"La
débâcle actuelle est elle aussi le produit des idées. Elle est le
résultat d'une acceptation massive, par l'opinion publique, de l'idée de
la démocratie. Aussi longtemps que cette adhésion est dominante, la
catastrophe est inévitable ; et il n'y aura pas d'espoir d'amélioration
même après qu'elle sera arrivée. En revanche, si on reconnaît que l'idée
démocratique est fausse et perverse —et les idées, en principe, on peut
en changer instantanément—, la catastrophe peut être évitée.
La
tâche essentielle qui attend ceux qui veulent renverser la vapeur et
empêcher la destruction complète de la civilisation est de dé-légitimer
l'idée de la démocratie, c'est-à-dire de démontrer que la démocratie est
la cause fondamentale de la situation actuelle de dé-civilisation
rampante. Dans ce but, il faut d'abord faire remarquer qu'il est
difficile de trouver beaucoup de partisans de la démocratie dans
l'histoire de la théorie politique. Presque tous les grands penseurs
n'avaient que mépris pour la démocratie. Même les Pères fondateurs de la
Constitution américaine, que l'on considère aujourd'hui —à tort— comme
des défenseurs de la démocratie, y étaient strictement opposés. Sans
aucune exception, ils étaient d'accord avec Aristote pour reconnaître
que la démocratie n'est rien d'autre que le règne de la canaille. Ils
entretenaient plutôt, comme Jefferson, l'idée d'une "aristocratie
naturelle" dont ils pensaient faire partie, et prônaient en conséquence
une république aristocratique.
Même parmi le petit nombre de
défenseurs théoriques de la démocratie dans l'histoire de la pensée
politique, comme Rousseau, il est presque impossible de trouver qui que
ce soit pour prôner la démocratie ailleurs que dans de toutes petites
communautés. En fait, dans les villages et dans les villes où tout le
monde connaît personnellement tous les autres, pratiquement personne ne
peut manquer d'admettre que la position des "possédants" a forcément
quelque chose à voir avec des capacités supérieures, de même que la
situation des "déshérités" est liée à une infériorité, à des déficiences
personnelles. Dans ces conditions-là, il est beaucoup plus difficile de
faire passer l'idée de piller les autres et leur propriété à des fins
personnelles. A l'inverse marqué, dans de vastes territoires comprenant
des millions voire des centaines de millions de personnes, où les
candidats au pillage ne connaissent pas leurs victimes et vice-versa, le
désir humain de s'enrichir aux dépens des autres n'est plus soumis à
aucune gêne.
Plus important encore, il faut souligner que la
démocratie est immorale en plus d'être anti-économique. Pour ce qui est
du statut moral de la règle majoritaire, il faut faire remarquer qu'elle
permet que Dupond et Durand s'acoquinent pour voler Duschmolle ; de
même, que Duschmolle et Dupond s'entendent pour voler Durand, et encore
que Durand et Duschmolle complotent contre Dupond. Ce n'est pas de la
"justice", mais une infamie, et bien loin de traiter avec respect les
démocrates et la démocratie, il faudrait les juger avec mépris et les
bafouer pour leur escroquerie intellectuelle et morale.
En ce qui
concerne les propriétés économiques de la démocratie, il faut rappeler
sans relâche que ce n'est pas la démocratie mais la propriété privée, la
production et l'échange volontaire qui sont les véritables sources de
la civilisation et de la prospérité humaines."