"Quel est le cri universel dans tous les rangs, dans toutes les classes ? "Tous pour chacun".
En prononçant le mot "chacun", nous pensons à nous, et ce que nous
demandons c’est de prendre une part imméritée dans le travail de tous.
En d’autres termes, nous systématisons la spoliation.
Sans doute, la spoliation naïve et directe est tellement injuste
qu’elle nous répugne ; mais, grâce à la maxime "tous pour chacun", nous
apaisons les scrupules de notre conscience. Nous plaçons
dans les autres le devoir de travailler pour nous, puis nous mettons en
nous le droit de jouir du travail des autres ; nous sommons l’État, la
loi d’imposer le prétendu devoir, de protéger le prétendu droit, et nous
arrivons à ce résultat bizarre de nous dépouiller mutuellement au nom
de la fraternité.
Nous vivons aux dépens d’autrui, et c’est à ce titre que nous nous attribuons l’héroïsme du sacrifice.
Ô bizarrerie de l’esprit humain ! Ô subtilité de la convoitise ! Ce
n’est pas assez que chacun de nous s’efforce de grossir sa part aux
dépens de celle des autres, ce n’est pas assez de vouloir profiter d’un
travail que nous n’avons pas fait, nous nous persuadons encore que par
là nous nous montrons sublimes dans la pratique du dévouement ; peu s’en
faut que nous ne comparions à Jésus-Christ, et nous nous aveuglons au
point de ne pas voir que ces sacrifices, qui nous font pleurer
d’admiration en nous contemplant nous-mêmes, nous ne les faisons pas,
mais nous les exigeons."
Bastiat
"Le peu qu’on gagne, il faut le partager avec le fisc. Pour vous
arracher le fruit de vos sueurs, ce qu’on nomme l’État vous enlace d’une
multitude d’entraves. Il intervient dans tous vos actes, il se mêle de
toutes vos transactions ; il régente votre intelligence et votre foi ;
il déplace tous les intérêts, et met chacun dans une position
artificielle et précaire ; il énerve l’activité et l’énergie
individuelle en s’emparant de la direction de toutes choses ; il fait
retomber la responsabilité des actions
sur ceux à qui elle ne revient pas, en sorte que, peu à peu, la notion
du juste et de l’injuste s’efface ; il engage la nation, par sa
diplomatie, dans toutes les querelles du monde, et puis il y fait
intervenir la marine et l’armée ; il fausse autant qu’il est en lui
l’intelligence des masses sur les questions économiques, car il a besoin
de leur faire croire que ses folles dépenses, ses injustes agressions,
ses conquêtes, ses colonies, sont pour elles une source de richesses."
Bastiat
"L'intervention de la force dans les transactions humaines est accompagnée de maux sans nombre.
L’accroissement même de cette force est déjà un premier mal ; or il est
bien évident que l’État ne peut faire des conquêtes, retenir sous sa
domination des pays lointains, détourner le cours naturel du commerce
par l’action des douanes, sans multiplier beaucoup le nombre de ses
agents.
La déviation de la force publique est un mal plus grand encore que son accroissement. Sa mission rationnelle
était de protéger toutes les libertés et toutes les propriétés, et la
voilà appliquée à violer elle-même la liberté et la propriété des
citoyens. Ainsi les gouvernements semblent prendre à tâche d’effacer des
intelligences toutes les notions et tous les principes. Dès qu’il est
admis que l’oppression et la spoliation sont légitimes pourvu qu’elles
soient légales, pourvu qu’elles ne s’exercent entre citoyens que par
l’intermédiaire de la loi ou de la force publique, on voit peu à peu
chaque classe venir demander de lui sacrifier toutes les autres."
Bastiat
"Il y a des vérités qui ne peuvent être dites qu'à l'oreille ; on ne les entend pas quand on les proclame bruyamment."
Nietzsche