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samedi 11 octobre 2025

Hans-Hermann Hoppe et la critique radicale de la démocratie.




Hans-Hermann Hoppe, économiste allemand de l’école autrichienne, disciple de Ludwig von Mises et de Murray Rothbard, est l’un des penseurs libertariens les plus radicaux du XXe et XXIe siècles. Il est connu pour son rejet complet de l’État moderne, qu’il considère comme une institution fondamentalement illégitime, et plus encore, pour sa dénonciation systématique de la démocratie – qu’il décrit non pas comme une avancée historique, mais comme un recul civilisationnel.


I. Le point de départ : la logique de la propriété privée

Pour Hoppe, toute société juste et stable repose sur la propriété privée.

L’être humain, en tant qu’individu rationnel, possède son propre corps et le fruit de son travail. C’est là le fondement du droit naturel.

De cette propriété de soi découle la légitimité de toute propriété acquise sans violence : par l’appropriation initiale (ce que Locke appelait le « mélange du travail »), par l’échange volontaire ou par le don.

Toute violation de ce principe – que ce soit par vol, fraude ou impôt – est une agression, c’est-à-dire une atteinte au droit de propriété.

Or, selon Hoppe, l’État, même dans ses formes dites démocratiques, vit exclusivement de l’agression légalisée : il prélève de la richesse par la contrainte et impose des règles que nul ne peut refuser.


II. L’État démocratique comme prédateur institutionnalisé

Dans Démocratie - Le dieu qui a échoué, Hoppe soutient que la démocratie est la forme la plus pernicieuse du pouvoir étatique, car elle dissimule la coercition sous le masque de la légitimité populaire.

Les citoyens croient participer à leur propre gouvernement, mais en réalité, ils subissent la domination d’une classe politique qui n’a qu’un objectif : se maintenir au pouvoir et redistribuer les ressources pour acheter des votes.

Loin d’assurer la liberté, la démocratie transforme l’État en machine de pillage collectif : chaque groupe social cherche à tirer profit du système électoral pour capter des privilèges, des subventions ou des protections.

Le résultat n’est pas la justice, mais la guerre économique de tous contre tous, sous couvert de légalité.


III. Monarchie et démocratie : une comparaison provocante

Hoppe ne défend pas la monarchie par nostalgie aristocratique. Mais il établit une comparaison économique entre le roi propriétaire et le politicien locataire.
• Le roi considère son royaume comme un capital héréditaire : il en tire un revenu, mais a intérêt à le préserver pour le transmettre.
• Le politicien démocratique, lui, ne possède rien : il ne fait que gérer temporairement un bien public, dont il peut extraire le maximum avant d’être remplacé.

Ainsi, le passage de la monarchie à la démocratie n’a pas, selon Hoppe, diminué l’exploitation, mais l’a rendue plus courte et plus brutale.

Les politiciens pensent à court terme ; ils dilapident la richesse nationale au lieu de la gérer durablement.

Ce qu’un monarque faisait lentement, avec prudence, le démocrate le fait rapidement, sans scrupule.


IV. La démocratie et la montée du socialisme

Hoppe voit dans la démocratie moderne une forme déguisée de socialisme, car elle encourage l’idée que chacun peut vivre aux dépens des autres.

Les électeurs votent pour ceux qui leur promettent des avantages matériels : aides, salaires publics, protection contre la concurrence, etc.

Ce processus détruit progressivement la responsabilité individuelle et transforme la société en un vaste système d’assistanat.

Sous prétexte d’égalité, la démocratie devient le règne de la jalousie institutionnalisée.

Les individus ne se considèrent plus comme des propriétaires responsables, mais comme des bénéficiaires d’un État nourricier.

C’est, pour Hoppe, la source du déclin moral, économique et culturel de l’Occident.


V. L’illusion de la souveraineté populaire

La démocratie repose sur une fiction : celle que « le peuple » gouverne.

Or, pour Hoppe, un « peuple » ne gouverne jamais : seules des personnes concrètes exercent le pouvoir.

La souveraineté populaire ne fait que dissimuler la domination d’une élite bureaucratique et médiatique, qui oriente les masses par la propagande, l’éducation publique et la manipulation des émotions collectives.

La démocratie, dit-il, est l’art de persuader les gens qu’ils sont libres, alors qu’ils sont plus soumis que jamais à des décisions qu’ils ne contrôlent pas.

Le suffrage universel devient un rituel de légitimation : les citoyens votent pour choisir leurs maîtres, mais non pour s’en passer.


VI. Les conséquences morales et culturelles

Hoppe va plus loin que la critique économique.

Il estime que la démocratie détruit les vertus traditionnelles : discipline, prudence, respect de la hiérarchie et de la famille.
En nivelant les valeurs et en glorifiant la majorité, elle favorise la médiocrité et la vulgarité.

Elle remplace la culture du mérite par celle de l’envie, et l’autorité naturelle par la popularité artificielle.

La démocratie, écrit-il, « fait de l’opinion publique une idole », et l’homme politique devient un marchand d’illusions, incapable de dire la vérité s’il veut être élu.


VII. L’alternative : l’ordre naturel sans État

Hoppe ne propose pas de revenir à la monarchie, ni à une théocratie, mais à ce qu’il appelle un ordre naturel :
une société fondée sur le droit de propriété, la liberté contractuelle et la responsabilité individuelle.

Dans cet ordre, la sécurité, la justice et l’arbitrage seraient fournis par des institutions privées en concurrence, et non par un monopole étatique.

Les communautés locales ou familiales fixeraient librement leurs règles, et ceux qui s’y opposeraient pourraient simplement quitter le territoire sans en subir la violence.

Loin du chaos, Hoppe voit là le retour à une civilisation de contrats, où la coopération naît spontanément des échanges volontaires, et non de la contrainte politique.


VIII. Une critique de la modernité politique

Pour Hoppe, la démocratie est l’idéologie la plus destructrice du monde moderne, précisément parce qu’elle se présente comme neutre et rationnelle.

Elle a remplacé Dieu et la tradition par le culte de l’« égalité des droits » et du « peuple souverain ».

Mais en réalité, elle a livré les sociétés occidentales à une bureaucratie parasitaire et à une fiscalité confiscatoire.

Le titre de son livre, Démocratie - Le dieu qui a échoué, résume cette idée : la démocratie était la nouvelle religion des Lumières, mais son dieu s’est révélé impuissant, corrupteur et mensonger.


IX. Héritage et critiques

Les idées de Hoppe ont été vivement controversées.

Ses adversaires le taxent de réactionnaire, d’aristocrate ou même d’autoritaire, car il défend la hiérarchie naturelle et critique le suffrage universel.

Mais ses partisans voient en lui le penseur le plus cohérent du libertarianisme, celui qui a poussé jusqu’au bout la logique anti-étatiste de Mises et Rothbard.

Hoppe ne rejette pas la démocratie par mépris du peuple, mais parce qu’il croit à la liberté individuelle véritable, incompatible avec la coercition majoritaire.

Il ne veut pas un gouvernement du peuple, mais l’absence de gouvernement sur le peuple.


X. En conclusion

Pour Hans-Hermann Hoppe, la démocratie est une illusion dangereuse.

Elle promet la liberté, mais produit la dépendance.

Elle proclame l’égalité, mais engendre la spoliation.

Elle prétend représenter le peuple, mais ne fait qu’enchaîner des générations sous le joug de dettes et d’impôts.

Son idéal n’est pas l’utopie anarchique du chaos, mais une société d’ordre spontané – une anarchie ordonnée – où la paix repose sur le respect absolu des droits de propriété et des contrats.