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jeudi 9 octobre 2025

La peine de mort et l'Orthodoxie.



Depuis Badinter, il est convenu que la peine de mort est immorale.

Qu'en pense l'Orthodoxie ?

Les jugements sont nuancés.

Pendant de longs siècles, la Tradition chrétienne l'a jugée légitime en certains cas, tout en appelant à la miséricorde et en imposant une peine au bourreau.

- « Si tu fais le mal, crains, car ce n’est pas en vain que le magistrat porte le glaive : il est serviteur de Dieu, pour exercer la vengeance et punir celui qui fait le mal. »
Saint Paul, Romains 13

- « Le châtiment est un remède, non une vengeance ; mais il appartient au magistrat d’en user selon la loi, jusqu’à ôter la vie, si le mal exige une amputation. »
Saint Clément d’Alexandrie, Stromates, I, 27

- « Le glaive remis au magistrat par Dieu n’est pas un signe de violence, mais de pouvoir légitime. »
Origène, Commentaire sur Romains 13

- « Le juge qui punit le crime ne pèche pas, car il agit non pour sa cause, mais pour la justice. »
Saint Ambroise de Milan, De Officiis Ministrorum, I, 36

- « Paul justifie par là les exécutions publiques : non comme cruelles, mais nécessaires. »
Théodoret de Cyr, Commentaire sur Romains 13

- « Dieu a remis le glaive au magistrat pour l’empêcher d’abandonner les bons aux mains des méchants. »
Saint Jean Chrysostome, Homélie sur Romains 13, 4.

- « Il n’est pas contraire au commandement “Tu ne tueras pas” d’ôter la vie, si l’autorité publique et la loi le commande. »
Saint Augustin, Cité de Dieu, I, 21

- « Il est parfois nécessaire de couper un membre gangrené pour sauver le corps. »
Saint Grégoire de Nazianze, Discours 14, Sur l’amour des pauvres.

- « Ce n’est pas un meurtre quand le soldat tue en guerre ou quand le juge, par ordre de la loi, met à mort le criminel. »
Saint Athanase d’Alexandrie, Lettre à Amun, 48

- « Le roi est établi par Dieu pour réprimer les méchants, parfois jusqu’à leur perte corporelle. »
Saint Jean Damascène, Exposition de la foi orthodoxe, XXIV

Néanmoins, la peine de mort n'était jamais glorifiée.
Ainsi :

- « Si un homme tue, même pour la justice, il éteint en lui la ressemblance de Dieu. »
Saint Isaac le Syrien, Homélies ascétiques

Isaac fut l’un des plus radicaux défenseurs de la miséricorde divine. Pour lui, tout châtiment terrestre ou céleste doit être médicinal, jamais destructeur.

Quant à saint Jean Climaque, il insiste sur la suspension du jugement humain :
- « Ne juge pas, même celui qui a mérité la mort, car tu ignores les jugements de Dieu. »
Saint Jean Climaque, L’Échelle sainte, degré 10

- « Même ceux qui ont tué dans un jugement doivent s’abstenir de la communion trois ans. »
Saint Basile de Césarée, Canons 55 et 56

Avec le temps, on insiste davantage encore sur l'esprit de miséricorde :

- « L’amour est la seule loi des chrétiens ; toute peine qui détruit n’est pas chrétienne. »
Saint Nicolas Cabasilas, La Vie en Christ, VII

- « Dieu seul est juge de la vie et de la mort. L’homme ne peut ôter ce qu’il n’a pas créé. »
Saint Tikhon de Zadonsk, Œuvres spirituelles, IV

« Un chrétien ne peut jamais approuver la mort, même légale. Il croit à la conversion jusqu’au dernier souffle. »
Métropolite Antoine Bloom, Entretiens spirituels, 1970s

La tradition orthodoxe ancienne n’est pas abolitionniste. Elle considère la peine capitale comme moralement tragique mais civilement légitime, tant qu’elle vise la justice, non la vengeance, et que celui qui l’exerce reste conscient qu’il ne fait que retrancher un mal pour sauver la communauté. Les anciens la toléraient pour ainsi dire par économie politique

L’Église orthodoxe moderne (exemple le Patriarcat de Moscou en 2000, dans son Fondement de la doctrine sociale, ou le Patriarche de Constantinople) rejette en revanche la peine de mort comme contraire à l’esprit de l’Évangile.