Lettre de Gustave Flaubert à George Sand (1871) : 
"Si la France ne passe pas, d’ici à peu de temps, à l’état critique, je
 la crois irrévocablement perdue. L’instruction gratuite et obligatoire 
n’y fera rien – qu’augmenter le nombre des imbéciles. Renan a dit cela 
supérieurement dans la préface de ses Questions contemporaines. Ce qu’il
 nous faut avant tout, c’est une aristocratie naturelle, c’est-à-dire 
légitime. On ne peut rien faire sans 
tête. – Et le suffrage universel tel qu’il existe est plus stupide que 
le droit divin. Vous en verrez de belles si on le laisse vivre! La 
masse, le nombre, est toujours idiot. Je n’ai pas beaucoup de 
convictions. Mais j’ai celle-là, fortement. Cependant il faut respecter 
la masse si inepte qu’elle soit, parce qu’elle contient les germes d’une
 fécondité incalculable. – Donnez-lui la liberté mais non le pouvoir.
Je ne crois pas plus que vous aux distinctions de classes. – Les castes
 sont de l’archéologie. – Mais je crois que les Pauvres haïssent les 
Riches, et que les riches ont peur des pauvres. Ce sera éternellement. –
 Prêcher l’amour aux uns comme aux autres est inutile. Le plus pressé 
est d’instruire les Riches, qui en somme sont les plus forts. Eclairez 
le bourgeois d’abord! Car il ne sait rien, absolument rien. Tout le rêve
 de la démocratie est d’élever le prolétaire au niveau de bêtise du 
bourgeois. – Le rêve est en partie accompli! Il lit les mêmes journaux 
et a les mêmes passions.
Les trois degrés de l’instruction ont donné
 leurs preuves depuis un an . 1° l’instruction supérieure a fait vaincre
 la Prusse ; 2° l’instruction secondaire, bourgeoise, a produit les 
hommes du 4 septembre ; 3° l’instruction primaire nous a donné la 
Commune. Son ministre de l’Instruction primaire était le grand Vallès, 
qui se vantait de mépriser Homère.
Dans trois ans tous les Français 
peuvent savoir lire. Croyez-vous que nous en serons plus avancés ? 
Imaginez au contraire que, dans chaque commune, il y ait un bourgeois, 
un seul, ayant lu Bastiat, et que ce bourgeois-là soit respecté, les 
choses changeraient!"


 
