Crise en Italie. Sergio Mattarella refuse de nommer un ministre des 
Finances "eurosceptique". Di Maio parle de son souhait d'invoquer 
l'article 90 de la Constitution, qui permet de mettre le chef de l'État 
en accusation devant le Parlement pour "haute trahison" ou pour 
"atteinte à la Constitution". Si seulement ! Forza Italia ! En attendant
 la séparation du Nord et du Sud et l'indépendance de la Vénétie ! Indipendenza Veneta ! On 
peut rêver ! Haut les coeurs !
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Pauvre Marlène Schiappa ! Son dernier livre, Si souvent éloignée de vous, chez Stock (une compilation de lettres écrites avec 
ses pieds et envoyées à ses filles lors de ses déplacements), se fait 
descendre en flèche par ses copines de la bobocratie ellegébété. Pas 
seulement à cause du style défaillant ; non, aussi pour des raisons de 
fond. Elle qui se prenait pour la nouvelle Beauvoir, la championne du 
néo-féminisme indomptable et de l'anti-sexisme farouche, la voilà qui se
 fait allumer par une furie du Nouvel Obs du nom de Barbara
 Krief, qui lui reproche l'éducation "genrée" qu'elle donne à sa 
progéniture. 
Genrée !
L'inconsciente Marlène ose conseiller à ses filles de 
tomber amoureuses "d'un homme" (aïe !) et d'avoir des enfants, "la plus 
belle chose du monde" (ouille !). Krief s'étouffe. Et l'IVG, c'est fait 
pour les chiens ? 
Pire, la belle Marlène aime "voir un homme" lui "rendre un 
sourire" et raconte avoir hérité de sa mère "la façon de préparer le 
dîner". Les femmes et la bouffe du dimanche en famille, il ne manquait 
plus que cette caricaturale abomination. Misogynie rampante  ! Calamité 
macho ! Apocalypse phallocratique ! Tous aux abris ! Bouh ! Elle est 
infectée, la Marlène, elle se vautre avec une honteuse délectation dans 
les ravissements de l'avilissante génétique humaine et sa culture 
séculairement oppressive. 
Ce livre est la preuve qu'elle n'est pas 
encore totalement passée de l'autre côté, dans le compartiment 
aseptique de la désexualisation, le lieu où l'on voile pudiquement à sa 
pensée progressiste les organes génitaux réactionnaires. 
Quand on veut faire 
dans l'égalitarisme démagogique, on trouve toujours plus démagogique et 
égalitariste que soi... Encore un effort pour vous dégenrer, Marlène ! 
On est tous derrière vous ! En tout bien, tout honneur, évidemment.
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Affaire Mamoudou. Naturalisé français et héros national en 48 heures chrono ! Déjà ! Plus 
vite que Jeanne d'Arc, qui, d'hérétique, a mis six siècles avant d'être 
catapultée sainte. Quand la propagande politico-médiatique s'y met, tout
 va plus vite. Moi qui croyais qu'on vivait dans une société raciste, 
racialisée, racialisante, racialosophe, racistissime, blanco-normée. Je 
ne peux pas croire qu'on m'ait menti sur un sujet aussi sensible.
Vu les réactions spécialement hostiles qui se déchaînent sur les réseaux
 sociaux, la propagande étatique démontre une nouvelle fois son 
impéritie : 1° l'apparition inopinée de l'État-spectacle 
("comediante, tragediante") engendre en soi la suspicion sur le 
storytelling de la geste de Mamoudou et  2° la collusion suspecte de 
l'Élysée avec les médias entraîne un rejet populaire d'une l'histoire 
jugée trop officielle pour être honnête.  La hâte avec laquelle ce 
migrant va être naturalisé et entrer chez les sapeurs pompiers contribue in fine à alimenter le racisme sur le Net. Tout ce que fait l'État, il le fait mal. Mamoudou ou pas Mamoudou, héros ou pas héros (exploit physique de toute évidence), il est amusant de constater qu'il existe encore des gens qui croient dur comme fer qu'il existe des "faits", des événements neutres, objectifs, et que ces "faits" sont traités à égalité et en tant que faits bruts, s'imposant naturellement à l'esprit en raison de leur importance, par les journalistes et les politiciens.
