nouveau, viser une cible mouvante, à  80  mètres... Un exploit digne d'un tireur d'élite. Or d'après son dossier  militaire Oswald n'en est pas un.   
L'origine des coups de feu pose également problème. Sur les 178  personnes présentes place Dealey, 21 précisent que les coups de feu  proviennent d'un talus situé devant le cortège présidentiel. Après les  tirs, une partie de la foule se précipitera d'ailleurs vers ce  monticule. Certains témoignent avoir vu de la fumée s'en échapper. Tous  accréditent l'idée que " des " tireurs étaient embusqués derrière une  palissade.
Sur le film de Zapruder, on voit qu'au dernier impact - celui qui  sera fatal -, Kennedy effectue un mouvement de la téte en arrière. Or un  objet atteint par une balle subit normalement une impulsion dans le  sens de propagation du projectile. Si la balle provient de derrière, le  corps de JFK aurait donc dû s'effondrer vers l'avant. La Commission a  d'ailleurs publié des photos montrant un mouvement vers l'avant, qui ne  s'est produit en fait qu'après le recul du Président ! (Une inversion  considérée par J. Edgar Hoover, directeur du FBI, comme une " erreur  d'impression ".)
Le doute s'empare de l'Amérique. En 1976, la Chambre des  représentants crée un comité restreint, le House Select Committee on  Assassinations (HSCA), chargé de faire la lumière à  la fois sur les  meurtres de Kennedy et de Martin Luther King (assassiné en 1968).
En 1979, le HSCA rend un rapport de près de 8 000 pages. A la  surprise générale, il conclut à  " la probabilité de l'existence d'un  complot ". Son appréciation se fonde surtout sur les analyses  acoustiques des enregistrements de la radio d'un motard de l'escorte. On  y entend quatre coups de feu, ce qui implique au moins deux tireurs. La  thèse du complot prend un caractère officiel. Mais les partisans de la  Commission Warren font remarquer que sur la bande magnétique les sirènes  de police ne sont perceptibles que deux minutes après les détonations.  En réalité, elles ont retenti sitôt après les tirs. Pour eux, la bande  magnétique ne correspond pas aux événements. Une critique confirmée par  l'Académie nationale des sciences, et qui permet au ministère de la  Justice de revenir sur les conclusions du HSCA, en déclarant qu'" aucune  preuve " ne soutient plus la thèse du complot.
En 1993, le juriste Gerald Posner publie     Case Closed     (Affaire classée), un ouvrage dans lequel il réhabilite à  son tour  la Commission Warren. Selon lui, les contradictions relevées chez les  témoins s'expliquent par les défauts inhérents à  ce type de document.  Les coups de feu " additionnels " sont dus à  l'écho. Quant à  la fumée,  elle n'est accréditée que par de rares personnes peu fiables. Posner  ajoute que le film de Zapruder n'a pas été correctement exploité. En se  fondant sur de " nouvelles analyses ", il révèle qu'il se passe 4  secondes entre le premier et le deuxième tir, et environ 5 secondes  entre le deuxième et le troisième. Soit 8 à  9 secondes pour trois tirs.  Presque le double du temps accordé à  Oswald par les partisans du  complot. Posner annule ainsi l'un de leurs principaux arguments. Quant  au mouvement de téte vers l'arrière, il l'explique grâce au rapport  Alvarez     (lire     L'expertise d'un prix Nobel de physique,     page 50)     . Pour Posner, le mystère est éclairci.   
                                      Paul-Eric Blanrue
mis en ligne par floriana