"Vivons-nous dans un monde trop égoïste ? On le prétend avec frénésie, 
que ce soit l’omniprésent Matthieu Ricard ou Jacques Attali, banquier 
autopromu apôtre de la fraternité universelle, un comble pour ce 
conseiller de l’ombre du lascar François Mitterrand et soutien du 
rothschildien président Macron ! Pas une heure ne passe sans qu’un média
 mainstream ne nous jette à la figure une hideuse description de 
l'individu moderne. Nous sommes tous un tas d’immondes égoïstes, repus 
et heureux de vivre comme des porcs dans leur bauge. De mauvais citoyens
 qui votent peu et mal. De misérables marauds qui ne pensent qu’à leur 
petit confort et se désintéressent outrément du malheur du monde, de 
l’égalité salariale des femmes et du mansplaining, de la souffrance 
animale, des immigrés, des SDF, des mal-logés, de « Dame nature », de la
 couche d’ozone, du réchauffement climatique (sic). Les prédicateurs en 
cour n’ont que le mot « inégalités » à la bouche – inégalités contre 
lesquelles la morale civique nous commande de combattre sous peine 
d’être qualifiés de bourgeois ou de fascistes. Si l’on est un mâle blanc
 hétérosexuel, les péchés que nous avons à expier sont pis encore ! Nous
 voici coupables d’à peu près tout ce que le monde a produit depuis des 
millénaires en matière de massacres abjects, d’esclavages répugnants, de
 misères atroces et de génocides infernaux.
Je crois au contraire 
que la plupart de nos contemporains sont soumis à des exigences 
extérieures qu’ils ne contrôlent pas et que le véritable mal vient de 
là. L’individualisme présent n’est qu’un mot creux. Nous sommes plongés 
dans une société où il est devenu interdit de penser par nos propres 
facultés. Nous sommes imbibés de valeurs choisies pour nous, par 
d’autres que nous. Lorsque clamer ce que l’on a sur le cœur devient un 
crime de la pensée, quand l’État, omniprésent dans nos vies, se dote 
d’un pouvoir discrétionnaire sur nos esprits, nous impose des normes de 
comportement au point que sa police traque les réfractaires et que la 
justice les punit à de lourdes peines, on ne peut, quand on a un soupçon
 de dignité, se permettre le luxe de se laisser aller à abandonner le « 
soi », entité réelle ou illusoire, pour faire plaisir à ses contempteurs
 - sauf à se retirer pour le reste de nos jours chez les Chartreux ou 
dans un ashram (ce qui n’est pas donné à tout le monde), en priant pour 
que l’État et sa bureaucratie tatillonne n’y mettent pas les pieds 
(chose à peu près impossible).
Voulons-nous être dominés par des 
idées qui ne sont que l’expression théorique des intérêts d’autrui ? 
Notre vie n’appartient qu’à nous. Nous sommes les intendants de notre 
corps et de notre esprit. C’est à ce prix que nous en sommes 
responsables. C’est en raison de la liberté que nous avons su conquérir 
sur nous que nous sommes légitimes à parler et à défendre, le cas 
échéant, certains principes supérieurs. Sinon, nous ne sommes que les « 
hommes-machines » qui faisaient horreur à Georges Gurdjieff, des robots,
 des automates, des perroquets, des aveugles, des atomes tournoyant tout
 abrutis dans la grande cage à hamsters du « On », l’univers gris, sans 
forme ni visage décrit dans Être et Temps (1927) de Martin Heidegger.
L’urgence est de devenir un « homme différencié », selon l’heureuse 
formule de Julius Evola. Nous devons trouver en nous-mêmes les principes
 qui régissent notre vie. Imiter les autres dans nos jeunes années, nous
 inspirer de certains types de héros populaires est certainement un bon 
début, une formation nécessaire du moment que l’on n’est pas un enfant 
surdoué comme Mozart, à la seule condition de nous construire nous-mêmes
 ensuite, en sélectionnant le bon grain et l’ivraie dans les modèles que
 l’on a choisi de suivre. On doit un jour savoir se séparer de nos 
inspirateurs, trouver la voie qui nous convient et s’adapter à nos 
aptitudes. Le bon maître spirituel, qu’on appelle guru dans la tradition
 hindoue (un mot signifiant simplement « enseignant »), n’est pas un 
chefaillon irrité désireux de conserver auprès de lui ses disciples 
jusqu’à ce que mort s’ensuive. Il doit être un libérateur, apprenant à 
ses élèves à le quitter le moment venu, afin de vivre de manière 
autonome, une fois formés, de leur plein gré, à une discipline qui les 
aidera à se guider en toute conscience - et non par la force de 
l’habitude, en raison d’une abdication devant le consensus imposé ou 
d’un manque abyssal de tonus psychique."