Ce livre est une collection de déclarations faites par le libertarien Ron Paul sur la politique étrangère sur une période de 30 ans, commençant en 1976, année de sa première élection au Congrès. Le volume comprend également des pensées et des analyses actuelles insérées dans ses discours et articles réimprimés.
Dans l'avant-propos, Llewellyn H. Rockwell Jr. souligne que Ron Paul a toujours cru que la politique étrangère et intérieure devrait être menée selon les mêmes principes. Pour Paul, le gouvernement doit être empêché d'intervenir chez lui ou à l'étranger, car ses actions échouent à atteindre leurs objectifs déclarés, créent plus de mal que de bien, réduisent la liberté du peuple et violent les droits. Il n'y a pas de distinction nette entre les principes de la politique intérieure et étrangère ; ils font partie du même tissu analytique. Il est incohérent de favoriser un gouvernement activiste chez soi mais la retenue à l'étranger, ou l'inverse. Un gouvernement déchaîné agit dans ses propres intérêts et ne se restreindra dans aucun domaine de la vie, il doit donc être limité dans tous les domaines pour que la liberté ne souffre pas.
Cette vision "paulienne" a de nombreux précédents dans l'histoire américaine, résumant le cœur de la contribution américaine aux idées politiques. Elle se base sur la proposition que les gens sont mieux à même de gérer leur vie que le gouvernement/l'État. Dans des conditions de liberté, le résultat est la prospérité et une civilisation ordonnée ; sous le contrôle étatique, le résultat est une pauvreté relative et un chaos imprévisible. Ron Paul est souvent critiqué comme radical pour prendre au sérieux les idées de Washington et Jefferson et l'idée de liberté elle-même, à une époque où la foi en Léviathan (l'État omnipotent) domine.
L'incohérence politique est une force puissante qui dure depuis plus d'un siècle. La gauche a un vaste programme pour l'État chez elle, mais se plaint amèrement que les mêmes outils soient utilisés pour déclencher des guerres et construire des structures impériales à l'étranger. La droite prétend vouloir restreindre le gouvernement chez elle tout en soutenant la guerre et la reconstruction mondiale à l'étranger. Paul estime que la critique de la droite à l'égard de l'État-providence et des mesures réglementaires (coûteuses, contre-productives, entravant les énergies humaines) s'applique encore plus aux interventions internationales. L'excuse pour cette incohérence a souvent été la lutte contre une menace "unique", comme le communisme pendant la Guerre Froide ou le "fanatisme islamique" après le 11 septembre. Ron Paul a noté que le 11 septembre était motivé par des représailles contre les sanctions américaines en Irak, la présence de troupes américaines en terres saintes musulmanes et les subventions américaines à l'occupation palestinienne.
Ron Paul a commencé à s'intéresser à la politique en raison d'un intérêt pour l'économie, notamment l'école autrichienne et les écrits de Ludwig von Mises, qui expliquent comment la banque centrale et l'intervention gouvernementale causent des souffrances. La rupture du pseudo-étalon-or de Bretton Woods en 1971 a confirmé ses prédictions, le poussant à se présenter au Congrès en 1974 pour s'exprimer sur les questions économiques, en particulier la politique monétaire. Il a rapidement réalisé l'interrelation étroite entre la politique économique (financement du déficit) et monétaire, et la politique étrangère et la guerre.
Ron Paul est alarmé par la manière dont les intérêts particuliers, avec un soutien bipartisan, orientent la politique d'intervention étrangère. Il cite l'envoi de troupes au Liban et à la Grenade, l'aide financière au Nicaragua, les armes à l'Iran et à l'Irak, l'assistance militaire à Oussama Ben Laden et Saddam Hussein, et le bombardement de la Libye, le tout pour des raisons autres que la stricte sécurité nationale américaine. Ces événements l'ont motivé à s'exprimer plus fréquemment sur les affaires étrangères et à voter pour que les États-Unis suivent la Constitution et les Pères Fondateurs en restant en dehors des affaires des nations étrangères, surtout lorsque l'ingérence n'a rien à voir avec les intérêts de sécurité nationale.
L'intervention étrangère ne peut être séparée des préoccupations économiques concernant les déficits, l'inflation et les impôts. Paul observe une tendance vers un gouvernement mondial, le mondialisme, le commerce administré et un système financier mondial institutionnalisé basé sur la monnaie fiduciaire pure, contrôlé par l'élite industrielle-bancaire-politique. Cette mondialisation politique, opposée aux marchés libres et à la monnaie-marchandise, menace la souveraineté nationale et les frontières traditionnelles.
Le livre contient de nombreux exemples et critiques spécifiques des politiques d'intervention américaines :
• La mort de Mao Tsé-toung (1976) : Paul dénonce la tyrannie de Mao et critique aussi la politique américaine de soutenir les "ennemis de nos ennemis" comme une politique à courte vue qui détruit la crédibilité des États-Unis en tant que champion de la liberté. Il insiste sur le fait qu'une condamnation de la tyrannie ne doit pas impliquer une menace d'intervention américaine.
