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samedi 4 novembre 2023

Israël, parlons-en (sans peur !).



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- Aux États-Unis, par contre, les lobbies défendant les intérêts d’Israël, comme l’AIPAC, sont reconnus comme tels. Tout le monde est au courant. Pourquoi cette différence ? 
Paul-Éric Blanrue : Parce que le lobby pro-israélien américain est beaucoup plus ancien, puissant et sûr de lui. Aux États-Unis, l’impact du lobby sioniste a acquis une sorte d’évidence : depuis trente ans au moins, il ne viendrait à l’idée d’aucun président américain de nommer un secrétaire d’État qui ne soit pas un fervent pro-israélien. D’ailleurs, c’est cette assurance qui autorise chez eux la libre discussion. On peut reprocher beaucoup de choses aux États-Unis, mais il faut convenir que, même sous le régime du Patriot Act, il demeure licite d’y parler d’Israël avec une certaine franchise. 
En France, par contre, le phénomène de lobbying est beaucoup plus récent, du moins sous une forme constituée. Son sommet a été l’année 2007, avec l’élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République. Jusque là, même si les pressions des réseaux pro-israéliens s’exerçaient et même s’il arrivait à la France de s’y plier parfois, le Quai d’Orsay, grâce à des hommes comme Roland Dumas, Hubert Védrine ou Dominique de Villepin, avait résisté à l’assaut. Mais, une fois arrivé au pouvoir, Sarkozy a ouvert les vannes. 
- Le lobby influence jusqu'à la nomination des ministres ? 
PEB : Bien sûr. Si Bernard Kouchner a été préféré à Védrine, c’est qu’il a été jugé plus « israélo-compatible que son collègue, selon les mots d’un journaliste exceptionnellement inspiré.
- Tout ça ne rend pas très optimiste !
PEB : Au contraire, il faut se rendre compte que les réseaux pro-israéliens français, bien qu’ils soient arrivés à leurs fins, ne se sentent pas très à leur aise dans leur nouveau rôle de grand inquisiteur. Ils savent pertinemment qu’ils n’ont pas le vent en poupe. On a vu les imposantes manifestations qui se sont déroulées, tant en province qu’à Paris, lors des massacres de Gaza en janvier 2009. Il suffit de lancer une discussion de trottoir pour s’apercevoir que nombre de Français sont révoltés. En fait, les réseaux sionistes n’ont aucun intérêt à promouvoir le débat sur des questions gênantes pour eux. Donc, ils sont contraints d’entretenir le chantage moral, c’est-à-dire la police de la pensée. Comment débattre quand on a soutenu des criminels de guerre ? C’est impossible. Alors, le plus simple est de condamner par avance tout propos jugé non « politiquement correct ». 
Mais l’histoire a prouvé qu’on ne gagne jamais le cœur d’un peuple en utilisant la force ou la peur. Lorsque la contrainte est abusive, les gens finissent toujours par se rebeller.
C’est la raison pour laquelle, en prévention d’événements fâcheux, j’appelle la communauté juive à commencer par se libérer elle-même de ses propres « représentants ». Qui ne représentent au mieux qu’un sixième d’entre elle, tout en lui causant un tort considérable.
Cette communauté en a les moyens et elle doit comprendre que son intérêt réel n’est pas de défendre coûte que coûte un État qui pratique une politique d’apartheid, selon le juste mot du Prix Nobel de la paix Jimmy Carter. Mais plutôt de contribuer à l'émancipation de l’humanité comme certains de ses membres les plus éminents l’ont déjà fait par le passé. Plus généralement, je recommande à tous les Français, quelle que soit leur appartenance religieuse, de ne plus avoir peur et de libérer leur parole. Toute société démocratique doit être fondée sur le débat.
- Comment arriver à parler de tout cela sans crainte ?
PEB : Cessons de nous justifier sans arrêt. Se justifier, c’est déjà avoir perdu. C’est un réflexe de type pavlovien, créé par des années de conditionnement médiatique et politique. Nous devons au contraire attaquer, prendre la parole sans attendre qu’on nous la donne, dire ce que nous pensons en toute simplicité. Sans en rajouter inutilement, mais surtout sans reculer d’un pouce. 
Nous n'avons pas à nous excuser d’être en faveur de la liberté de parole. Nous n’avons pas à nous défendre d’être horrifiés par les crimes contre l'humanité qui ont été perpétrés à Gaza. Nous ne devons pas avoir peur d’être pour la paix. Nous ne sommes pas des coupables, mais des pionniers, voilà la façon dont il faut penser. Et dans ce climat de conformisme généralisé, un peu d’esprit d’aventure ne fait pas de mal, je vous l’assure !

Paul-Éric Blanrue, in Israël, parlons-en ! (2011).