Un "fait" n'existe que parce qu'il est choisi, trié, mis
 en avant, storytellé. On en prend, on les monte en épingle, les autres 
vont droit dans la poubelle et nul n'en entend jamais parler : c'est 
ainsi que ça se passe. Il faut avoir travaillé un peu dans les journaux 
pour le savoir. Ensuite les réseaux s'en emparent et tout le monde y va 
de son commentaire (la preuve), en oubliant le reste, les faits 
négligés, la perspective de ces histoires, la réalité de la fabrique de 
l'information, du consentement, de l'entertainment. 
On a beaucoup 
raillé Jean-Pierre Pernaut parce qu'il consacrait la majeure partie de
 son JT à la culture du radis sauvage dans le Périgord noir ou à l'art 
de sculpter la cougourde dans un bled du Massif des Alpilles où survivent douze 
cacochymes de 103 ans passés. Mais il ne fait pas autre chose que les autres : il tape 
dans le lot, choisit le "fait", le fabrique en fonction de l'intérêt 
qu'il porte à ce type d'informations et torche son JT qui plaît tant dans les 
maisons de retraite, où l'on espère encore que la dorure à la feuille est 
un métier d'avenir.
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La triste vérité que tout le monde tait, à commencer par le Figaro, 
c'est que Serge Dassault ne pouvait sentir le moindre de ses rejetons. Il a 
passé sa vie à les humilier, les rabaisser, les rabrouer, dès qu'ils 
l'ouvraient, dès qu'ils apparaissaient dans les médias, dès qu'ils 
faisaient parler d'eux. Il les haïssait d'une haine pure et sèche. De toute son âme - s'il en avait une. 
Dassault représentait en outre la quintessence du capitalisme de connivence : incapable de vendre un seul de ses Rafales à l'étranger, il était le grand ami d'une succession de présidents français, et la plus grosse partie de son business s'est faite avec l'appui de l'État.
Dassault représentait en outre la quintessence du capitalisme de connivence : incapable de vendre un seul de ses Rafales à l'étranger, il était le grand ami d'une succession de présidents français, et la plus grosse partie de son business s'est faite avec l'appui de l'État.
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Pioché ce matin dans le Journal de Jules et Edmond Goncourt (27 décembre 1860, notez la date) : 
"À mesure que de l'isolement, la civilisation marche à la centralisation - marche fatale et croissante de l'humanité -, l'individualité est plus absorbée. L'État, surtout depuis 89, est d'un absorbant prodigieux ! L'avenir, ne sera-ce pas l'État absorbant tout, assurant tout, tenant à ferme la propriété de chacun ? On n'aura plus le despotisme dans un homme, dans une volonté, mais il y aura, étendu sur tout, le réseau d'une règlementation omnipotente, la tyrannie de la bureaucratie, en un mot le gouvernement absolu de l'État, administrant tout au nom de tous."
"À mesure que de l'isolement, la civilisation marche à la centralisation - marche fatale et croissante de l'humanité -, l'individualité est plus absorbée. L'État, surtout depuis 89, est d'un absorbant prodigieux ! L'avenir, ne sera-ce pas l'État absorbant tout, assurant tout, tenant à ferme la propriété de chacun ? On n'aura plus le despotisme dans un homme, dans une volonté, mais il y aura, étendu sur tout, le réseau d'une règlementation omnipotente, la tyrannie de la bureaucratie, en un mot le gouvernement absolu de l'État, administrant tout au nom de tous."
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"On ne peut être vraiment soi qu'aussi longtemps qu'on est seul ; qui 
n'aime donc pas la solitude n'aime pas la liberté, car on n'est libre 
qu'étant seul" (Arthur Schopenhauer).
Paul-Éric Blanrue


 