• La crise en Pologne (1980) : Paul critique le subventionnement continu du régime communiste polonais par les pays occidentaux, y compris les États-Unis, alors que la Pologne était profondément endettée. Il propose une législation pour mettre fin à ces subventions étrangères qui soutiennent des régimes dictatoriaux.
• Le Liban (1981) : Paul s'oppose à une résolution de la Chambre qui engageait dangereusement les États-Unis au Liban, y voyant les germes de futurs troubles et l'utilisation potentielle de troupes et de fonds des contribuables sans débat suffisant.
• Vente d'AWACS à l'Arabie Saoudite (1981) : Paul s'oppose à la vente d'armes, arguant que les États-Unis ne devraient pas être le "policier du monde" ni le fournisseur d'armes à des nations qui pourraient devenir des ennemis ou se battre entre elles. Il remet en question la justification de protéger les approvisionnements en pétrole lorsque les intérêts américains ne sont que marginalement concernés.
• La crise des Falkland (1982) : Paul illustre comment les alliances intriquées (OTAN avec la Grande-Bretagne, Traité de Rio avec l'Argentine) desservent les vrais intérêts américains, rendant les obligations impossibles à remplir et détournant les ressources de la défense nationale. Il prône une politique de non-intervention et de neutralité armée, rappelant les paroles de Grover Cleveland et des Pères Fondateurs.
• Les engagements de l'OTAN (1982) : Paul propose une résolution pour le retrait des troupes américaines d'Europe et du Japon, affirmant que subventionner la défense d'alliés déjà riches n'est pas dans l'intérêt américain. Il critique la notion selon laquelle l'Amérique doit policer le monde et payer toutes les factures, soulignant les coûts économiques et les conflits militaires résultants.
• Le conflit au Moyen-Orient (1982) : Paul dénonce l'interventionnisme comme source de plus de problèmes qu'il n'en résout, citant le Vietnam comme exemple. Il appelle à un débat entre l'interventionnisme et la neutralité armée, liant l'interventionnisme, l'inflation et les guerres commerciales à l'isolationnisme économique et finalement à la guerre.
• Prêts de la Banque Export-Import à la Chine communiste (1982) : Paul qualifie de "honte" le subventionnement de la dictature communiste chinoise par les contribuables américains, en particulier lorsque cela nuit à l'industrie américaine et soutient un régime répressif.
• Résolutions « non contraignantes » : Paul met en garde contre ces résolutions qui, sous couvert d'intentions humanitaires, ouvrent la porte à des engagements étrangers imprudents et à une escalade militaire, comme la Résolution 159 sur le Liban ou la Résolution 409 sur les camps de réfugiés palestiniens.
• Bombardement de l'ambassade américaine au Liban (1983) : Paul considère cet acte comme une réponse planifiée à la politique étrangère interventionniste des États-Unis et appelle au retrait immédiat des troupes américaines du Liban pour éviter une implication dans une guerre au Moyen-Orient.
• Soutien à l'Amérique Centrale (1983) : Paul s'oppose à l'aide étrangère, la considérant comme un "pot-de-vin" pour imposer la volonté américaine sur d'autres gouvernements, souvent de manière hypocrite. Il souligne l'inefficacité de l'aide à arrêter le communisme et à stimuler la croissance économique.
• Financement du communisme et de ses opposants (1983) : Paul critique la politique américaine de subventionner des régimes communistes (comme l'URSS et le bloc de l'Est) tout en finançant ensuite ceux qui luttent contre le communisme.
• War Powers Resolution et Grenade/Liban (1983) : Paul critique l'incohérence du Congrès, qui a donné un "chèque en blanc" pour le Liban mais a imposé des limites courtes pour la Grenade, malgré l'absence d'intérêt national légitime au Liban et la menace potentielle à la Grenade. Il réaffirme que le Congrès, et non le président, a le pouvoir exclusif de déclarer la guerre.
• Autodétermination et Chypre (1983) : Paul s'oppose à la condamnation par le Congrès de la déclaration d'indépendance chypriote turque, arguant que ce n'est pas le rôle des États-Unis d'imposer leur volonté à d'autres nations.
• Contradictions générales (1984) : Paul dénonce les contradictions de la politique étrangère américaine qui a conduit à près d'un siècle de guerres non déclarées et sans objectif de victoire clair. Il met en évidence le soutien financier aux deux camps dans les conflits, le subventionnement des ennemis, et la négligence de la défense nationale. Il déplore la "psychose de la guerre" qui a poussé l'Amérique à intervenir partout.
• L'internationalisme et l'ONU (1993, 1997, 2000, 2002) : Paul voit l'internationalisme comme un principe accepté à Washington, mais il critique la perte de souveraineté nationale au profit d'organismes internationaux comme l'ONU et l'OTAN. Il introduit l'American Sovereignty Restoration Act pour contrer ces abus.
• Bosnie et Kosovo (1997-1999) : Paul s'oppose fermement à l'intervention en Bosnie et au Kosovo, la qualifiant d'illégale, de dangereuse, et sans lien avec la sécurité nationale. Il critique le concept de « nation building », et le fait que les intérêts corporatifs et le complexe militaro-industriel influencent ces politiques.
• Guerre en Irak sous Clinton (1998-1999) : Paul met en garde contre les bombardements de l'Irak et les sanctions, les considérant comme le résultat d'une politique étrangère erronée qui renforce les ennemis et expose les citoyens américains aux attaques terroristes. Il rappelle que l'Irak était un allié des États-Unis et que les armes étaient parfois fournies aux deux côtés des conflits.
• Colombie (2000) : Paul s'oppose à l'expansion militaire américaine en Colombie, affirmant qu'aucun intérêt de sécurité nationale n'est en jeu, que la "guerre contre la drogue" est un subterfuge, et que les véritables moteurs sont les intérêts pétroliers et les fabricants d'armes américains.
• Après le 11 septembre (2001) : Paul reconnaît la nécessité de répondre, mais insiste sur une approche mesurée, en définissant clairement l'ennemi pour éviter une guerre étendue et la perte des libertés civiles. Il propose le recours aux lettres de marque et de représailles comme outil constitutionnel pour cibler précisément les coupables, plutôt que des invasions. Il critique la "nation-building" et l'idée que les attaques sont dues à notre liberté, affirmant qu'elles sont liées à la politique américaine au Moyen-Orient.
• La "guerre contre le terrorisme" et les libertés (2001-2003) : Paul s'inquiète des mesures prises après le 11 septembre, comme le Patriot Act, les tribunaux militaires et l'implication militaire dans la sécurité intérieure, qui menacent les libertés civiles au lieu de cibler efficacement les terroristes.
• Guerre en Irak et doctrine de la "frappe préventive" (2002-2003) : Paul s'oppose fermement à la guerre en Irak, soulignant l'absence d'autorisation constitutionnelle, l'opposition des alliés et la doctrine dangereuse de la "frappe préventive". Il remet en question les justifications du gouvernement, y compris les affirmations sur les armes de destruction massive et les liens avec le 11 septembre, preuves qui se sont avérées fausses. Il souligne que la guerre profite aux intérêts économiques et géopolitiques (pétrole) plutôt qu'à la sécurité nationale.
• Neoconservatisme (2003) : Paul expose la philosophie néoconservatrice, qu'il décrit comme un rejet du gouvernement constitutionnel limité et une adhésion à l'impérialisme, à la guerre préventive, à la manipulation de l'opinion publique et au contrôle étatique. Il identifie des figures clés et des publications associées à ce mouvement.
• Iran (2004-2006) : Paul met en garde contre les plans de "changement de régime" en Iran, les comparant à ceux de l'Irak, et critique les sanctions et les menaces militaires qui mènent à la guerre. Il prône le dialogue et le respect des droits de l'Iran en matière d'énergie nucléaire pacifique.
Ron Paul soutient qu'une politique étrangère de non-intervention est non seulement plus conforme à la Constitution et aux idéaux des Pères Fondateurs, mais aussi plus efficace pour assurer la paix et la prospérité des États-Unis et du monde. Cette politique implique de se concentrer sur la défense de la patrie et des frontières, de ne pas s'immiscer dans les affaires internes d'autres nations, de ne pas s'engager dans des alliances intriquées, et de promouvoir le commerce et l'amitié avec toutes les nations. Il appelle à ramener les troupes chez elles et à cesser l'aide étrangère.
Le livre souligne aussi que l'interventionnisme engendre des coûts énormes en vies humaines, en blessures, en dollars dépensés, en inflation et en déficits, qui pèseront sur les générations futures. La capacité des États-Unis à financer ces interventions par l'impression de monnaie (en tant que monnaie de réserve mondiale) est une illusion qui mènera à un désastre économique.
Ron Paul exhorte le Congrès à récupérer son pouvoir constitutionnel de déclarer la guerre et de contrôler les dépenses militaires, au lieu de les céder au pouvoir exécutif ou à des organismes internationaux. Il voit la réticence du Congrès à exercer ces responsabilités comme une "capitulation".
L'œuvre de Ron Paul est un appel retentissant à un retour aux principes fondamentaux de la République américaine, mettant en garde contre les dangers de l'empire, de l'interventionnisme, et de l'érosion des libertés au nom de la sécurité et de la "démocratie" mondiale. Il insiste sur la nécessité de comprendre l'histoire, d'agir avec sagesse et humilité, et de ne pas se laisser manipuler par les intérêts particuliers et la propagande. Seule une politique de paix, de commerce et d'amitié, sans alliances intriquées, peut garantir la sécurité, la prospérité et la liberté pour les Américains et le monde.